Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 31 janvier 2017, 29 août 2017 et 8 novembre 2017, M.F..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 20 décembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Cluny du 23 décembre 2015 et la décision de rejet de son recours gracieux du 4 mars 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cluny une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a intérêt à agir en qualité de propriétaire d'une maison d'habitation située sur le terrain voisin de celui appartenant à la pétitionnaire dès lors que le projet va affecter l'ensoleillement et les vues dont il bénéficiait jusqu'alors ;
- le dossier de demande de permis de construire n'était pas complet dans la mesure où la notice est insuffisante, les pièces produites ne permettent pas d'apprécier la distance de la construction par rapport à la voie publique, la hauteur de la construction, son insertion dans l'environnement et son emprise au sol ;
- le projet autorisé ne respecte pas le coefficient d'emprise au sol fixé à 0,4 par l'article UB 9 du plan local d'urbanisme si l'on prend en compte les débords de toiture soutenus par des encorbellements ;
- ce projet ne respecte pas la hauteur maximale fixée à 3,5 mètres par l'article UB 10 du plan local d'urbanisme ;
- il méconnaît également l'article UB 11 du plan local d'urbanisme qui impose une toiture à deux pans de pente traditionnelle ;
- la démolition de l'ancien mur et la construction d'un nouveau mur méconnaissent l'article UB 11 du plan local d'urbanisme et que cette illégalité aurait dû conduire à l'annulation totale du permis de construire délivré ;
- le permis de construire en litige procède d'un détournement de procédure dès lors que la parcelle aurait dû faire l'objet d'une autorisation de lôtir.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2017, la commune de Cluny, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. F...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable faute pour M. F...de lui avoir notifiée et de l'avoir notifiée à la pétitionnaire ;
- elle est également irrecevable dès lors que M.F... ne justifie pas d'un intérêt à agir ;
- aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeC..., première conseillère,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
- et les observations de MeH..., représentant la commune de Cluny ;
1. Considérant que par un arrêté du 23 décembre 2015, le maire de Cluny a délivré à Mme B...D...un permis de construire en vue d'édifier une maison individuelle d'habitation de 91 m² sur un terrain situé au lieu-dit la Terre à Buteau, en zone UBc du plan local d'urbanisme de la commune de Cluny ; que le 20 février 2016, M. F... a formé un recours gracieux contre cet arrêté rejeté par une décision du maire de Cluny du 4 mars 2016 ; qu'il relève appel du jugement du 20 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de cette décision ;
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. Considérant que, contrairement à ce qu'affirme la commune de Cluny, il ressort des pièces du dossier que M. F... a, par des courriers recommandés avec avis de réception envoyés le 2 février 2017, notifié sa requête d'appel à la commune de Cluny et à MmeD... ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'obligation de notification prescrite par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme doit être écartée ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) " ; qu'eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat d'un projet de construction justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. F...est voisin immédiat du projet autorisé et fait valoir la proximité de la construction projetée, sur laquelle il aura une vue directe depuis sa propre habitation ; qu'il justifie ainsi de son intérêt à agir contre le permis de construire en litige ;
Sur la légalité des décisions en litige :
En ce qui concerne le dossier de demande de permis de construire :
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : / a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; / b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. 431-33-1 ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 431-8 du même code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; / d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; / f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. " ; qu'aux termes de l'article R. 431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; (...) / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. " ;
6. Considérant que la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable ;
7. Considérant que MmeD..., suite à une demande du service instructeur, a complété la notice jointe au projet architectural et a mentionné une emprise au sol de 130,55 m² ; qu'il apparaît toutefois que la pétitionnaire a omis de comptabiliser les débords de toiture soutenus par des poteaux au niveau du porche d'entrée ainsi que les débords de toiture soutenus par des encorbellements couvrant la terrasse située au sud de la construction ; que d'ailleurs, ces encorbellements, qui apparaissent sur les plans de façade, ne sont pas représentés sur les plans de coupe produits au dossier ; que ces erreurs et incohérences ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'administration sur la conformité du projet à l'article UB 9 du règlement du plan local d'urbanisme, qui détermine l'emprise au sol maximale autorisée dans la zone ;
En ce qui concerne l'emprise au sol du projet :
8. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article UB 9 du règlement du plan local d'urbanisme de Cluny, relatif à l'emprise au sol : " Le Coefficient d'Emprise au Sol est fixé à 0,4. / La surface couverte ne pourra excéder 40 % du terrain. " ;
9. Considérant que, compte tenu de la surface, non contestée, de 350 m² de la parcelle B 677 et du coefficient d'emprise au sol applicable au projet litigieux, situé en zone UB du plan local d'urbanisme de la commune de Cluny, l'emprise au sol maximale autorisée sur le terrain s'établit à 140 m² ;
10. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 420-1 du code de l'urbanisme : " L'emprise au sol au sens du présent livre est la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs inclus. / Toutefois, les ornements tels que les éléments de modénature et les marquises sont exclus, ainsi que les débords de toiture lorsqu'ils ne sont pas soutenus par des poteaux ou des encorbellements. " ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le débord de toiture du porche d'entrée situé au nord-est du bâtiment est soutenu par des poteaux et doit à ce titre être comptabilisé dans la surface d'emprise au sol, de même que les débords de toitures de la maison couvrant la terrasse située au sud, soutenus par des encorbellements, ainsi que le montrent les plans de façade joints à la demande de permis de construire ; qu'en prenant en compte ces débords de toiture, l'emprise au sol du projet atteint 145 m² et excède ainsi l'emprise maximale autorisée ; que si la commune de Cluny soutient que le projet pouvait alors faire l'objet d'une adaptation mineure au sens des dispositions de l'article L. 152-3 du code de l'urbanisme, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué qu'elle aurait fait application de ces dispositions ; qu'au demeurant, une telle adaptation mineure n'était pas rendue nécessaire par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes ; que, par suite, M. F...est fondé à soutenir que les décisions en litige méconnaissent l'article UB 9 du règlement du plan local d'urbanisme de Cluny ;
En ce qui concerne l'aspect de la toiture du projet :
12. Considérant qu'aux termes de l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme : " (...) Les constructions devront comporter une toiture deux pans de pente traditionnelle, c'est-à-dire former un angle compris entre 30 % et 45 % ou entre 80 % et 110 % excepté pour les matériaux métalliques. Le choix de la pente du toit devra être réalisé de manière à respecter l'environnement bâti existant. Une toiture d'un seul pan, respectant l'angle des pentes défini ci-dessus, sera admise pour les annexes. Toutefois des dispositions différentes seront possibles lorsqu'elles résulteront d'une création attestant d'un réel dialogue architectural entre le projet et son environnement, ou d'une nécessité technique imposée par l'usage d'énergies renouvelables ou des ressources naturelles et/ou procédés techniques et dispositifs écologiques (...) " ;
13. Considérant que Mme D...n'a invoqué dans sa demande de permis de construire aucune nécessité technique liée à l'installation de panneaux photovoltaïques justifiant le choix d'une toiture à un pan au sud-est de l'habitation ; que si la commune fait valoir qu'une orientation sud-est des panneaux solaires est préférable à une orientation sud-ouest, elle n'assortit ses allégations d'aucune précision permettant d'en apprécier la pertinence ; que, dans ces conditions, M. F...est fondé à soutenir que l'arrêté et la décision en litige méconnaissent l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Cluny ;
14. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder l'annulation des décisions en litige ;
Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif (...) peut surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation (...) " ;
16. Considérant que la régularisation des vices affectant l'emprise au sol du projet et éventuellement la conception des toitures, à moins que le pétitionnaire ne justifie d'une réelle nécessité technique liée à l'implantation de panneaux solaires, implique une modification substantielle de ce projet de nature à en remettre en cause l'économie générale ; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 décembre 2015 et de la décision du 4 mars 2016 ;
Sur les frais liés au litige :
18. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Cluny une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. F...et non compris dans les dépens ;
19. Considérant, en revanche, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.F..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Cluny au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 20 décembre 2016 est annulé.
Article 2 : Le permis de construire délivré par le maire de Cluny le 23 décembre 2015 et la décision de rejet du recours gracieux formé par M. F...du 4 mars 2016 sont annulés.
Article 3 : La commune de Cluny versera à M. F...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... F..., à la commune de Cluny et à Mme B...D....
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Fischer-Hirtz, présidente de chambre,
M. Souteyrand, président-assesseur,
MmeC..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 25 octobre 2018.
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N° 17LY00416
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