Par une requête enregistrée le 27 février 2015, M.A..., représenté par Me Rodrigues, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 6 novembre 2014 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 8 juillet 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant du refus de délivrance de titre de séjour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier du dossier ;
- ce refus méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celles de l'article L. 313-14 du même code et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- il excipe de l'illégalité du refus de titre de séjour sur lequel elle est fondée ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- il excipe de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision est insuffisamment motivée, entachée d'un défaut d'examen particulier de son dossier, moyen auquel le tribunal administratif a omis de répondre, d'erreur de fait et d'erreur de droit ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire, qui n'a pas produit d'observations.
Par ordonnance du 8 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 29 avril 2016.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 janvier 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pourny,
- et les observations de Me Rodrigues, avocat de M.A....
1. Considérant que M.A..., ressortissant angolais né le 9 septembre 1993, entré en France le 15 janvier 2010, a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département de Saône-et-Loire ; qu'il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 25 octobre 2011, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 avril 2012 ; qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " le 1er juin 2012 et a obtenu la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " valable du 24 mai au 30 septembre 2013, l'intéressé préparant alors un CAP de peintre-applicateur, diplôme qu'il a obtenu le 11 juillet 2013 ; que M. A... a de nouveau sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " le 4 octobre 2013 ; que le préfet de Saône-et-Loire a pris à son encontre le 8 juillet 2014 un arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation d'un pays de destination ; que M. A... relève appel du jugement du 6 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;
3. Considérant que pour contester la décision lui fixant un pays de destination, M. A... soutenait dans sa demande devant le tribunal administratif de Dijon que la motivation stéréotypée de cette décision mentionnant un ressortissant soudanais démontrait le peu d'attention consacré à sa demande de régularisation et que cette décision encourait l'annulation pour ce motif ; que le tribunal administratif de Dijon, qui a répondu au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision, n'a ni visé, ni répondu au moyen tiré de l'absence d'examen particulier du dossier concernant le pays de destination ; que, ce moyen n'étant pas inopérant, M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il se prononce sur la décision lui fixant un pays de destination ;
4. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, pour la cour, de statuer par voie d'évocation sur les conclusions de M. A... relatives à la décision lui fixant un pays de destination et d'examiner, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les autres conclusions de sa requête ;
Sur la légalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
5. Considérant que l'arrêté litigieux comporte un exposé détaillé de la situation de M. A... depuis son entrée en France ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de Saône-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de son dossier manque en fait ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code, dans sa version applicable à l'arrêté litigieux : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A..., célibataire et sans enfant, avait quatre frères et soeurs dans son pays d'origine ; que s'il soutient avoir appris le décès de ses parents et ne plus avoir de contact avec les membres de sa famille en Angola, il n'apporte aucun élément précis à l'appui de ses allégations ; que, dès lors, eu égard à l'âge auquel M. A... est entré en France, après avoir vécu jusqu'à l'âge de seize ans dans son pays d'origine, le préfet a pu, après avoir permis à l'intéressé de terminer avec succès la formation dans laquelle il s'était engagé, lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sans méconnaître les dispositions des articles L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;
11. Considérant qu'il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
12. Considérant qu'eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, au fait qu'il est célibataire et sans enfant et qu'il y a achevé la formation qu'il suivait, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
13. Considérant qu'il résulte de l'examen de la légalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision lui fixant un pays de destination ;
14. Considérant que l'arrêté litigieux vise notamment des articles du livre cinquième du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte l'indication que M. A... est de nationalité angolaise et qu'il " n'a pas établi être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine (l'Angola) " ; que, dès lors, la décision lui fixant le pays dont il a la nationalité ou tout pays où il serait admissible comme pays de destination est suffisamment motivée ;
15. Considérant que l'arrêté litigieux mentionne des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile en précisant leurs dates ; qu'il n'est pas contesté que ces décisions sont bien celles concernant M. A... ; que la circonstance que cet arrêté comporte le nom d'un tiers de nationalité soudanaise ne suffit pas à établir un défaut d'examen particulier du dossier de M. A... avant la décision lui fixant un pays de destination ;
16. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; et que ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
17. Considérant que si M. A... allègue qu'il serait exposé à des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations ; que, dès lors, il n'est pas établi que la décision lui fixant un pays de destination soit entachée d'une erreur de fait ; que, pour le même motif, il n'est pas fondé à soutenir que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il se prononce sur les conclusions relatives à la décision lui fixant un pays de destination ; que, toutefois, ces conclusions étant rejetées par le présent arrêt, les conclusions qu'il présente au titre des articles L. 911-1, L. 911-2 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1402675 du 6 novembre 2014 du tribunal administratif de Dijon est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision lui fixant un pays de destination.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.
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N° 15LY00711