- de condamner l'État à lui verser la somme de 61 135,02 euros en réparation des préjudices résultant de ces décisions.
Par un premier jugement n° 160388 du 31 janvier 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions susmentionnées (article 1er), enjoint au Garde des sceaux, ministre de la justice de titulariser M. A... dans le corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse à compter du 1er septembre 2013 et de reconstituer sa carrière (article 2) et, avant plus amplement dire droit, ordonné un supplément d'instruction afin de déterminer le préjudice matériel de l'intéressé (article 3).
Par un second jugement n° 160388 du 23 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a condamné à l'État à verser à M. A... la somme de 7 000 euros.
Procédure devant la cour
I. Par une requête enregistrée le 4 avril 2018 sous le n° 18LY01214, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 janvier 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.
Elle soutient que :
- le jugement du 31 janvier 2018 est insuffisamment motivé ;
- le licenciement de M. A... était justifié par le plagiat qu'il a commis à l'occasion de la rédaction de son dossier de professionnalisation, caractérisant son inaptitude à exercer les fonctions d'éducateur spécialisé de la protection judiciaire de la jeunesse.
II. Par une requête enregistrée le 25 septembre 2018 sous le n° 18LY03592, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 juillet 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.
Elle soutient que le plagiat dont M. A... s'est rendu coupable constitue une faute qui fait obstacle à ce qu'il ait droit à une quelconque indemnité.
Les requêtes ont été communiquées à M. A..., qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le décret n° 92-344 du 27 mars 1992 portant statut particulier du corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse ;
- l'arrêté du 15 juillet 2004 portant organisation de la formation des éducateurs stagiaires de la protection judiciaire de la jeunesse dont la durée de stage est de un an ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes visées ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. Le 1er septembre 2012, M. A... a été nommé éducateur stagiaire de la protection judiciaire de la jeunesse dans le cadre d'une procédure de recrutement organisée au titre des emplois réservés. Le 9 juillet 2013, la commission administrative paritaire a émis un avis défavorable à sa titularisation. Par un arrêté du 31 juillet 2013, le garde des sceaux, ministre de la justice a licencié M. A... et l'a radié des cadres à compter du 1er septembre 2013. Par un jugement du 17 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision. Par un arrêté du 14 août 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice a de nouveau licencié l'intéressé et l'a radié des cadres à compter du 1er septembre 2013. Le 29 octobre 2015, M. A... a présenté au garde des sceaux, ministre de la justice, un recours contre l'arrêté du 14 août 2015 ainsi qu'une réclamation préalable en vue de l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de son licenciement. La garde des sceaux, ministre de la justice, fait appel des jugements par lesquels le tribunal administratif de Grenoble, d'une part, a annulé cet arrêté du 14 août 2015 et la décision implicite de rejet du recours contre cet arrêté et, d'autre part, a condamné l'État à verser à M. A... la somme de 7 000 euros.
3. Aux termes de l'article 2 du décret du 27 mars 1992 portant statut particulier des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, alors en vigueur : " Les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse sont chargés de conduire, sur décision judiciaire, dans les établissements ou services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, sous l'autorité des directeurs de ces services ou établissements, des actions éducatives auprès des mineurs délinquants ou en danger et de jeunes majeurs faisant l'objet d'une mesure de protection judiciaire. Ils assurent les missions confiées aux services éducatifs auprès des tribunaux. Ils participent à l'organisation et à la mise en oeuvre d'actions de prévention auprès des jeunes. /Ils peuvent en outre assurer, dans les centres de formation de la protection judiciaire de la jeunesse, des fonctions d'enseignement ou d'animation pédagogique. "
4. Aux termes de l'article 8 du même décret : " Les candidats reçus aux concours ainsi que ceux recrutés par la voie de la liste d'aptitude sont nommés éducateurs stagiaires et accomplissent un stage au cours duquel ils reçoivent une formation. La durée du stage est de deux ans pour les stagiaires recrutés par la voie du concours externe sur épreuves et par la voie du concours interne et de un an pour les stagiaires recrutés par les autres voies. Les stagiaires bénéficiant d'un stage de deux ans doivent le faire valider. "
5. L'article 12 de ce décret prévoit que : " A l'issue de leur formation, les éducateurs stagiaires ayant accompli deux années de stage dont la formation a été validée et ceux ayant accompli une année de stage dont les services ont donné satisfaction sont titularisés après avis de la commission administrative paritaire. Les stagiaires qui n'ont pas été titularisés à l'issue de leur période de stage peuvent être autorisés à effectuer un stage complémentaire d'une durée maximale de un an. Les stagiaires qui n'ont pas été autorisés à effectuer un stage complémentaire ou dont le stage complémentaire n'a pas donné satisfaction sont soit licenciés, soit, s'ils avaient auparavant la qualité de fonctionnaire, réintégrés dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine. "
6. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 15 juillet 2004 portant organisation de la formation des éducateurs stagiaires de la protection judiciaire de la jeunesse dont la durée du stage est de un an alors applicable : " La formation des éducateurs stagiaires issus du concours prévu au IV de l'article 3 du décret n° 92-344 du 27 mars 1992 portant statut particulier du corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse ainsi que ceux recrutés au titre de la promotion interne débute par le passage d'un bilan de positionnement qui permet d'individualiser cette formation et la formation continue obligatoire. Cette formation comprend une période de stage de découverte et de sensibilisation aux missions et services de la protection judiciaire de la jeunesse d'une durée de 9 semaines, des modules de connaissances théoriques et d'analyse de la pratique professionnelle d'une durée de 14 semaines et une période de stage d'implication et d'expérimentation d'une durée de 18 semaines. Cette formation a pour objectif l'acquisition de connaissances et de savoir-faire professionnels nécessaires à la conduite des différentes actions auprès des mineurs délinquants ou en danger et des jeunes majeurs faisant l'objet d'une mesure de protection judicaire. Elle vise à compléter les compétences acquises antérieurement par le stagiaire. "
7. L'article 4 de cet arrêté ajoute que : " A l'issue de l'année de stage, le directeur général du Centre national de formation et d'études remet au directeur de la protection judiciaire de la jeunesse une appréciation du parcours de formation du stagiaire, accompagnée des avis des supérieurs hiérarchiques du lieu d'affectation du stagiaire, qui le communique à la commission administrative paritaire compétente chargée d'émettre un avis sur la titularisation. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que, si les attestations et témoignages produits par M. A... en première instance font état de son investissement, de son sérieux et de sa disponibilité à l'occasion des divers stages effectués dans le cadre de sa formation d'éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse, l'intéressé s'est, à l'occasion de la rédaction de son dossier de professionnalisation, approprié un passage d'un écrit sans citer son auteur ni le référencer dans sa bibliographie. En estimant qu'un tel agissement, incompatible avec les fonctions d'éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse, faisait obstacle à sa titularisation, l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision prononçant le licenciement de M. A....
9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A....
10. En premier lieu, la décision du 14 août 2015 prononçant le licenciement de M. A... à compter du 1er septembre 2013 a été édictée à l'occasion du réexamen de sa situation, rendu nécessaire par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 juillet 2015 qui a annulé la décision initiale de licenciement du 31 juillet 2013. Par suite, la décision litigieuse, qui procède à la régularisation de la situation de l'intéressé, n'est pas entachée d'une rétroactivité illégale.
11. En deuxième lieu, un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. Il en résulte qu'alors même que la décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne, elle n'est pas - sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire - au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de faire valoir ses observations et n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et les règlements.
12. En l'espèce, l'administration, qui a consulté la commission administrative paritaire, qui a émis un avis défavorable à la titularisation de M. A..., n'avait pas à mettre l'intéressé en mesure de présenter ses observations.
13. En troisième lieu, en indiquant, dans la lettre notifiant à M. A... la décision du 14 août 2015, que selon le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 juillet 2015, " le contenu de l'arrêté ne pouvait être censuré sur le fond ", le ministre s'est borné à expliquer à l'intéressé que l'annulation de la décision du 31 juillet 2013, intervenue au motif qu'il avait été privé des garanties inhérentes à un licenciement en cours de stage, ne faisait pas obstacle à l'intervention d'une nouvelle décision. Il n'a, ainsi, pas commis d'illégalité.
14. En quatrième lieu, M. A..., dont la formation initiale était régie par les dispositions de l'arrêté du 15 juillet 2004, ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 28 août 1991 relatif à la formation des éducateurs stagiaires de la protection judiciaire de la jeunesse, qui n'étaient plus applicables à la date de la décision litigieuse.
15. En cinquième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'interdisait à l'école de formation des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse de demander aux stagiaires la rédaction d'un rapport de professionnalisation, ni ne l'obligeait à organiser, pour les élèves, une soutenance orale de ce travail écrit. Par suite, la décision litigieuse ne méconnaît pas les dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 15 juillet 2004.
16. Enfin, compte tenu de ce qui vient d'être dit, en licenciant M. A..., l'administration n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité. Dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à demander la condamnation de l'État à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'il soutient avoir subis.
17. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement du 31 janvier 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 14 août 2015 prononçant le licenciement de M. A... et condamné l'État à verser à celui-ci une indemnité de 7 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Grenoble du 31 janvier 2018 et du 23 juillet 2018 sont annulés.
Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la garde des sceaux, ministre de la justice et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 4 avril 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Souteyrand, président assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 6 mai 2019.
Le rapporteur,
P. Dèche
Le président,
J.-P. Clot
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 18LY01214, 18LY03592