Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 juillet 2018, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 mai 2018.
Le préfet de la Haute Savoie soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, en l'absence de circonstances humanitaires, il était tenu de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français et l'interdiction de retour en France pour une durée d'un an n'était pas disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2018, M. B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour, d'une part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de procéder à la suppression du signalement aux fins de non-admission et de rapporter la preuve de ses diligences, et d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme F..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant kosovar, né le 22 mai 1999, a été remis par les autorités italiennes aux autorités françaises le 27 mai 2018 alors qu'il venait de traverser la frontière franco-italienne. Par un arrêté du 28 mai 2018, le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Le préfet de la Haute-Savoie relève appel du jugement, en date du 31 mai 2018, par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur le motif d'annulation par le tribunal de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
2. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. /Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...)/ La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Sauf menace grave pour l'ordre public, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées. (...) ".
3. M. B... n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Le préfet ne soutient pas que la présence en France de l'intéressé constituerait une menace pour l'ordre public. Toutefois, interpellé alors qu'il venait de franchir la frontière franco-italienne et qu'il était en transit en France, M. B... a déclaré ne jamais avoir vécu en France. Il est en outre dépourvu de tout lien avec la France. Dans ces conditions, en fixant à une année la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, alors que le préfet peut assortir la décision d'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de territoire allant jusqu'à trois ans, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. Par suite, c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an au motif que celle-ci avait un caractère disproportionné.
4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Lyon.
Sur les autres moyens :
5. En premier lieu, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision d'interdiction de retour sur le territoire français, M. B... a fait valoir que la décision du préfet de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire était illégale. Il a fait valoir à ce titre que cette dernière décision n'était pas suffisamment motivée, que le préfet n'avait pas procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle, qu'elle était entachée d'erreur d'appréciation et d'erreur de fait. Pour les motifs exposés par le tribunal aux points 3 à 6 du jugement qu'il y a lieu d'adopter, ces moyens doivent être écartés. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de lui accorder un délai de départ volontaire était illégal.
6. En deuxième lieu, M. E... C..., directeur de la citoyenneté et des libertés publiques et signataire de la décision, disposait, par arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 17 janvier 2018 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, d'une délégation à l'effet de signer notamment les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse doit être écarté.
7. En troisième lieu, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, qui vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relève notamment qu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'intéressé, que ce dernier, qui est entré en France le 27 mai 2018, ne dispose d'aucun lien familial en France. Elle précise que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle est ainsi suffisamment motivée.
8. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Savoie n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B....
9. En cinquième lieu, ni le fait que le père de M. B... réside en Suisse, ni la circonstance, au demeurant non établie par les pièces du dossier, que l'intéressé serait basketteur professionnel et aurait besoin à ce titre de se déplacer en Europe pour effectuer des compétitions, ne constituent des circonstances humanitaires au sens des dispositions précitées, justifiant qu'une interdiction de retour sur le territoire français ne soit pas prononcée à son encontre.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 28 mai 2018 portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et les conclusions tendant à la mise à la charge de l'Etat d'une somme au titre des frais liés au litige présentées par M. B... ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1803694 du 31 mai 2018 est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et les conclusions qu'il a présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie et au procureur de la République près le tribunal de grande instance territorialement compétent.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
MmeF..., première conseillère,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 mai 2019.
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N° 18LY02472