1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 juillet 2018 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés susmentionnés ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une attestation de demande d'asile ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Il soutient que :
- l'arrêté de transfert méconnaît les articles 4 du règlement du 26 juin 2013 et l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté méconnaît l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît le 1 de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013 ;
- le préfet aurait dû faire usage de la clause dérogatoire prévue par l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ;
- il méconnaît l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 27 du règlement du 26 juin 2013 ;
- l'assignation à résidence est illégale, par voie d'exception de l'arrêté prononçant son transfert vers l'Allemagne.
La requête a été notifiée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
- Le rapport de M.Savouré, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République de Guinée, né le 15 janvier 1995, a présenté une demande d'asile le 15 mars 2018. Ayant relevé ses empreintes digitales, le préfet de l'Isère a constaté en consultant le fichier Eurodac que l'intéressé avait auparavant sollicité l'asile auprès des autorités allemandes. Celles-ci, saisies sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013, ont accepté la reprise en charge de l'intéressé le 11 mai 2015. A la suite de cette procédure, le préfet de l'Isère a décidé son transfert aux autorités allemandes par arrêté du 23 mai 2018 et l'a assigné à résidence par arrêté du 8 juin 2018. M. B... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En l'espèce, l'arrêté litigieux mentionne le b) du paragraphe 1 de l'article 18 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et relève que M. B...a antérieurement présenté une demande en Allemagne et que les autorités de ce pays ont donné leur accord à sa reprise en charge. Par suite, il doit être regardé comme suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de (...) transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de (...) transfert (...). Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français. " Aux termes de l'article L. 111-8 du même code : " En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'entretien individuel qui s'est déroulé dans les locaux de la préfecture de l'Isère, le 15 mars 2018, M. B...a déclaré comprendre le français et le malinké. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que l'entretien se serait déroulé dans une langue qu'il ne comprend pas. En outre, s'il fait valoir qu'il comprend mieux le malinké que le français, il est constant qu'il a bénéficié de l'assistance téléphonique d'un interprète en langue malinké de l'organisme Inter Service Migrants Interprétariat, qui bénéficie d'un agrément ministériel aux fins d'interprétariat et de traduction. La circonstance que l'identité et les coordonnées de l'interprète intervenu au nom de cette association agréée n'ont pas été mentionnées sur le résumé de l'entretien individuel est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Il ne ressort pas du résumé de cet entretien individuel que des difficultés de communication entre M. B...et l'interprète se seraient produites ni, au demeurant, que ce dernier ne serait pas intervenu dans une langue comprise du requérant. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 111-8 et L. 111-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.
6. D'autre part, si M. B... allègue que l'entretien individuel dont il a bénéficié à la préfecture n'a pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national, il ressort des pièces du dossier qu'il a été reçu à la préfecture de l'Isère le 15 mars 2018 par un agent du service. Dès lors, l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".
8. Les autorités allemandes ont été saisies d'une demande de reprise en charge de M. B... sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 et ces autorités ont implicitement donné leur accord. L'intéressé se prévaut de ce que, sa demande d'asile ayant été rejetée en Allemagne, sa situation relevait, en réalité, du d) du même texte. Toutefois, dans ce cas, le préfet pouvait décider son transfert sur ce fondement, la substitution de cette base légale à celle du b) n'ayant pas pour effet de priver M. B...d'une garantie et l'administration disposant du même pouvoir d'appréciation. Par suite, la circonstance que la demande d'asile de l'intéressé aurait été rejetée en Allemagne reste sans incidence sur la légalité de la décision de transfert en litige.
9. En quatrième lieu, la faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile. Si M. B... affirme que la procédure a été rejetée en Allemagne, cette circonstance ne permet pas à elle seule de regarder le préfet de l'Isère comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'appliquer ces dispositions. Il ne ressort pas du certificat médical produit concernant un abcès à la lèvre supérieure que les soins que son état de santé nécessite ne pourraient être dispensés en Allemagne.
10. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...ait été privé d'un recours effectif au sens de l'article 27 règlement n° 604/2013.
11. En sixième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B...n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de l'arrêté prononçant son transfert vers l'Allemagne à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'assignation à résidence.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2019 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
MmeD..., première conseillère,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 mai 2019.
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N° 18LY03036