Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 5 octobre 2018, M. A... B..., représenté par Me Grenier, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 10 septembre 2018 ;
2°) d'annuler la décision susmentionnée ;
3°) d'enjoindre au directeur général de l'OFII de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, avec effet rétroactif au jour de l'acceptation de l'offre de l'OFII, dans le délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision n'est ni écrite, ni motivée, contrairement aux exigences de l'article D. 744-38 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est admis à séjourner en France et il est titulaire de l'attestation de demande d'asile prévue à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa demande d'asile est en cours d'examen par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) selon la procédure normale ; il a accepté l'offre relative aux conditions matérielles d'accueil ;
- contrairement à ce qu'indique la décision litigieuse et contrairement aux exigences de l'article D. 744-38 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'a nullement tenté d'obtenir frauduleusement le bénéfice des conditions matérielles d'accueil.
La requête a été communiquée à l'OFII qui n'a pas produit d'observations.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2003/9/UE du Conseil du 27 janvier 2003 ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 27 septembre 2012, CIMADE et GISTI, c-179/11 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Clot, président,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., de nationalité tchadienne, ayant sollicité l'asile en France, a fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile. Cette mesure de transfert a été exécutée mais l'intéressé est revenu en France. Il s'est présenté à la préfecture de la Côte-d'Or, où une attestation de demande d'asile selon la procédure accélérée lui a été délivrée le 15 février 2018. Il a été informé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 31 juillet 2018 de ce que l'examen de sa demande d'asile se poursuivait selon la procédure normale. Une attestation de demande d'asile en procédure normale, valable jusqu'au 11 mars 2019, lui a été délivrée le 12 septembre 2018. Le 15 février 2018, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) l'a informé de son intention de lui refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil. M. A... B... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus qui lui a été opposé.
2. Aux termes de l'article L. 744-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les lieux d'hébergement mentionnés à l'article L. 744-3 accueillent les demandeurs d'asile pendant la durée d'instruction de leur demande d'asile ou jusqu'à leur transfert effectif vers un autre État européen. Cette mission prend fin au terme du mois au cours duquel le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues aux articles L. 743-1 et L. 743-2 a pris fin ou à la date du transfert effectif vers un autre État, si sa demande relève de la compétence de cet État. (...) ". Selon l'article L. 744-9 de ce code, le versement de l'allocation pour demandeur d'asile prend fin au terme du mois au cours duquel le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues aux articles L. 743-1 et L. 743-2 a pris fin.
3. L'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable dispose que : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : (...) 3° Refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d'asile (...) ". Aux termes de l'article D. 744-34 du même code : " Le versement de l'allocation prend fin, sur demande de l'Office français de l'immigration et de l'intégration : (...) 2° A compter de la date du transfert effectif à destination de l'État responsable de l'examen de la demande d'asile (...) ". L'article D. 744-37 du même code prévoit que : " Le bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile peut être refusé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration : 1° En cas de demande de réexamen de la demande d'asile (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions, ainsi que de celles de la directive du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres qu'elles visent à transposer et qui ont notamment été interprétées par la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 27 septembre 2012, CIMADE et GISTI, c-179/11, que lorsqu'un demandeur d'asile a été transféré vers l'État responsable de l'examen de sa demande, c'est à ce dernier de lui assurer les conditions matérielles d'accueil. En cas de retour de l'intéressé en France sans que la demande n'ait été examinée et de présentation d'une nouvelle demande, l'OFII peut refuser le bénéfice de ces droits, sauf si les autorités en charge de cette nouvelle demande décident de l'examiner ou si, compte tenu du refus de l'État responsable d'examiner la demande précédente, il leur revient de le faire.
5. Il résulte de l'instruction que, comme cela a été dit au point 1, la nouvelle demande d'asile que M. A... B... a présentée en France, le 15 février 2018, a été enregistrée le même jour en procédure dite accélérée et que l'OFPRA a ensuite décidé de l'examiner selon la procédure normale. Dès lors que les autorités françaises ont, ainsi, décidé d'examiner cette demande, le refus de l'OFII d'accorder à l'intéressé les conditions matérielles d'accueil est illégal.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
7. Eu égard au motif sur lequel il repose, le présent arrêt implique nécessairement que l'OFII accorde à M. A... B... l'allocation pour demandeur d'asile à compter du 15 février 2018. Il résulte de l'instruction que le recours de l'intéressé contre la décision du 17 septembre 2018 par laquelle le directeur général de l'OFPRA a refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire, a été rejeté par une ordonnance du président de la Cour nationale du droit d'asile n° 19000453 du 25 janvier 2019. Dès lors, il ne saurait être enjoint à l'OFII de lui proposer un hébergement.
8. M. A... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Grenier, avocate de M. A... B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au profit de Me Grenier au titre des frais exposés à l'occasion du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 10 septembre 2018 et la décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration refusant à M. A... B... le bénéfice des conditions matérielles d'accueil sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de procéder au versement à M. A... B... de l'allocation pour demandeur d'asile avec effet au 15 février 2018 dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Grenier la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce au bénéfice de la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...B...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Souteyrand, président assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 mai 2019.
Le président, rapporteur,
J.-P. ClotLe président assesseur,
E. Souteyrand
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 18LY03707