Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 3 août 2017, Mme B..., représentée par Me Petit, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 mai 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ou, subsidiairement, de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ou, en cas d'annulation de la seule obligation de quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa demande et de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, les premiers juges ayant omis d'examiner le moyen tiré de ce que le préfet s'est, à tort, cru en situation de compétence liée à l'égard de l'avis du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'insuffisance de motivation au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation ;
- il a été pris en violation des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'ayant examiné sa demande qu'au regard du seul critère de la rémunération et ayant fait application d'éléments d'appréciation tirés de l'article R. 5221-20 du code du travail, inapplicables dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il est entaché d'erreur de fait, le préfet ayant estimé qu'elle ne justifiait pas de ses moyens d'existence et de son insertion ;
- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale, en raison de l'illégalité, à la fois, du refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Mme B... ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 30 avril 1971, est entrée irrégulièrement en France le 19 août 2009, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile le 8 novembre 2011. Elle s'est vu délivrer, pour raisons de santé, un titre de séjour valable un an à compter du 3 décembre 2012. Sa demande de renouvellement de ce titre a été rejetée par le préfet du Rhône le 1er juillet 2014, décision confirmée par le tribunal administratif de Lyon le 23 octobre 2014 et par la cour le 18 juin 2015. Le 21 juillet 2015, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salariée. Par décisions du 16 juin 2016, le préfet du Rhône lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire et a désigné le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Mme B... fait valoir que le tribunal administratif de Lyon ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône s'est cru lié par l'avis émis par le directeur des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Rhône-Alpes. Toutefois, ce moyen, dont il n'est pas établi qu'il ne pouvait pas être invoqué avant la clôture de l'instruction, a été soulevé pour la première fois dans le mémoire en réplique qui a été enregistré le 27 avril 2017, après la clôture de l'instruction, fixée au 13 avril 2017, et qui n'a pas été communiqué au préfet. Dès lors, le tribunal administratif n'a pas commis d'irrégularité en s'abstenant de répondre à ce moyen.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, la décision litigieuse est motivée, en fait comme en droit.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône aurait méconnu son obligation de procéder à un examen particulier de la situation de la requérante.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
6. Il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse, qui analyse l'ensemble de la situation de Mme B... au regard des dispositions précitées, que le préfet ne s'est pas senti en situation de compétence liée par rapport à l'avis émis par le DIRECCTE pour refuser de délivrer à l'intéressée le titre de séjour sollicité. Contrairement à ce que soutient Mme B..., le préfet n'a pas limité l'examen de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au seul critère de la rémunération qui lui était proposée ou à des éléments d'appréciation tirés de l'article R. 5221-20 du code du travail, mais a pris en compte sa situation professionnelle au regard de l'emploi d'assistante de vie qu'elle envisageait d'occuper ainsi que le fait qu'elle ne répondait pas à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels de nature à justifier une telle demande. Par suite, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit dans l'application qu'il a faite des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'il se serait cru lié par l'avis du DIRECCTE.
7. En quatrième lieu, en refusant d'admettre au séjour Mme B... notamment au motif qu'elle ne justifie pas, par les pièces qu'elle produit, d'une expérience professionnelle suffisante correspondant à l'emploi auquel elle postule, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En cinquième lieu, Mme B... fait valoir que le préfet du Rhône, en estimant qu'elle ne justifiait pas de ses moyens d'existence et de son intégration, a fondé sa décision refusant la délivrance d'un titre de séjour sur des faits inexacts. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'intéressée, en dépit d'un séjour de plusieurs années sur le territoire français, n'établit pas bénéficier d'une intégration particulièrement forte au sein de la société française, y compris sur le plan professionnel, de nature à lui conférer un droit au séjour. Contrairement à ce qu'indique la décision litigieuse, la requérante a suffisamment justifié de ses moyens d'existence, par la transmission à l'administration de son contrat de travail et de ses bulletins de paie. Toutefois, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur ce motif.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
11. Il ressort des pièces du dossier que la requérante, qui est célibataire et sans charge de famille, est mère de trois enfants, dont deux mineurs, qui résident en République démocratique du Congo. Il n'est pas établi qu'elle ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine des soins adaptés à son état de santé. Par suite, les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour litigieux méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir, contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé.
13. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés plus haut dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour contesté et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
14. Il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement du refus de titre de séjour, Mme B... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 14 février 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Dèche, premier conseiller,
Mme Beytout, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2019.
N° 17LY03011 3