Par un jugement n° 1600995 du 23 mai 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 17 juin 2016, présentée pour Mme C... épouse B..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1600995 du tribunal administratif de Grenoble du 23 mai 2016 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour présentée le 12 octobre 2015 ;
- le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour présentée le 12 octobre 2015 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait, méconnaît le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles L. 311-7 et L. 211-2-1 du même code, dès lors qu'elle est entrée régulièrement sur le territoire français en 2011 et qu'elle pouvait demander un visa de long séjour sans retourner dans son pays d'origine ; elle méconnait le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de motivation en droit dès lors que le préfet n'a visé que le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 5 août 2016, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête en déclarant s'en remettre à ses écritures de première instance.
Par un mémoire enregistré, le 31 août 2016, présenté pour Mme B..., elle maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens.
Elle soutient, en outre, qu'elle est fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour, qui méconnait le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 211-2-1 du même code.
Par un mémoire, enregistré le 21 octobre 2016, présenté par le préfet de la Drôme, il conclut à ce qu'il soit constaté que la requête de Mme B... est devenue sans objet et qu'il n'y a plus lieu d'y statuer dès lors qu'elle a exécuté la décision en litige, en regagnant l'Espagne où elle a sollicité auprès des autorités consulaires françaises, le 13 octobre 2016, un visa propre à autoriser son installation durable en France.
Par un mémoire, enregistré le 29 mai 2017, présenté pour Mme B..., elle maintient ses conclusions par les mêmes moyens et soutient que sa requête n'est pas devenue sans objet.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- et les observations de Me Pinhel, avocat, substituant Me Fréry, avocat de Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse B..., ressortissante camerounaise née en 1980, qui affirme être entrée régulièrement en France en 2011 après avoir séjourné en Espagne, a fait l'objet, le 1er octobre 2014, à la suite de son interpellation dans le cadre d'un contrôle routier, d'une décision du préfet de la Drôme a lui faisant une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 25 octobre 2014 elle a épousé un ressortissant français et, le 12 octobre 2015, elle a déposé une demande de titre de séjour en qualité de conjoint de Français. Par des décisions du 12 février 2016, le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter sans délai le territoire français et a fixé un pays de destination. Mme B... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de celles de ces décisions du préfet de la Drôme portant obligation de quitter le territoire sans délai et fixant le pays de destination.
Sur l'exception de non lieu à statuer :
2. Contrairement à ce que soutient le préfet de la Drôme, la circonstance que Mme B... a quitté le territoire français pour regagner l'Espagne où elle a sollicité auprès des autorités consulaires françaises, le 13 octobre 2016, la délivrance d'un visa de long séjour, ne rend pas sans objet la présente requête en tant qu'elle est dirigée contre le jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions du 12 février 2016 par lesquelles le préfet l'a obligée à quitter le territoire français et a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Il ressort de la lecture du jugement attaqué, et en particulier du point 7 de ce jugement, que les premiers juges ont considéré " qu'il résulte des termes de la décision du 12 février 2016 que le préfet de la Drôme a examiné la demande de titre de séjour déposée par Mme C... épouse B... et a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint de Français en se fondant notamment sur l'absence de visa d'une durée supérieure à trois mois et sur l'entrée irrégulière de l'intéressée sur le territoire ". Ainsi, contrairement à ce que soutient Mme B..., le jugement attaqué n'est pas entaché d'une irrégularité résultant d'une omission d'examiner le moyen tiré de ce que le préfet n'avait pas examiné sa demande de titre de séjour présentée le 12 octobre 2015.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'arrêté en litige " portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ", que le préfet de la Drôme, après avoir visé la demande de titre de séjour présentée par Mme B... le 12 octobre 2015, a examiné celle-ci, au regard notamment du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint de Français en se fondant sur l'absence de visa d'une durée supérieure à trois mois et sur l'entrée irrégulière de l'intéressée sur le territoire qui faisait obstacle à ce qu'elle se prévale des dispositions de l'article L. 211-2-1 du même code, qui permettent au conjoint d'un Français entré régulièrement sur le territoire français, sous une condition de durée de séjour, de solliciter un visa sur place. Ledit préfet a également examiné sa demande au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, la requérante ne peut soutenir que le préfet de la Drôme n'aurait pas examiné sa demande de titre de séjour avant de prendre la décision portant obligation de quitter le territoire français, en dépit de la circonstance que l'arrêté en litige ne comporte par d'article spécifique relatif au refus de délivrance d'un titre de séjour.
5. Mme B... excipe, au soutien des conclusions de sa requête dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision par laquelle le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article L. 311-7 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. ". L'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autorise toutefois l'étranger entré régulièrement en France à demander la délivrance d'un visa de long séjour sans retourner dans son pays s'il vit en France avec son conjoint depuis plus de six mois. Il résulte de ce texte, qui n'implique pas que le visa de long séjour fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, que l'autorité compétente pour accorder ou pour refuser le visa à un conjoint de ressortissant français séjournant avec lui depuis plus de six mois en France est l'autorité préfectorale.
7. Il ressort de la décision en litige que le préfet de la Drôme, saisi d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'est estimé également saisi d'une demande de visa de long séjour, qu'il a examinée à raison de sa compétence pour le faire, contrairement à ce que soutient Mme B..., mais a refusé de délivrer le visa sollicité au motif que l'intéressée ne justifiait pas d'une entrée régulière sur le territoire français. Si Mme B... affirme qu'elle est entrée régulièrement en France, en 2011, antérieurement à la date d'expiration de son titre de séjour espagnol, le 19 avril 2013, et si elle produit des billets de transport de 2011 et 2012 ainsi qu'une attestation d'hébergement datant de 2011 et une attestation d'un bailleur certifiant qu'elle a été locataire d'un studio meublé situé à Soyons du 14 juillet 2012 au 13 février 2013, elle ne conteste pas les affirmations du préfet selon lesquelles elle est retournée en Espagne afin de présenter une demande de renouvellement de son titre de séjour, rejetée en mai 2013. Elle ne démontre pas, dans ces conditions, la régularité de sa dernière entrée sur le territoire français, au regard en particulier des dispositions de l'article R. 211-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que la déclaration obligatoire mentionnée à l'article 22 de la convention de Schengen est souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain par l'étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne et qui est en provenance directe d'un État partie à la convention d'application de l'accord de Schengen. Ainsi, le préfet de la Drôme a pu à bon droit rejeter, pour ce motif, la demande de visa de long séjour dont il était saisi et, par voie de conséquence, rejeter pour le motif tiré de l'absence d'un tel visa la demande de titre de séjour présentée par Mme B....
8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
10. Mme B... se prévaut de sa présence en France depuis 2011, de ses relations avec son conjoint depuis cette même époque, de leur vie commune depuis novembre 2013 et de leur mariage depuis le 25 octobre 2014, et fait état aussi du décès d'un enfant, à sa naissance, le 30 janvier 2016, peu de temps avant la décision en litige, et de son état de santé fragile rendant nécessaire un suivi gynécologique. Elle mentionne l'absence de toute attache familiale dans son pays d'origine, à la suite du décès de ses parents, et la présence de ses frères, l'un en France et l'autre en Espagne. Toutefois, eu égard aux conditions du séjour en France de Mme B..., qui ne conteste pas n'avoir pas exécuté une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 1er octobre 2014, et au caractère relativement récent de son mariage en France, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision de refus d'un délai de départ volontaire :
11. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".
12. En premier lieu, il ressort de la lecture même de la décision en litige que le préfet de la Drôme a indiqué que, dans la mesure où Mme B... n'avait pas déféré à une précédente décision d'éloignement, " le risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français est établi, en application du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du ceseda ". Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire pour l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée en droit.
13. En second lieu, pour les motifs énoncés pour écarter les moyens tirés d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B... et d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, en tant qu'ils étaient soulevés à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour, ces moyens doivent être également écartés en tant qu'ils sont soulevés au soutien des conclusions de la requête dirigées contre la décision de refus de lui accorder un délai de départ volontaire.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2018.
1
2
N° 16LY02058