Par une requête enregistrée le 28 juillet 2015, MmeA..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 juin 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans le délai de deux jours, une autorisation provisoire de séjour, sous une astreinte identique ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ou, en cas de refus d'admission à l'aide juridictionnelle, de lui accorder la même somme à son profit.
Elle soutient que :
- le jugement ne vise pas son mémoire complémentaire enregistré le 13 mai 2015 ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et a été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour, sur le fondement de laquelle elle a été prise, méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire sera annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de renvoi sera annulée en conséquence de l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit d'observations en temps utile.
Par ordonnance du 27 janvier 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 3 mars 2017.
Un mémoire enregistré le 20 mars 2017 a été présenté, après la clôture de l'instruction, par le préfet du Rhône qui se borne à s'en rapporter à ses écritures de première instance.
Mme B...épouse A...ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2015 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pourny, président-assesseur ;
1. Considérant que MmeA..., de nationalité macédonienne née le 15 avril 1982, déclare être entrée en France le 14 avril 2013, accompagnée de son époux et de leurs deux enfants ; qu'elle a présenté une demande d'asile et s'est vu refuser l'admission provisoire au séjour ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 1er août 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 décembre 2014 ; qu'elle a déposé le 10 septembre 2013 une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 19 décembre 2014, le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a désigné un pays de renvoi ; que Mme A... conteste le jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le jugement attaqué vise " une requête et un mémoire, enregistrés le 25 février 2015 et le 13 mai 2015 " ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de visa du mémoire déposé le 13 mai 2015 doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, dont elles sont issues, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur ce fondement, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ;
5. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
6. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé conforme à ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
7. Considérant qu'il ressort de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé le 17 janvier 2014, que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que le traitement approprié n'existe pas dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état présentent un caractère de longue durée ; que le préfet du Rhône s'est écarté de cet avis au motif que les éléments relatifs aux capacités locales en matière de soins médicaux et de médicaments disponibles en Macédoine démontrent le sérieux et les capacités des institutions macédoniennes qui sont à même de traiter la majorité des pathologies, en particulier psychiatriques, et que les ressortissants macédoniens sont indéniablement à même de trouver en Macédoine un traitement approprié à leur état de santé ; qu'après avoir relevé que Mme A... présente un état anxio-dépressif, une hypothyroïdie et un antécédent de cancer du col utérin opéré en 2011 et qu'une pièce du dossier fait état d'un asthme sévère, il produit des éléments concernant la caisse d'assurance maladie de Macédoine ainsi que la liste des médicaments enregistrés, actualisée au 8 juillet 2014, dont il ressort que des antidépresseurs et des anxiolytiques et des médicaments pour le traitement des maladies de la glande thyroïde et du système respiratoire y sont disponibles, ainsi que des éléments relatifs aux modalités de surveillance préconisée en cas d'antécédent de cancer du col utérin, l'intéressée n'ayant pas fait état du suivi d'un traitement pour cette pathologie ; que, si la requérante verse aux débats un certificat médical du 3 avril 2015, postérieur à la décision contestée, selon lequel elle prendrait un traitement à base de psychotropes et que ceux-ci ne seraient pas disponibles en Macédoine, ce document ne permet pas d'établir que les pathologies dont elle souffre ne pourraient être prises en charge dans son pays d'origine, dès lors qu'il ressort de la liste des médicaments essentiels disponibles, produite par le préfet du Rhône, que des médicaments équivalents à ceux qui lui sont prescrits y sont disponibles et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un retour dans son pays d'origine serait de nature à aggraver ses symptômes ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de titre de séjour opposé à Mme A... soit entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ;
10. Considérant que le préfet du Rhône ayant refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme A..., elle entrait dans le champ d'application des dispositions du 3° de l'article L. 511-1 ; qu'il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé qu'elle n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français prise sur son fondement ;
11. Considérant qu'il ressort des éléments produits par le préfet du Rhône que Mme A... pourra bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine pour les pathologies dont elle fait état ; que l'intéressée ne se prévaut pas de circonstance humanitaire exceptionnelle ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 doit être écarté ;
12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision faisant obligation de quitter le territoire français à Mme A... soit entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Sur la légalité de la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :
13. Considérant que Mme A... n'étant pas fondée à contester la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, comme il a été indiqué ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision lui fixant un délai de départ volontaire devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision d'éloignement ne peut être retenu ;
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
14. Considérant que, pour le même motif, le moyen tiré de ce que la décision lui fixant un pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision d'éloignement doit être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que les conclusions de la requête présentées au titre des articles L. 911-1 à L. 911-3 du code de justice administrative et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...épouse A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 avril 2017.
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N° 15LY02621