Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 23 mars 2017, M. B..., représenté par Me Djinderedjian, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 13 février 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de l'autoriser à déposer une demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté méconnaît les articles 4 et 5 du règlement du 26 juin 2013 ;
- il méconnaît l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet aurait dû faire usage de la clause dérogatoire prévue par l'article 17 du règlement du 26 juin 2013.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Savouré, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant du Kosovo, né le 31 décembre 1992, déclare être entré en France le 10 octobre 2016. Ayant sollicité l'asile, l'administration a consulté le fichier Visabio, qui a permis de constater qu'il avait bénéficié d'un visa délivré par les autorités finlandaises. Ces dernières ont accepté de prendre en charge l'intéressé le 8 décembre 2016. Par arrêté du 16 janvier 2017, le préfet de la Haute Savoie a décidé son transfert aux autorités finlandaises. M. B... interjette appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 ".
3. Il est constant que M. B... a reçu les informations visées par les dispositions précitées en langue anglaise. M. B... a signé un document indiquant qu'il reconnaît avoir reçu les informations dont la délivrance est requise par les dispositions précitées dans une langue qu'il comprend. S'il soutient qu'il ne comprend pas l'anglais, cette affirmation est contredite par le compte-rendu de l'entretien individuel qu'il a suivi en préfecture, qui mentionne qu'il comprend cette langue, et au cours duquel il a notamment pu expliquer quels pays il avait traversés avant son arrivée en France.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. "
5. Les conditions de notification d'une décision administrative étant sans incidence sur sa légalité, le moyen tiré de ce que la décision contestée n'aurait pas été notifiée selon ces modalités est inopérant.
6. En troisième lieu, la faculté laissée à chaque État membre, par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile. Si M. B... explique qu'il est menacé dans son pays d'origine, il n'explique pas pour quels motifs il conviendrait que sa situation soit examinée par la France plutôt que par la Finlande. Ainsi, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux serait entaché, sur ce point, d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mai 2018.
4
N° 17LY01345