Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 octobre 2015, 12 novembre 2015 et 19 octobre 2016, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juillet 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet a commis une erreur de droit dans l'application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en fondant son refus de titre de séjour sur le motif qu'il ne produisait pas de contrat de travail et sur la seule circonstance qu'il ne justifiait pas être isolé dans son pays d'origine ;
- ce refus est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 31 octobre 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures devant le tribunal administratif.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président.
1. Considérant que M.B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 9 mars 1996, est entré irrégulièrement en France le 30 juin 2012, alors qu'il était mineur ; qu'il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département du Rhône à partir du 2 juillet 2012, soit à l'âge de seize ans et quatre mois ; que, devenu majeur, il a sollicité un titre de séjour le 25 avril 2014 ; que le 19 décembre 2014, le préfet du Rhône lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. B...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1o de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. " ;
3. Considérant que, lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ; que, disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française ; qu'il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée ;
4. Considérant que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B...sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Rhône s'est fondé sur les motifs tirés de ce que " l'intéressé, qui ne justifie pas d'un contrat de travail, est célibataire et sans charge de famille en France, qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine où résident ses parents et ses deux soeurs et qu'il n'établit pas être dans l'impossibilité, devenu majeur, d'y créer sa propre vie privée et familiale et d'y mettre à profit la formation professionnelle reçue en France " ; qu'ainsi, il n'a ni apprécié le caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, ni tenu compte de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française ; que, dès lors, sa décision est entachée d'une erreur de droit ; que, par suite, le refus de titre de séjour en litige est illégal, de même que, par voie de conséquence, les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre ces décisions ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; que l'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;
7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) " ;
8. Considérant que l'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement, eu égard au motif sur lequel elle repose, que le préfet délivre à M. B...une autorisation provisoire de séjour et réexamine sa situation dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la notification de cet arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à cet avocat de la somme de 1 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juillet 2015 et les décisions du préfet du Rhône du 19 décembre 2014 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. B...une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me C...au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 novembre 2016.
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N° 15LY03261