Par une requête enregistrée le 1er juin 2017, le préfet de la Haute Savoie demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 avril 2017 ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par M. A... B... et son conseil devant le tribunal administratif, tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit, dès lors qu'en l'absence de circonstances humanitaires, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui imposait de prendre une décision d'interdiction de retour ;
- le tribunal a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2017, M. A... B..., représenté par Me Vray, avocat, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de la Haute-Savoie ;
2°) d'annuler l'article 4 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 avril 2017 ;
3°) d'annuler la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
- il convient de faire droit à l'intégralité de ses conclusions formulées devant le tribunal administratif.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'appel incident, qui porte sur un litige distinct de celui qui résulte de l'appel du préfet de la Haute-Savoie et qui a été présenté postérieurement à l'expiration du délai d'appel.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 août 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Savouré, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant brésilien, né le 11 octobre 1992, déclare être entré en France le 19 avril 2017. Ayant été interpellé par la police aux frontières et étant démuni de visa lui permettant de séjourner en France, le préfet de la Haute-Savoie a pris à son encontre, le même jour, un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par un jugement du 21 avril 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et rejeté le surplus des conclusions de la demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Le préfet de la Haute-Savoie interjette appel de ce jugement, en tant qu'il a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français. Par la voie de l'appel incident, M. A... B... demande l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur l'appel principal :
2. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (....). La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (....) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
4. Pour justifier l'existence de circonstances humanitaires, M. A... B... a fait valoir devant le premier juge qu'il a passé trois ans en Suisse, de l'âge de douze à quinze ans, qu'il est ensuite reparti au Brésil avec sa mère et qu'en 2015, il est revenu en Europe depuis 2015 et qu'il est hébergé soit chez sa grand-mère, en Suisse, soit chez sa mère, venue habiter en France, en Haute-Savoie, après qu'elle se soit séparée de son père. Il a également invoqué, sans plus de précisions, des " problèmes de santé " que connaîtrait sa mère et la circonstance qu'il vit en couple et a un projet de mariage. Ces éléments ne suffisent pas à considérer qu'en décidant d'édicter une interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de la Haute-Savoie, qui doit être regardé comme ayant estimé que M. A... B... ne justifiait pas de circonstances humanitaires, aurait commis une erreur d'appréciation. Par suite, c'est à tort que le premier juge a prononcé, pour ce motif, l'annulation de cette décision.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... B....
6. La circonstance que M. A... B... ne pourrait plus rejoindre sa mère et sa grand-mère en Europe pendant la durée de l'interdiction de séjour, soit un an, n'est pas de nature, à elle seule, à permettre de considérer que le préfet de la Haute-Savoie a porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, si M. A... B..., qui n'invoque aucun texte, a entendu se prévaloir de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen doit être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision portant interdiction de retour en France de M. A... B....
Sur l'appel incident :
8. Les conclusions de M. A... B... dirigées contre la mesure d'éloignement et l'interdiction de retour prononcées à son encontre le 19 avril 2017 soulèvent un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal du préfet. Ces conclusions incidentes, présentées dans un mémoire enregistré le 15 novembre 2017, après l'expiration du délai d'appel, sont tardives et, par suite, irrecevables.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État, qui n'a la qualité de partie perdante ni en première instance ni dans la présente instance, verse une somme au conseil de M. A... B... au titre des frais liés au litige. En conséquence, le préfet de la Haute-Savoie est également fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il met à la charge de l'État une somme à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 avril 2017 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... B... et Me Vray sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me C... Vray et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie et au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Annecy.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
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N° 17LY02220