Par une requête enregistrée le 25 février 2015, M. C..., représenté par Me Bescou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 janvier 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour lui de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le préfet, qui ne connaissait pas sa pathologie, s'est abstenu de procéder à un examen préalable, réel et sérieux de sa situation ;
- le traitement qu'il suit pour ses pathologies n'est pas disponible en République démocratique du Congo et il ne peut voyager sans risque vers ce pays ; le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il réside habituellement en France depuis plus de quatre ans, il parle français, il bénéficie d'un suivi médical ; le refus de titre de séjour méconnaît donc les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.
Par un mémoire enregistré le 24 février 2017, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures devant le tribunal administratif.
Il informe la cour de ce qu'un récépissé de demande de titre de séjour a été délivré à l'intéressé le 13 janvier 2016.
Par lettres du 24 février 2017 la cour a, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties qu'elle était susceptible de prononcer d'office un non-lieu à statuer en ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation des mesures d'obligation de quitter le territoire français, de fixation d'un délai de départ volontaire et de désignation du pays de renvoi.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mars 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,
- et les observations de MeB..., substituant Me Bescou, avocat de M.C... ;
1. Considérant que M. C..., né le 30 septembre 1965, ressortissant de la République démocratique du Congo, est entré en France le 4 janvier 2010 ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 22 octobre 2010 ; que ce rejet a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile, le 10 février 2012 ; que le 20 juin 2012, il a obtenu un titre de séjour en qualité d'étranger malade qui a été renouvelé jusqu'au 19 juin 2014 ; que par décisions du 30 juin 2014, le préfet du Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'enregistrement de la présente requête au greffe de la cour, le préfet du Rhône a délivré à M. C... un récépissé de dépôt de demande de titre de séjour, l'autorisant à séjourner provisoirement sur le territoire français ; qu'il doit ainsi être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement abrogé les décisions du 30 juin 2014 faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de renvoi ; que, par suite, les conclusions de la requête tendant à l'annulation de ces décisions sont devenues sans objet ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour en litige :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;
4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;
5. Considérant que dans son avis du 29 avril 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existe pas dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état de santé présentent un caractère de longue durée ;
6. Considérant que dans le refus de titre de séjour en litige le préfet s'est référé à " l'ensemble des éléments relatifs aux capacités locales en matière de soins médicaux et de médicaments disponibles en République démocratique du Congo, résultant notamment des éléments fournis par l'ambassade de France (...) ", ainsi qu'au sérieux et aux capacités des institutions congolaises " qui sont à même de traiter la majorité des maladies courantes ", pour en conclure que M. C... pourra bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé ; qu'en se bornant à faire état de ces éléments, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui a déjà bénéficié de deux titres de séjour en qualité d'étranger malade en raison de plusieurs pathologies, dont une hypertension artérielle sévère à l'origine de plusieurs accidents vasculaires cérébraux, le préfet ne peut pas être regardé comme produisant des éléments de nature à établir que M. C... pourrait bénéficier, dans le pays dont il possède la nationalité, de soins appropriés à son état de santé ; que, dès lors, en refusant de lui délivrer une carte de séjour, le préfet a fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à annulation du refus de titre de séjour en litige ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;
9. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'état de santé de M. C... justifie actuellement que lui soit délivré le titre de séjour prévu par le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet réexamine la situation de l'intéressé, mais non, que comme, comme celui-ci le demande, il lui délivre la carte de séjour temporaire que prévoient ces dispositions ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Considérant que M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Bescou renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à cet avocat de la somme de 1 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. C... dirigées contre les décisions du 30 juin 2014 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé un pays de renvoi.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 janvier 2015 en tant qu'il statue sur les conclusions autres que celles mentionnées à l'article 1er ci-dessus et la décision du préfet du Rhône du 30 juin 2014 refusant de renouveler le titre de séjour de M. C... sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à Me Bescou la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 mars 2017.
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N° 15LY00690