Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 octobre 2015, le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 24 septembre 2015 en tant qu'il a mis une somme à la charge de l'Etat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de rejeter les conclusions de Me Corneloup devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- Me Corneloup ne s'est prévalu devant le tribunal administratif que des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, mais non de celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- l'Etat n'avait pas la qualité de partie perdante dans l'instance devant le tribunal administratif ;
- Me Corneloup aurait en toute hypothèse bénéficié de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Par un mémoire enregistré le 23 février 2017, Me Corneloup conclut :
- au rejet de la requête ;
- à la suppression du passage de la requête commençant par les mots " En pareille hypothèse " et finissant par les mots " mis en place en 1991 " ;
- à la condamnation de l'Etat au paiement d'une somme d'un euro au titre de l'article L. 741-2 du code de justice administrative ;
- à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens invoqués par le préfet sont infondés ;
- un passage de sa requête présente un caractère injurieux, outrageant et diffamatoire.
Un mémoire, enregistré le 3 mars 2017, présenté par le préfet de Saône-et-Loire, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Clot, président,
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;
1. Considérant que MmeA..., ressortissante de la République centrafricaine, entrée en France le 22 décembre 2012, a été munie d'une autorisation provisoire de séjour, puis d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade valable jusqu'au 18 septembre 2014 ; que le 27 février 2015, le préfet de Saône-et-Loire lui en a refusé le renouvellement, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; qu'elle a demandé au tribunal administratif de Dijon l'annulation de ces décisions ; qu'en cours d'instance, le 20 août 2015, le préfet a décidé d'accorder à Mme A...le titre de séjour sollicité ; qu'en conséquence, le tribunal administratif a jugé sa demande sans objet ; qu'il a également mis à la charge de l'Etat le paiement à Me Corneloup, avocat de Mme A..., de la somme de 800 euros, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que le préfet de Saône-et-Loire relève appel du jugement en tant qu'il a prononcé cette condamnation ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
3. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
4. Considérant, d'abord, que si Mme A...avait été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle, ce qui permettait à son avocat de percevoir la part contributive de l'Etat, il résulte des termes mêmes du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 que cet avocat pouvait, comme il l'a fait, y renoncer et demander la condamnation de la partie perdante au paiement d'une somme au titre des frais que sa cliente aurait exposés si elle n'avait pas eu cette aide ;
5. Considérant, ensuite, qu'en l'espèce, c'est à bon droit que le tribunal administratif a regardé l'Etat comme la partie perdante ;
6. Considérant, enfin, que devant le tribunal administratif, Me Corneloup, avocat de Mme A..., a demandé que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'aucune disposition ni aucun principe ne lui imposait de se prévaloir également de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de Saône-et-Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etat à payer une somme à Me Corneloup au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions de Me Corneloup tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :
8. Considérant que, en vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs peuvent, dans les causes dont ils sont saisis, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires ;
9. Considérant que le passage de la requête du préfet de Saône-et-Loire dont la suppression est demandée par Me Corneloup, qui n'excède pas le droit à la libre discussion, ne présente pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire ; que les conclusions tendant à sa suppression doivent, par suite, être rejetées ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions en dommages-intérêts formulées au titre de l'article L. 741-2 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions de Me Corneloup tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me Corneloup d'une somme de 1 000 euros au titre des frais qu'il a exposés en appel ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de Saône-et-Loire est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Corneloup la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de Me Corneloup tendant à l'application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Me B...Corneloup. Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président,
M. Pourny, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 mars 2017.
N° 15LY03362 4