Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 27 avril 2017, présentée pour la Sarl Murs et TPF, il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1408769 du 28 février 2017 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la vérification sur place a été prolongée au-delà d'un délai de trois mois, sans qu'elle ait été avertie de cette prolongation, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;
- la méthode de reconstitution des recettes est excessivement sommaire en ce que l'administration fiscale a tenu compte de l'ensemble des achats de vin pour reconstituer les recettes du restaurant, alors qu'elle devait extourner la part des vins vendus en dehors d'un repas ;
- compte tenu de la faiblesse de la discordance résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires, il n'y avait pas lieu à l'application des sanctions exclusives de bonne foi.
Par un mémoire, enregistré le 6 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est irrecevable, dès lors qu'elle se borne à reprendre l'intégralité des arguments développés devant le tribunal administratif, et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur,
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La Sarl Murs et TPF, qui a pour activité l'exploitation saisonnière d'un restaurant situé sur le territoire de la commune de Murs-et-Gélignieux (Ain), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices clos en 2009 et 2010. L'administration fiscale, ayant estimé que la comptabilité de cette société n'était pas probante, a reconstitué ses recettes et lui a assigné des compléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de pénalités pour manquement délibéré ainsi que de la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts. La Sarl Murs et TPF interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : " 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; (...) II. - Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois (...) ".
3. Il résulte de l'instruction, et n'est au demeurant pas contesté par la société requérante, que la vérification de sa comptabilité s'est déroulée du 11 mai au 8 octobre 2012. Au cours de cette vérification, l'administration fiscale, constatant que la société n'avait pu produire aucun justificatif de recettes, en l'absence de conservation des notes remises aux clients, a estimé que sa comptabilité était entachée de graves irrégularités la privant de valeur probante, ce dont elle a dressé un procès-verbal le 10 juillet 2012. En vertu des dispositions précitées du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, la vérification de comptabilité pouvait, dès lors, s'étendre sur une durée supérieure à six mois, ainsi que l'a rappelé le vérificateur dans la proposition de rectification du 19 octobre 2012.
4. Si la Sarl Murs et TPF soutient que le vérificateur ne l'a pas informée, avant l'expiration du délai de trois mois prévu par les dispositions du I de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, de la prolongation de la vérification de comptabilité au-delà de ce délai, elle ne peut se prévaloir sur ce point des dispositions du paragraphe 5 de l'instruction 13 L-10-08 du 18 décembre 2008, désormais reprises par la doctrine publiée sous la référence BOI CF-PGR-20-30 n°140, dès lors qu'une telle instruction, relative à la procédure d'imposition, n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Au demeurant, l'administration affirme avoir informé oralement la société de la prolongation de la vérification de comptabilité dont elle faisait l'objet, le 10 juillet 2012.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. ".
6. Il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit, la Sarl Murs et TPF n'a pas présenté à l'administration, lors du contrôle, les pièces justificatives de ses recettes et la comptabilité présentée par la société comportait ainsi de graves irrégularités, au demeurant non contestées. Dès lors que les impositions supplémentaires mises en recouvrement sont conformes à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de l'Ain lors de sa séance du 17 octobre 2013, il appartient à la société requérante, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, de démontrer que les impositions supplémentaires mises à sa charge présentent un caractère exagéré.
7. Pour reconstituer le chiffre d'affaires réalisé par la Sarl Murs et TPF au cours de la période d'imposition en litige, l'administration fiscale, après avoir procédé au dépouillement exhaustif des achats de boissons comptabilisés, a reconstitué la quantité totale de vin achetée, puis a déterminé le nombre théorique de pichets revendus et le chiffre d'affaires correspondant, en tenant compte des pertes, des offerts et de la consommation du personnel. Elle a ensuite procédé au dépouillement des données issues de la caisse enregistreuse sur la période du 2 avril au 8 juillet 2012, afin de déterminer la part que représentait la vente de vins dans le chiffre d'affaires total. Elle a, enfin, reconstitué le chiffre d'affaires total, à partir du coefficient ainsi déterminé et du chiffre d'affaires correspondant à la vente de vin.
8. Il résulte de l'instruction que le coefficient utilisé pour reconstituer le montant total des recettes correspond au rapport observé entre les recettes correspondant au vin vendu et le chiffre d'affaires total, comprenant à la fois la vente de vin lors de repas et en dehors des repas, contrairement à ce que prétend la Sarl Murs et TPF. Elle ne peut, dès lors, soutenir que la méthode de reconstitution est excessivement sommaire en ce que l'administration aurait dû extourner la quantité de vin vendue en dehors des repas, afin de ne pas majorer indûment le chiffre d'affaires reconstitué. C'est, par suite, à bon droit que, pour reconstituer les recettes totales, l'administration a appliqué au coefficient ainsi déterminé les recettes afférentes au vin vendu, sans extourner la part des vins vendus en dehors des repas.
Sur les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) / c. 80 % en cas de manoeuvre frauduleuse (...) ".
10. Eu égard aux graves irrégularités constatées dans la comptabilité, résultant en particulier de l'absence de production des justificatifs de recettes et conduisant à d'importantes minorations de recettes, au titre de chacun des exercices vérifiés, le service des impôts établit le manquement délibéré entraînant l'application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées.
11. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics, la Sarl Murs et TPF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Sarl Murs et TPF est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Murs et TPF et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mai 2018.
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N° 17LY01808