Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 décembre 2020, M. C..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et D... avocats associés, agissant par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2007894 du 17 novembre 2020 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées de la préfète de l'Ain du 3 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
Sur la décision lui refusant un délai de départ volontaire :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la préfète a commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle n'était pas susceptible d'être appliquée compte tenu du contexte sanitaire ;
- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai ;
- il encourt des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation tant dans sa durée que dans son principe ;
Sur la décision l'assignant à résidence :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai.
Par ordonnance du 10 février 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 26 février 2021.
Un mémoire présenté par la préfète de l'Ain a été enregistré le 10 mars 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué, en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- et les observations de Me E..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né en 1982, est entré en France le 22 septembre 2016, accompagné de son épouse et de leurs enfants. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 8 août 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 15 décembre 2017. Par une décision du 7 mars 2018, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 mars 2018, le préfet de l'Ain a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Le réexamen de sa demande d'asile a été rejetée comme irrecevable par une décision de l'OFPRA du 23 mars 2018. Ayant constaté le maintien irrégulier de l'intéressé sur le territoire français, à la suite de son interpellation par les services de police, la préfète de l'Ain, par un arrêté du 3 novembre 2020, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence. Par un jugement du 17 novembre 2020, dont M. C... fait appel, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. C... fait valoir qu'il est présent en France depuis 2016 avec son épouse et leurs quatre enfants. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. Il ressort des pièces du dossier que le couple est entré en France récemment, à la date du 22 septembre 2016, que l'épouse de M. C... est également en situation irrégulière et qu'aucune raison ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie ou dans tout pays où les requérants seraient légalement admissibles. Si M. C... se prévaut de la présence régulière en France de ses grands-parents, sans d'ailleurs en justifier, et de son emploi en qualité d'agent de service, il est constant qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où résident notamment ses parents et sa fratrie et où il a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans, M. C... ayant, par ailleurs, travaillé irrégulièrement en France à l'aide d'une fausse carte d'identité belge. En outre, il s'est maintenu sur le territoire français sans respecter l'obligation qui lui avait été faite, par décision du 7 mars 2018, de quitter le territoire français. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour du requérant en France, la décision attaquée n'a pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. En second lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. Si M. C... fait valoir que les trois aînés de ses enfants, âgés respectivement de huit, six et quatre ans à la date de la décision contestée, sont scolarisés en France, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de le séparer de ses enfants dès lors que ceux-ci ont aussi la nationalité algérienne et que rien ne fait obstacle à ce que les enfants puissent l'accompagner en cas d'éloignement vers l'Algérie et y poursuivre leur scolarité. M. C... n'établit pas, par ses seules allégations, que ses enfants seraient soumis à des risques en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
7. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui s'est maintenu sur le territoire français sans déférer à une précédente mesure d'éloignement du territoire national du 7 mars 2018, entrait dans le cas visé au d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut refuser d'accorder, pour ce seul motif, un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de cette décision doit être écarté.
9. En troisième lieu, si M. C... soutient qu'en raison de l'épidémie de covid-19, il n'y avait, à la date de la décision attaquée, aucune liaison aérienne avec l'Algérie, une telle circonstance est seulement susceptible de modifier, le cas échéant, les conditions de l'exécution de la décision attaquée, mais demeure sans incidence sur sa légalité. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour ce motif.
10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus d'accorder à M. C... un délai de départ volontaire porterait atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, notamment en ce qu'il aurait pour effet d'interrompre leur scolarité en cours d'année, alors qu'il n'est pas établi, eu égard notamment à leur jeune âge, qu'ils ne pourraient reprendre une scolarité normale en cours d'année en Algérie.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
11. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi.
12. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
13. Si M. C... soutient qu'il exploitait en Algérie un magasin de cosmétiques et qu'il a fait l'objet de menaces à la suite d'un différend l'opposant à ses fournisseurs, il n'apporte, à l'appui de cette allégation, aucun commencement de preuve. Au demeurant, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de M. C... a été rejetée par une décision de l'OFPRA, confirmée par la CNDA, et le réexamen de sa demande d'asile a également été rejeté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour pour une durée de dix-huit mois :
14. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
15. Les faits que M. C... soit présent en France depuis quatre ans à la date de la décision contestée et que son épouse, également en situation irrégulière, n'aurait pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement, ne constituent pas des circonstances humanitaires de nature à faire obstacle à ce qu'une interdiction de retour soit prononcée à son encontre. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. C... n'a pas déféré à une précédente mesure d'éloignement, prise le 7 mars 2018. Il ne démontre, ni l'intensité de ses attaches familiales en France, ni l'absence de toute attache privée et familiale dans son pays d'origine. Par suite, et compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la préfète de l'Ain n'a pas, en prononçant une mesure d'interdiction de retour sur le territoire d'une durée de dix-huit mois, fait une inexacte application des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :
16. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, sans délai, doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 3 novembre 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2021, à laquelle siégeaient :
M. Gayrard, président de la formation de jugement,
Mme B..., première conseillère,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2021.
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N° 20LY03568