Par une requête enregistrée le 4 février 2019, M. B... C..., représenté par Me A..., avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1806996 du 28 décembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 octobre 2018 par lequel le préfet de la Savoie a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Savoie de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 000 euros hors taxe en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que les parties n'ont pas été convoquées à une audience publique de lecture et qu'il n'a pas été lu au cours d'une audience publique ;
s'agissant du refus de titre de séjour,
- il est entaché d'erreur de droit par incompétence négative, dès lors que le préfet se fonde sur le seul avis du collège des médecins de l'Office français pour l'immigration et l'intégration sans tenir compte des titres de séjour dont il a précédemment bénéficié en raison de son état de santé ni des pièces médicales produites au soutien de sa demande de titre de séjour ;
- il méconnaît les stipulations du 7. du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, dès lors qu'il a produit des certificats médicaux attestant que la pompe à insuline qu'il utilise pour traiter son diabète de type 2 insulinodépendant n'est pas disponible dans son pays d'origine, que ce traitement n'est pas effectivement accessible en raison de son âge et de son taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 % qui l'empêchent de travailler pour financer ce traitement en Algérie ; le cas échéant, la cour pourra ordonner une mesure d'instruction sur les conditions d'accès à ce traitement en Algérie ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'user de son pouvoir de régularisation pour lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dès lors qu'il justifie de circonstance exceptionnelle ou de motif humanitaire en raison de son taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 % qui l'empêche de travailler ;
- le refus de titre de séjour en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, dès lors qu'il vit en France depuis 2009, que l'invalidité à plus de 80 % de sa mère qui vit en France depuis très longtemps sous couvert d'un certificat de résidence de dix ans nécessite sa prise en charge constante par lui, que le traitement de son diabète de type 2 insulinodépendant par pompe à insuline n'est pas disponible et n'est pas effectivement accessible dans son pays d'origine ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- le préfet ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2019, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Drouet, président assesseur.
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. Aux termes de l'article R. 741-1 du code de justice administrative : " Réserve faite des dispositions applicables aux ordonnances, la décision est prononcée en audience publique. ".
2. D'une part, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n'impose aux juridictions administratives de convoquer les parties à l'audience à laquelle leurs décisions seront lues. En ne prévoyant pas l'obligation pour ces juridictions de suivre une telle procédure, l'article R. 741-1 du code de justice administrative n'est pas contraire au paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, M. C... ne saurait utilement soutenir que les parties n'ont pas été convoquées à une audience publique de lecture du jugement attaqué.
3. D'autre part, il ressort des mentions du jugement attaqué qu'il a été lu en audience publique le 28 décembre 2018. Une telle mention fait foi jusqu'à preuve contraire. M. C... n'apporte aucun élément de nature à établir une telle preuve. Par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que le jugement n'aurait pas été lu en audience publique, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 741-1 du code de justice administrative et des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. C... sans tenir compte des titres de séjour dont il a précédemment bénéficié en raison de son état de santé et des pièces médicales produites au soutien de sa demande de titre de séjour, ni que cette même autorité administrative se serait estimée liée par l'avis du collège des médecins de l'Office français pour l'immigration et l'intégration. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de droit par incompétence négative doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ".
7. Il est constant que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a émis, le 22 août 2018, un avis indiquant que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. S'il utilise en France une pompe à insuline pour traiter son diabète de type 2 insulinodépendant, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit tant en première instance qu'en appel, l'impossibilité de recourir effectivement en Algérie à un traitement équivalent à celui dont il bénéficie en France. Par suite, doit être écarté comme non fondé le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 7. du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.
8. En troisième lieu, si M. C... s'est vu accorder un taux compris entre 50 % et 79 % d'incapacité l'empêchant de travailler, il n'établit pas l'existence de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour. Par suite, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant d'user de son pouvoir de régularisation pour lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ".
9. En dernier lieu, il est constant que M. C..., ressortissant algérien né le 13 septembre 1965, a vécu au moins de 1984 à 1999 en Algérie où résident son épouse et ses quatre enfants. Ainsi qu'il a été dit au point 7, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations du 7. du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatives à l'état de santé. L'intéressé n'établit pas que l'état de santé de sa mère nécessite sa présence constante à ses côtés en France. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 9 que M. C... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité du refus de titre de séjour.
11. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. C....
12. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 9, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par M. C..., que celui-ci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles à fin de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 octobre 2019.
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N° 19LY00505