Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 05 mars 2020 M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 3 décembre 2019 en tant que le tribunal administratif de Grenoble n'a que partiellement fait droit à sa demande ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 janvier 2019 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour et, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée notamment en ce qui concerne le motif tiré de ce qu'il aurait renoncé implicitement à sa demande d'asile ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il est entré 7 mois avant l'édiction de l'arrêté et non 4 mois et qu'il est entré régulièrement en France ;
- son entrée en France est régulière dès lors qu'il était muni d'un document de séjour allemand lui permettant de franchir la frontière et il s'est présenté aux autorités françaises dès son entrée en France puisqu'il a déposé une demande d'asile et il ne saurait lui être reproché de ne pas s'être signalé conformément aux dispositions de l'article 22 de la convention d'application Schengen ;
- à la date de la décision, la durée de la vie commune avec son épouse de nationalité française était de six mois et sa demande pouvait être présentée directement au préfet dans le cadre d'un visa de régularisation prévu par l'article L. 211-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en s'abstenant d'examiner cette possibilité légale, le préfet a commis une erreur de droit ;
- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la séparation ne sera pas brève ; l'union est stable, ancienne et durable dès lors qu'il a rencontré son épouse en septembre 2017, qu'il a effectué de nombreux voyages en France et qu'ils se sont mariés en novembre 2018 ; il est bien intégré ; l'union est stable et sérieuse ; le préfet ne peut se fonder sur l'écart d'âge pour apprécier la stabilité et la réalité de cette union ;
- l'arrêté comporte une mention manuscrite sur l'âge de son épouse, ce qui laisse supposer que les autorités consulaires se verront apporter des indications en vue d'un refus de visa.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D..., ressortissant algérien né le 15 janvier 1995, a déclaré être entré en France le 9 juillet 2018, date à laquelle il a sollicité le bénéfice de l'asile. Les empreintes de l'intéressé ont révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile en Allemagne. Les autorités allemandes, saisies le 20 août 2018 d'une demande de reprise en charge, ont fait connaître leur responsabilité par un accord écrit du 24 août 2018. Le 1er octobre 2018, il a fait l'objet d'un arrêté de remise d'un demandeur d'asile aux autorités allemandes et ne s'est pas présenté à la convocation en vue de la notification de cette mesure. Le 22 novembre 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié compte tenu de son mariage avec une ressortissante française le 10 novembre 2018. Par un arrêté du 29 janvier 2019, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les articles 2 et 3 de l'arrêté du 29 janvier 2019 par lesquels le préfet de l'Isère a obligé M. D... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de renvoi et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. D.... Celui-ci relève appel du jugement du 3 décembre 2019 en tant que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de délivrance d'un titre de séjour.
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Le requérant reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance à l'encontre du refus de titre de séjour en litige et tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Grenoble.
3. Aux termes du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 2) Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article 22 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 : " 1. Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités compétentes de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie contractante sur lequel ils pénètrent. (...) ". En application de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger au moment où il pénètre sur le territoire français en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention de Schengen doit souscrire la déclaration prévue à l'article 22 de la convention du 19 juin 1990. Aux termes de l'article R. 211-33 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La déclaration d'entrée sur le territoire français est souscrite auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. A cette occasion, un récépissé est remis à l'étranger. Il peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage. L'étranger assujetti à l'obligation de déclaration doit être en mesure de justifier, à toute réquisition des agents de l'autorité, qu'il a satisfait à cette obligation, par la production de ce récépissé (...) ". La déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, et dont le caractère obligatoire résulte de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, conditionne la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.
4. Le préfet de l'Isère a refusé de délivrer à M. D..., marié avec une ressortissante française depuis le 10 novembre 2018, un certificat de résidence en qualité de conjoint de français sur le fondement des stipulations du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié au motif qu'il n'établissait pas être entré régulièrement sur le territoire français. Si M. D... fait valoir qu'il est entré régulièrement en France dès lors qu'il était muni d'un document de séjour allemand lui permettant de franchir la frontière et qu'il s'est présenté aux autorités françaises dès son entrée en France puisqu'il a déposé une demande d'asile, il n'établit pas ni même n'allègue avoir souscrit la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, dont l'obligation figure à l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat, partie à la convention de Schengen, qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire. Dans ces conditions, M. D... ne justifie pas que son entrée sur le territoire français serait régulière. Par suite, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur de fait et n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
5. Aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ". Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, M. D..., qui ne peut être regardé comme entré régulièrement en France, n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance de ces dispositions.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. D... est entré en France le 9 juillet 2018.S'il s'est marié avec une ressortissante de nationalité française le 10 novembre 2018, ce mariage présente un caractère récent à la date de la décision attaquée et le requérant ne justifie pas d'une vie commune avec son épouse antérieure au mariage. Il ne ressort pas des mentions de la décision critiquée que le préfet aurait apprécié la stabilité et la réalité de cette union en se fondant sur la différence d'âge entre les époux. En outre, l'intéressé n'établit pas qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans. Dans ces conditions et alors que rien ne faisait obstacle, à la date de la décision attaquée, à ce que M. D... se présente auprès des autorités consulaires françaises en Algérie en vue de solliciter le visa requis par les textes en vigueur, il n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre qui lui a été opposé aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et aurait par suite méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet de l'Isère aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
8. La circonstance que le préfet a commis une erreur de fait dès lors que la durée de présence du requérant en France est non de quatre mois mais de six mois à la date de la décision attaquée est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ne prévoyant aucune durée minimale de présence sur le territoire pour la délivrance du certificat de résidence portant la mention " conjoint de français ".
9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour du 29 janvier 2019 pris à son encontre par le préfet de l'Isère. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère .
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 novembre 2020.
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N°20LY00978