II - Par une requête, enregistrée sous le n° 1905953, M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1905953 du 5 février 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête enregistrée le 26 février 2020 sous le n° 20LY00845, M. C..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 février 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 juillet 2019 du préfet du Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dès lors qu'il réside en France depuis trois ans à la date de la décision et y vit avec son épouse et ses deux enfants ; il est entré en France compte tenu de l'état de santé de son fils qui souffre d'un trouble du langage sévère et qui doit faire l'objet d'un suivi médical et d'une scolarité adaptée ; l'enfant est actuellement suivi par une équipe pluridisciplinaire et il est aidé par une auxiliaire de vie à l'école ; son second enfant présente également des troubles du langage ; l'absence de prise en charge aurait pour conséquence d'interrompre les progrès de l'enfant et entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; le préfet ne conteste pas le fait que l'enfant ne pourra pas bénéficier d'une prise en charge adaptée en Algérie ;
- le préfet n'a pas fait état du second enfant et de son état de santé ;
- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'enfant doit bénéficier d'une prise en charge adaptée à son état de santé dont l'absence aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et le suivi pluridisciplinaire n'est pas disponible en Algérie ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les motifs précédemment énoncés ;
- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il ne peut bénéficier d'une prise en charge adaptée dans son pays d'origine ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- la décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
II - Par une requête, enregistrée le 26 février 2020 sous le n° 20LY00846, Mme C..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 février 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 juillet 2019 du préfet du Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dès lors qu'elle réside en France depuis trois ans à la date de la décision et y vit avec son époux et leurs deux enfants ; elle est entrée en France compte tenu de l'état de santé de son fils qui souffre d'un trouble du langage sévère et qui doit faire l'objet d'un suivi médical et d'une scolarité adaptée ; l'enfant est actuellement suivi par une équipe pluridisciplinaire et il est aidé par une auxiliaire de vie à l'école ; son second enfant présente également des troubles du langage ; l'absence de prise en charge aurait pour conséquence d'interrompre les progrès de l'enfant et entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; le préfet ne conteste pas le fait que l'enfant ne pourra pas bénéficier d'une prise en charge adaptée en Algérie ;
- le préfet n'a pas fait état du second enfant et de son état de santé ;
- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'enfant doit bénéficier d'une prise en charge adaptée à son état de santé dont l'absence aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et le suivi pluridisciplinaire n'est pas disponible en Algérie ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les motifs précédemment énoncés ;
- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il ne peut bénéficier d'une prise en charge adaptée dans son pays d'origine ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- la décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 3 juin 2020.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. G... C... et Mme D... H... épouse C..., ressortissants algériens nés respectivement le 23 janvier 1987 et le 7 janvier 1991, sont entrés en France avec leurs enfants le 13 novembre 2016 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 20 janvier 2017, ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant l'état de santé de leur fils, E... A..., né le 19 juillet 2013. Par deux arrêtés du 18 juillet 2019, le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme C... relèvent appel des jugements du 5 février 2020 par lesquels le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. Ces deux requêtes posant à juger des questions communes, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même jugement.
Sur la légalité des refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968 modifié. Cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade.
3. Compte tenu de ce qui a été dit au point 2, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées méconnaissent l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Pour prendre les décisions contestées, le préfet s'est fondé notamment sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 9 janvier 2018, dont il s'est approprié les termes. Selon cet avis, l'état de santé de l'enfant de M. et Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers l'Algérie. Pour contester cette appréciation, M. et Mme C... font valoir qu'en l'absence de suivi pluridisciplinaire de leur fils, E... A..., qui présente un trouble sévère du langage oral, celui-ci régressera, et produisent un bilan d'une exploration neuropsychologique de septembre 2018, le projet individuel d'accompagnement d'avril 2019 qui mentionne des troubles du langage nécessitant une rééducation orthophonique intensive, associés à des troubles de la communication et du comportement, un compte rendu de consultation du 17 mai 2019 qui fait état de la sévérité des troubles du langage présentés par l'enfant, un bilan orthophonique du 18 juin 2019, un bilan réalisé au sein du service d'audiophonologie de l'hôpital Femme-Mère-Enfant dépendant du groupement hospitalier Est du 20 mai 2019 faisant état de la nécessité d'un suivi au centre médicopsychologique d'Oullins, une attestation du neuropédiatre suivant l'enfant qui indique qu'il présente un trouble sévère de la communication engendrant des troubles du comportement externalisés nécessitant une prise en charge soutenue comprenant des séances d'orthophonie, un suivi en psychomotricité et la participation à un groupe thérapeutique, un certificat d'un médecin assistant spécialiste dans le service génétique du groupement hospitalier Est du 16 décembre 2019 qui indique que l'enfant présente un trouble du neuro-développement en lien avec une anomalie chromosomique pathogène et qui précise que l'absence de " prise en charge ne pourrait que lui être déficitaire sur ses apprentissages et l'ensemble des progrès réalisés jusque-là ", un certificat médical du 23 janvier 2020 du neuropédiatre indiquant que l'enfant a besoin d'une scolarité adaptée et d'une orientation en SESSAD. Toutefois, les pièces produites par les requérants ne sont pas suffisantes pour remettre en cause l'avis médical du collège des médecins quant à l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'enfant E... A... d'un défaut de prise en charge médicale. S'il ressort également des pièces des dossiers que le second enfant du couple, Ayoub, présente un trouble du développement touchant la communication et les interactions sociales, selon un compte rendu médical du 27 novembre 2019, éléments qui n'avaient pas été portés à la connaissance du préfet lors des demandes de titre de séjour, il n'est pas établi que le défaut de prise en charge de ces troubles aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de cet enfant. Si M. et Mme C... font également valoir qu'ils vivent en France depuis 2016, il ressort des pièces des dossiers qu'ils sont entrés récemment en France et ont vécu en Algérie jusqu'à l'âge respectivement de 32 et 28 ans. Par suite, les décisions critiquées n'ont ni méconnu le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
6. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant d'accorder aux requérants, dans le cadre de son pouvoir dérogatoire de régularisation, un certificat de résidence.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3, 5 et 6 que M. et Mme C... n'ayant pas démontré l'illégalité des refus de délivrance d'un titre de séjour et ne pouvant donc obtenir l'annulation de ces refus ne sont pas fondés à demander l'annulation par voie de conséquence des obligations de quitter le territoire prises à leur encontre.
8. M. et Mme C... se prévalent, au soutien des moyens tirés de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant, des mêmes arguments que ceux qui ont été précédemment énoncés. Ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que M. et Mme C... n'ayant pas démontré l'illégalité des refus de délivrance d'un titre de séjour et des décisions portant obligation de quitter le territoire français et ne pouvant donc obtenir l'annulation de ces décisions ne sont pas fondés à demander l'annulation par voie de conséquence des décisions fixant le pays de renvoi prises à leur encontre.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, doivent être rejetées leurs conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles à fin de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme C... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C..., à Mme D... H... épouse C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 octobre 2020.
2
N° 20LY00845...