Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 août 2018, Mme A..., représentée par la SCP Couderc-Zouine, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 juin 2018 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du préfet du Rhône du 27 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
- le refus de délivrance d'un titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il appartient au préfet, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, d'apprécier l'opportunité d'une régularisation dans le cas où un ressortissant algérien invoque la rupture de la vie commune due à des violences ; elle a transmis un procès-verbal de plainte et des éléments médicaux établissant l'existence de violences exercées par son conjoint ; si, par une ordonnance du 29 août 2016, le juge aux affaires familiales a rejeté sa demande de protection au motif que son époux ne serait plus un danger pour elle, cette ordonnance permet uniquement au juge de prendre des mesures de nature à protéger l'époux exposé à un danger imminent et la décision du juge aux affaires familiales ne peut être invoquée pour relativiser la gravité des violences subies ;
- la décision est entachée d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de sa volonté d'insertion établie par l'exercice d'une activité salariée et de son investissement associatif ; elle a subi des violences conjugales et ne peut retourner vivre en Algérie en raison de sa situation de femme divorcée ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que précédemment évoqués ;
Sur la légalité de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :
- la décision sera annulée par exception d'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- la décision sera annulée par exception d'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 914-647du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 18 décembre 1978, est entrée en France le 5 avril 2015 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Le 19 décembre 2015, elle s'est mariée avec un ressortissant algérien. Le 3 février 2016, son époux a déposé une demande de regroupement familial. Le 10 juin 2016, il a engagé une procédure de divorce et par ordonnance du 19 décembre 2016, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Lyon a autorisé les époux à introduire l'instance pour que le juge prononce le divorce, a attribué à son époux la jouissance du logement familial et du mobilier et a fixé à 400 euros la pension alimentaire mensuelle à la charge de son époux. Le 26 septembre 2016, Mme A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en faisant valoir qu'elle avait été victime de violences conjugales. Par décisions du 27 juin 2017, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, a abrogé le récépissé de demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 5 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 27 juin 2017.
Sur la légalité du refus de délivrance d'un certificat de résidence :
2. Aux termes des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente [...] ". Aux termes du titre II du protocole annexé au même accord : " Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien ". Aux termes de l'article 7 du même accord : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau. [...] d) Les ressortissants algériens autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial, s'ils rejoignent un ressortissant algérien lui-même titulaire d'un certificat de résidence d'un an, reçoivent de plein droit un certificat de résidence de même durée de validité, renouvelable et portant la mention vie privée et familiale de l'article 7 bis ". Aux termes de l'article 7 bis du même accord : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : [...] d) Aux membres de la famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans qui sont autorisés à résider en France au titre du regroupement familial. ". Ces stipulations régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles relatives à la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France.
3. Si un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, en cas de rupture de la vie commune, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale" à l'étranger ayant subi après son arrivée en France des violences conjugales de la part de son conjoint, il appartient toutefois au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, notamment eu égard à l'examen des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
4. Mme A... fait valoir que la rupture de la vie commune avec son époux résulte des violences conjugales subies. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a déposé plainte auprès du commissariat du 7ème arrondissement de Lyon, le 2 mai 2016, pour violences physiques commises par son époux les 30 avril et le 1er mai 2016 ayant entrainé, selon un certificat médical du service des urgences de l'hôpital de Saint-Joseph Saint-Luc, six jours d'incapacité temporaire totale en raison d'une plaie superficielle au pli du coude gauche, de multiples hématomes sur le bras, d'une cervicalgie avec entorse cervicale C3-C4 et de dorsalgies diffuses et d'un choc post-traumatique et a produit auprès des services de police, le 12 mai 2016, un nouveau certificat médical du 11 mai 2016 du même service des urgences portant l'incapacité temporaire totale à 10 jours. Mme A... a quitté le domicile conjugal le 3 mai 2016 et a été prise en charge, depuis cette date, par diverses associations. Dans le cadre de la procédure de divorce engagée par son époux, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Lyon a conclu, dans son ordonnance du 19 décembre 2016, que " si l'existence de violences paraît vraisemblable, (...) pour autant, les éléments développés ci-dessus ne permettent pas d'établir que des violences ont été commises par Monsieur, ni les raisons du départ de Madame du domicile conjugal ". Mme A... n'apporte aucun élément nouveau en première instance comme en appel permettant d'établir avec suffisamment de certitude la réalité des violences conjugales alléguées et ce alors qu'elle ne fait pas état des suites judiciaires réservées à la plainte déposée le 2 mai 2016. La circonstance que Mme A... a quitté le domicile conjugal peu après l'établissement d'un certificat médical ne suffit pas à constituer un élément de preuve suffisant de ce que les blessures dont il est fait état seraient imputables à des violences conjugales. Par ailleurs, Mme A... ne résidait en France que depuis un peu plus de deux ans à la date de la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence alors qu'elle a vécu 37 ans en Algérie où vivent ses parents et ses frères et soeurs. Dans ces conditions, et nonobstant la circonstance qu'elle bénéficie d'une prise en charge au sein des activités d'adaptation à la vie active de l'association le Mas à raison de 15 heures par semaine pour une activité de nettoyage ou encore qu'elle est bénévole pour les " Restos du coeur ", Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui accorder dans le cadre de son pouvoir dérogatoire de régularisation un certificat de résidence.
5. Pour les mêmes motifs, le refus d'admission exceptionnelle au séjour n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
6. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 4, l'obligation faite à Mme A... de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :
7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et celles à fin de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 novembre 2019.
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N° 18LY03154