Par une requête enregistrée le 15 mars 2017, la SAS Clinique la Roseraie VE6, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1503048 du tribunal administratif de Dijon du 24 janvier 2017 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 916 608 euros augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts en réparation des préjudices subis du fait des fautes commises par l'agence régionale de santé de Bourgogne ou, à titre subsidiaire, de 9 016 608 euros augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car il méconnaît l'autorité de la chose jugée ; les premiers juges ont procédé à une substitution de motifs non conformes à la jurisprudence Hallal car cette substitution de motifs n'a pas été demandée par l'administration et n'a pas été précédée d'un débat ; la jurisprudence Hallal sur les substitutions de motifs ne s'applique pas au contentieux de la responsabilité :
- le jugement est irrégulier car les juges ont statué ultra petita en statuant sur la légalité de la décision du 26 octobre 2012 sans que ceci ne soit demandé par une des parties et alors que l'Etat a reconnu l'illégalité de cette décision et en statuant au-delà des conclusions de l'administration défenderesse ; ce litige relève du contentieux de la responsabilité dont les limites sont fixées par les parties ;
- le jugement est irrégulier car les considérants 2 et 3 sont entachés d'une contradiction de motifs car les premiers juges ont indiqué que comme indiqué par la cour la décision du 26 octobre 2012 était entachée d'une erreur de droit mais ils ont estimé qu'une telle décision pouvait être légalement prise ; or une décision annulée par la cour est réputée n'être jamais intervenue et le tribunal administratif ne pouvait pas se prononcer sur une décision censée ainsi n'avoir jamais existé ;
- le jugement est irrégulier car insuffisamment motivé sur un refus de renouvellement légalement fondé sur un autre motif ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il fait état d'une décision pouvant être prise légalement sur un autre motif alors qu'aucun des motifs envisagés dans le jugement ne peut se rattacher à l'un des neufs motifs énumérés à l'article R. 6122-34 du code de la santé publique pouvant être opposés à une demande de renouvellement d'une autorisation sanitaire ;
- en l'absence de texte législatif ou règlementaire le prévoyant, les premiers juges ne pouvaient sans commettre d'erreur de droit mettre à la charge de la clinique la responsabilité d'entreprendre une démarche en vue d'un rapprochement avec le centre hospitalier ;
- il existe une erreur de fait sur les tentatives menées par la clinique, celle-ci ayant bien entrepris des démarches de rapprochement sous la forme d'un projet de convention de partenariat sur la surveillance continue en avril 2011 ; la lettre du 2 mai 2012 fait état des difficultés rencontrées dans les projets de coopération ;
- la ministre des affaires sociales ne conteste pas le principe de la responsabilité de l'Etat pour faute dès lors que la décision du 26 octobre 2012 est illégale ;
- pour le plan de sauvegarde de l'emploi, la société Deloitte a estimé le coût à 4 098 955,90 euros ; la ministre n'accepte qu'une somme de 2 298 534,94 euros en opposant une date de signature de ce plan le 6 février 2013 et refuse une indemnisation pour les salaires et charges postérieurs sauf pour les salariés protégés pour lesquels elle admet des salaires et charges jusqu'en avril 2013 ; toutefois si certains licenciements de salariés protégés ont été acceptés en avril 2013, ils n'ont pas tous quitté la clinique immédiatement ; le licenciement de Mme A... n'a été autorisé que le 5 juillet 2013 et elle n'a quitté l'entreprise que le 30 septembre 2013 ; par suite, pour les salariés protégés dont les licenciements ont été acceptés en 2013, les dépenses ont perduré au-delà de février 2013 ; pour trois salariés protégés, l'autorisation de licenciement n'a été accordée que le 21 août 2014, ces salariés sont restés à la charge de l'entreprise jusqu'en octobre 2015 ;
- le cabinet Deloitte a estimé à 26 851,94 euros le poste " montant des frais de conseil lié au PSE " correspondant aux frais et honoraires du cabinet d'avocats Duffour et associés et correspondent essentiellement aux frais de procédure relatifs aux salariés protégés et aux demandes d'autorisation devant le ministre du travail ;
- le cabinet Deloitte a évalué le " coût de la clôture " à 619 266,92 euros et les " intérêts financiers " à 108 081,62 euros ; de tels éléments ne sont pas utilement contestés par la ministre par des allégations quant à une surestimation ;
- la ministre ne conteste pas le poste " frais de conseil lié à la fermeture " estimé par le cabinet Deloitte à 63 451,81 euros ; ce poste comprend les frais contentieux engagés contre certains salariés et les frais engagés pour les procédures devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel pour contester le refus de renouvellement de l'autorisation ;
- elle doit être indemnisée du préjudice lié à la valeur de la clinique ; ce montant ne peut pas correspondre au prix d'achat de la clinique, soit 50 000 euros ; le fonds commercial a été évalué dans le bilan des déclarations fiscales à 242 540 euros ; l'agence régionale de santé a encouragé de groupe Vitalia à s'engager dans la reprise de la clinique, ce qui l'a conduit à réaliser des investissements ; le plan d'investissement prévu pour la période 2010-2012 était de 1 136 212 euros ; en ce qui concerne les immobilisations corporelles, les investissements amortissables sur les trois exercices 2010-2011-2012 s'élevaient à 557 070 euros ; fin 2012, la valeur brute des immobilisations corporelles était de 554 066 euros et ne pourra pas être amortie compte tenu du non renouvellement de l'autorisation et de la fermeture ; les documents fiscaux font état d'un total déclaré pour le fonds commercial et les immobilisations corporelles de 796 608 euros ; le préjudice subi doit être évalué selon le chiffre d'affaires lequel avait doublé entre 2010 et 2011 passant de 2 420 637 euros à 5 230 768 euros avant de diminuer en 2012 à 3 850 358 euros ; la moyenne du chiffre d'affaires étant de 3 833 927 euros, il y a lieu pour une clinique privée d'évaluer sa valeur à deux années de chiffres d'affaires soit 7 000 000 euros, somme demandée devant le tribunal administratif de Dijon ; elle a fait réaliser une étude sur la base de la méthode d'évaluation dite " discounted cash-flow " (DCF) prenant en considération la valeur nette actuelle des flux de trésorerie d'exploitation laquelle retient, après déduction des dettes, une valorisation des titres de la clinique à hauteur de 3,1 millions d'euros ; ainsi la part de l'indemnité du fonds de commerce doit être évaluée à titre subsidiaire à 3 100 000 euros ;
- la valeur du terrain d'assiette de la clinique ne saurait être déduit du montant de l'indemnité car la vente dudit terrain à la SEMCODA n'a jamais été réalisée ; aujourd'hui la valeur du terrain est nulle, et le preneur du bail à construction dont ce terrain est grevé a pour locataire le Centre hospitalier de Paray-le-Monial ; il n'y a pas lieu d'effectuer de réfaction pour tenir compte de ce terrain ;
- elle doit être indemnisée du préjudice moral subi à hauteur de 1 000 000 euros dès lors que suite au refus de ce renouvellement, aucun partenaire ne peut plus prendre au sérieux une offre de reprise d'une clinique qu'elle pourrait envisager ; cette situation rejaillit sur le groupe Vitalia et par voie de conséquence sur le groupe Elsan, deuxième groupe hospitalier privé ;
- il n'y a pas lieu de procéder à une réfaction de 50 % des indemnités dues au motif invoqué par la ministre de la possibilité d'une décision de non-renouvellement qui aurait pu être légalement prise dans le cadre d'un comparatif de situation entre la clinique et le centre hospitalier dès lors que le centre hospitalier avait une activité supérieure à la clinique car il n'existe pas de critère légal relatif à l'activité et que la comparaison doit porter sur plusieurs critères dont l'accessibilité, les spécialités traitées, la qualité et la sécurité des soins, la garantie de la continuité des soins ; le raisonnement sur la perte de chance est incohérent ; la ministre, si elle avait autorisé et encouragé une société à reprendre une clinique en faillite en envisageant à terme une fermeture, aurait aggravé la faute commise de non renouvellement de l'autorisation ;
Par un mémoire enregistré le 2 juin 2017, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il s'en rapporte à ses écritures de première instance du 22 avril 2016 et 20 décembre 2016 ;
- les premiers juges n'ont pas fait application de la jurisprudence Hallal mais ont seulement estimé que dans le cadre d'un examen comparatif des offres, l'autorité administrative aurait refusé l'autorisation sollicitée par la clinique et que la clinique n'a ainsi subi aucun préjudice ;
- les premiers juges n'ont pas statué ultra petita car ils n'ont pas examiné la question de la légalité de la décision du 26 octobre 2012 ;
- le jugement est suffisamment motivé dès lors que dans le cas où une seule implantation en chirurgie est disponible pour deux demandes recevables, l'administration doit apprécier les mérites respectifs des concurrents ; le code de la santé publique ne mentionnant pas les critères à retenir, le bon sens commande de prendre en considération principalement l'activité ; l'activité de la clinique de la Roseraie était inférieure à celle de l'hôpital ;
- dans le cas où les démarches relatives aux salariés protégés auraient été inutilement prolongées par l'inspection du travail, le requérant peut en demander réparation indemnitaire au ministre du travail ; l'inspection du travail a autorisé les trois licenciements sur lesquels il y avait contestation ;
- la pièce jointe 11 n'est accompagnée d'aucune explication compréhensible ;
- il appartient au requérant de fournir des éléments financiers probants ;
- l'agence régionale de santé de Bourgogne n'a pas encouragé Vitalia à reprendre la clinique de la Roseraie ;
- le requérant ne justifie pas d'une valeur de l'entreprise correspondant à deux ans de chiffres d'affaires ; le rapport de la société Deloitte prend en compte une hypothèse d'augmentation du chiffre d'affaires des soins à hauteur de 6,1 millions d'euros en 2014 sans aucune raison crédible ; ce chiffre de 6,1 millions correspond à une progression de plus de 20 % alors que les dépenses de personnel en 3 ans restent inchangées à 2,1 millions d'euros ; les tarifs n'étant pas fixés par la clinique et la population locale diminuant, une telle augmentation de 20 % apparaît très contestable ; la requérante avait demandé en première instance une somme de 7 millions d'euros qu'elle reconnaît comme fantaisiste dès lors qu'elle évoque maintenant une somme de 3,1 millions d'euros laquelle n'est pas davantage sérieusement étayée.
Par un mémoire du 13 novembre 2017, la SAS clinique la Roseraie VE6, représentée par Me B..., modifie ses conclusions indemnitaires en abandonnant ses conclusions à hauteur de 12 916 608 euros et demande la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 9 016 608 euros augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts en réparation des préjudices subis du fait des fautes commises par l'agence régionale de santé de Bourgogne, et maintient ses conclusions à hauteur de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, en outre, que :
- la note en délibéré du 20 décembre 2016 doit lui être communiquée pour respecter le principe du contradictoire ;
- en s'en rapportant à son mémoire de première instance du 18 avril 2016, l'Etat reconnaît qu'il doit l'indemniser et ne conteste que les montants du préjudice ; dans son mémoire en défense en appel, le ministre se contredit en concluant au rejet de la requête et donc au maintien du jugement du tribunal administratif ; en soutenant en appel que la clinique n'avait aucune chance lors du comparatif des offres d'obtenir le renouvellement de son autorisation, l'Etat reconnaît que les premiers juges ont statué au-delà des conclusions de l'Etat ; l'Etat ayant reconnu dans son mémoire du 18 avril 2016 l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité, les premiers juges ne pouvaient pas statuer différemment sur aucun de ces trois points ; l'Etat, en appel, en s'en rapportant à son mémoire de première instance du 18 avril 2016, reconnaît à nouveau l'existence d'une faute, l'existence d'un préjudice et l'existence d'un lien de causalité ; la cour ne peut pas revenir sur le principe de la responsabilité de l'Etat ; seule l'évaluation du montant des préjudices peut être discutée ;
- les premiers juges ont délibérément ignoré la motivation de l'arrêt de la cour du 11 juin 2015, soutien du dispositif ; les premiers juges se sont substitués à la cour et à l'agence régionale de santé (ARS) dès lors que l'arrêt de la cour en son article 2 faisait injonction à cette agence de " réexaminer la demande de renouvellement d'autorisation dans un délai de deux mois " ; ce réexamen n'a jamais eu lieu ; la décision du 26 octobre 2012 portant refus de renouvellement en son article 1er comportait un article 2 ordonnant la fermeture de la clinique à compter du 31 octobre 2012 ; le raisonnement des premiers juges pourrait se comprendre si à l'issue du réexamen enjoint par la cour, l'ARS avait pris une nouvelle décision de refus et si le tribunal administratif avait saisi d'une nouvelle demande contentieuse contre ce nouveau refus ; la décision du 26 octobre 2012 a été intégralement annulée par l'arrêt de la cour ; la fermeture de la clinique le 31 octobre 2012 est en fait et en droit la conséquence directe de l'illégalité de la décision du 26 octobre 2012 ; la clinique ayant été effectivement fermée sur décision de l'ARS, son préjudice n'est pas éventuel ;
- l'argumentation du ministre relative à une surévaluation des préjudices n'est pas fondée en fait ; le chiffre d'affaires de la clinique a doublé entre 2010 et 2011 ; l'évaluation du préjudice a été limitée à la durée de validité de l'autorisation, a pris en compte l'endettement de la clinique et un taux de croissance nul à partir de 2013 ;
- la ministre ne conteste plus ni la durée du PSE et son coût total de 4 098 955,90 euros ni le montant des frais de conseil liés au PSE pour un montant de 26 851,94 euros :
- elle produit une nouvelle expertise réalisée par la société Sorgem Evaluation laquelle fait état d'un préjudice constitué du coût de la fermeture (perte subie) et d'un gain manqué ; la société Sorgem Evaluation a estimé que les coûts de fermeture incluant le PSE s'élevaient à 4 916 608 euros et devraient être actualisés au taux d'intérêt légal à une date proche du jugement ; Sorgem Evaluation a validé le raisonnement du cabinet Deloitte sur la perte du bénéfice de création de valeur et le montant de 3,1 millions d'euros afférent ; Sorgem Evaluation a actualisé le préjudice total au 31 décembre 2016 en ajoutant aux 8 millions d'euros une somme de 200 000 euros ; cette étude étaye le chiffrage de ses préjudices ;
- le critère de l'activité ne peut pas être le seul critère à retenir dans le cadre d'un comparatif ; il y a lieu de tenir compte des besoins de la population et non pas des souhaits des établissements de santé et par suite des critères portant sur les effectifs médicaux et para-médicaux, le rapport coût-efficacité pour l'assurance maladie ;
- la ministre n'apporte pas d'éléments concernant le soutien de l'ARS au projet de reprise par Vitalia de la clinique en 2010 ;
- aux intérêts devra être ajoutée la capitalisation des intérêts ;
Par un mémoire, enregistré le 24 septembre 2018 et régularisé le 26 septembre 2018, le ministre des solidarités et de la santé maintient ses conclusions à titre principal tendant au rejet de la requête et conclut, en outre, à titre subsidiaire, à la minoration des sommes susceptibles d'être mises à sa charge.
Il soutient, en outre, que :
- les premiers juges n'ont pas méconnu l'autorité de la chose jugée en estimant qu'il n'y avait pas de lien de causalité direct entre la faute commise par l'ARS et le préjudice allégué à la suite de la fermeture ;
- les premiers juges en statuant sur la responsabilité pour faute et sur la responsabilité sans faute dans le cadre d'un recours de plein contentieux n'ont pas statué ultra petita ;
- en ce qui concerne la motivation du jugement, les premiers juges ont relevé que la requérante n'apportait pas d'éléments sur les avantages de sa candidature alors que son activité est inférieure à celle du centre hospitalier ;
- les deux demandes de la clinique et du centre hospitalier étant incompatibles avec les objectifs du SROS, l'ARS devait prendre en compte au regard des règles de concurrence comme le volume d'activité des établissements ; le jugement n'est entaché d'aucune erreur de droit ;
- lors de la séance du COS du 19 octobre 2012, il a été relevé que la requérante, lors de la réunion du 27 juin 2012 préparatoire au nouveau contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, avait indiqué à l'ARS qu'aucune coopération avec le centre hospitalier n'était formalisée ni même en projet ou en cours de discussion mais souhaitait s'engager à mettre en place une collaboration avec le centre hospitalier ; le tribunal administratif n'a ainsi pas commis d'erreur de fait ;
- lorsqu'une décision a été annulée en raison d'une illégalité interne, le juge de plein contentieux peut dénier tout droit à réparation lorsqu'il apparaît que cette décision était néanmoins fondée ou qu'elle pouvait reposer sur un motif autre que celui ayant conduit à son annulation ; l'ARS dans sa décision du 26 octobre 2012 a refusé le renouvellement de l'activité de soins de chirurgie complète au motif d'absence de démarche de rapprochement ; la même décision aurait été prise sur le motif légal de l'insuffisance du niveau d'activité de la clinique ; l'activité de la clinique en chirurgie était plus faible et le SROS prévoyait la suppression d'un plateau de chirurgie ; il était nécessaire de constituer un seul plateau technique de chirurgie sur le site du centre hospitalier compte tenu de ses équipements, de son activité en médecine et en chirurgie (dont le traitement du cancer), de l'existence d'une activité d'obstétrique et de sa proximité immédiate ; la clinique était en difficulté financière ; fin 2010 et fin 2011, le résultat d'exploitation était déficitaire avec respectivement une perte de 561 361 euros et de 471 347 euros alors que la société avait été cédée à Vitalia expansion par jugement du 11 juin 2010 ; en 2012, le déficit d'exploitation était de 1 313 718 euros ; les difficultés financières et les données faisant apparaître une faible activité de la clinique en chirurgie de jour et en hospitalisation complète auraient conduit au refus de renouvellement de l'autorisation d'activité de chirurgie complète ; l'illégalité de la décision du 26 octobre 2012 n'est ainsi pas de nature à ouvrir un droit à indemnisation par l'Etat ;
- la responsabilité sans faute de l'Etat ne peut être engagée que si le préjudice est direct et certain ainsi qu'anormal et spécial ; la requérante ne démontre pas le lien de causalité direct entre cette décision du 26 octobre 2012 et les préjudices allégués ; depuis 2010, la clinique connaît des difficultés économiques avec un résultat d'exploitation largement déficitaire ; la situation financière de la société était connue depuis 2010 ; le rachat par Vitalia en 2010 n'a pas permis de redresser la société ; les difficultés de la société étaient suffisamment importantes et durables pour justifier la suppression des postes et la fermeture de la clinique ; la décision du 26 octobre 2012 n'est pas la cause directe du préjudice subi par la société ; le préjudice n'a pas de caractère direct avec cette décision illégale ; le non-renouvellement de l'autorisation étant un risque connu par rapport à l'objectif du SROS relatif au maintien d'un seul plateau de chirurgie à la date d'acquisition de la clinique, le préjudice subi lié à la fermeture de la clinique ne peut pas être regardé comme présentant un caractère anormal ;
- dans l'hypothèse où serait retenu un droit à réparation ouvert par l'illégalité fautive du 26 octobre 2012, les montants susceptibles d'être alloués devront être minorés eu égard à la faiblesse des justificatifs produits ; en ce qui concerne le PSE, la requérante ne produit ni le PSE, ni les bulletins de salaire, ni les factures justifiant des frais demandés ; la somme demandée au titre du PSE est disproportionnée par rapport au nombre de salariés concernés ; il y a ainsi lieu de rejeter la demande de 4 098 955,92 euros ; pour les frais de conseil liés au PSE, le tableau produit n'indique pas le détail des actes et aucune facture n'est produite ; il y a ainsi lieu de rejeter la demande de 26 851,94 euros pour de tels frais de conseil ; la demande des frais liés à la fermeture de la clinique n'est assortie d'aucune facture justificative et le montant fluctue entre la première instance et l'appel ; pour le préjudice de pertes de bénéfice et de perte de fonds de commerce, la requérante a modifié sa demande en la faisant passer de 7 millions à 3,1 millions d'euros ; la perte de fonds de commerce résulte de la fermeture de l'exploitation ; lorsque l'exploitant ayant cessé son activité conserve les locaux et le matériel, le préjudice se limite à la perte de revenus et l'intéressée n'est pas fondée à réclamer une indemnité correspondant à la valeur du fonds de commerce ; seule la perte d'exploitation est réparable ; dans le cadre du jugement du tribunal de commerce de Mâcon du 11 juin 2010, la société requérante a acheté la clinique pour un montant de 50 000 euros ; sur la perte de revenus, le rapport produit par la requérante sur l'évolution du chiffre d'affaires est fondé sur une hypothèse et donc le préjudice qui n'est qu'éventuel n'est pas réparable ; le calcul figurant dans ce rapport omet l'ensemble des frais générés par la pratique de l'activité de soins, en cas de renouvellement de l'autorisation, et les frais liés au matériel nécessaire ; il y a lieu de tenir compte du contexte local d'offre de soins de la clinique ; le niveau d'activité en matière de chirurgie était inférieur à celui du centre hospitalier et diminuait ; il existe des doutes sur l'évolution potentielle du chiffre d'affaires avancée par la société requérante ; la somme de 3,1 millions d'euros n'étant pas justifiée et étant erronée, ceci induit le rejet de cette demande ; la décision ayant refusé le renouvellement étant fondée sur une absence de démarche de rapprochement, ceci ne peut pas avoir eu pour conséquence de nuire à l'image de la société requérante ; seule une décision qui aurait été motivée par un défaut de sécurité pourrait éventuellement avoir un effet défavorable sur la réputation de la société ; la société requérante n'apporte aucun élément probant sur la dégradation de son image ; il y a lieu de rejeter les conclusions tendant au versement d'une somme d'un million d'euros au titre du préjudice moral ; la valeur du terrain ne peut pas être intégrée dans le préjudice indemnisable dès lors qu'en application du jugement du tribunal de commerce de Mâcon du 11 juin 2010, la société Semcoda, bailleur des locaux, s'est engagée à se porter acquéreur du terrain pour un montant d'un million d'euros .
Par des mémoires enregistrés les 11 et 30 octobre 2018, la SAS Clinique la Roseraie VE6 maintient ses conclusions.
Elle soutient, en outre, que :
- avant son dernier mémoire, le ministre n'avait pas indiqué qu'il y avait absence de lien de causalité direct entre la faute commise et le préjudice subi et avait auparavant admis que le principe de la responsabilité pour faute était établi ;
- les premiers juges ont statué ultra petita dès lors qu'ils ont fait à la place du directeur général de l'ARS l'instruction de sa demande et en ont conclu que la décision du 26 octobre 2012 était légale ;
- le ministre ne répond pas à la seconde argumentation sur l'erreur de droit tirée de l'inexistence du fondement juridique imposant à la seule clinique de la Roseraie d'engager une démarche en vue du rapprochement des deux établissements ; sur l'erreur de fait, le ministre ne conteste pas qu'elle a commencé à rechercher dès le 20 avril 2011 un partenariat avec le centre hospitalier et s'est heurtée à une fin de non-recevoir ; c'est à tort que le ministre fait peser sur la clinique l'échec des discussions en mentionnant qu'elle ne l'a pas informé des démarches contentieuses existant entre elle et le centre hospitalier ; elle n'a jamais engagé de procédure contentieuse contre le centre hospitalier mais seulement contre un chirurgien que le centre hospitalier voulait recruter ; le SROS 2012-2017 prévoyait l'attribution d'une autorisation commune aux deux établissements laissant ainsi supposer que les deux établissements disposaient de temps pour formaliser une coopération ; l'autorisation attribuée le 24 septembre 2010 au centre hospitalier a eu pour effet de l'empêcher de développer une activité supérieure au centre hospitalier ;
- le ministre ne démontre pas que l'insuffisance du niveau d'activité aurait pu à elle seule être un motif légal du refus de la demande de renouvellement ; les difficultés financières de la clinique ne constituent pas non plus un motif acceptable de rejet de cette demande ; le ministre ne donne aucun élément sur la situation financière du centre hospitalier ; la situation financière du centre hospitalier ne lui permettait pas de reprendre la clinique en 2010 ; le directeur de l'ARS en accordant un renouvellement d'autorisation au centre hospitalier le 24 septembre 2010 n'a pas posé de conditions au centre hospitalier de coopérer avec la clinique ;
- c'est à tort que le ministre soutient que c'est la mauvaise santé financière de la société qui aurait été la cause de la fermeture de l'établissement ; sans autorisation administrative, la clinique n'aurait pas pu continuer à fonctionner ; l'article 2 de la décision ordonnait la fermeture immédiate au 31 octobre 2012 de l'établissement ;
- le ministre n'évoque plus dans son second mémoire en défense une perte de chance ;
- il y a rupture d'égalité devant les charges publiques dès lors qu'il y a eu une différence de traitement entre le centre hospitalier et la clinique ; si tout exploitant sait qu'une autorisation ne sera pas nécessairement renouvelée, il attend cependant que les demandes de renouvellement soient instruites de la même manière et sur la base des mêmes critères ; le préjudice est anormal et spécial car la clinique a été la seule victime de cette différence de traitement ;
- en ce qui concerne les frais liés à la fermeture, l'argumentation du ministre sur une disproportion des frais du PSE ne fait pas état d'une méconnaissance des règles sur les PSE ; le ministre n'évoque pas l'étude du cabinet Sorgem évaluation, laquelle fait état d'évaluations " conservatrices " ; le ministre dans ses premières écritures en appel a admis un coût total du PSE de 4 098 955,90 euros ; les objections du ministre sur une surévaluation des préjudices ne sont pas étayées dès lors que les dernières évaluations sont conformes aux jurisprudences invoquées et que la clinique n'était pas propriétaire des murs ; le mode de calcul pris en compte dans les dernières écritures (méthode DCT) aboutit à une demande de 3,1 millions d'euros ; il existe bien un préjudice moral tenant à l'atteinte à sa réputation tirée de l'absence de respect d'une obligation de rapprochement avec le centre hospitalier de Paray-le-Monial ; la Semcoda n'a jamais acheté le terrain pour un million d'euros ; le tribunal de commerce en 2010 n'avait pas condamné la Semcoda à acheter ce terrain un million d'euros ; le ministre ne peut pas reprocher à la clinique de n'avoir pas cherché à contraindre la Semcoda à respecter son engagement de 2010 dès lors que le centre hospitalier a remplacé la clinique comme locataire de la Semcoda, ce qui a réduit à néant la valeur du terrain ; dans la note en délibéré du 20 décembre 2016, le ministre avait admis une indemnité pour les frais de fermeture de la clinique à hauteur de 200 000 euros ; dans cette même note, le ministre avait admis qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Vitalia les indemnités de licenciement et les frais liés au PSE.
Par ordonnance du 15 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée le 15 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
- et les conclusions de Me Badin, avocat de la société Clinique la Roseraie VE6.
Considérant ce qui suit :
1. Par jugement du tribunal de commerce de Macon du 11 juin 2010, la société Clinique de la Roseraie, située à Paray-le-Monial a été placée en liquidation judiciaire et ses actifs ont été cédés à la société Vitalia Expansion 6 SAS devenue la SAS clinique la Roseraie VE6. Par décision du 9 juillet 2010, la SAS Clinique la Roseraie VE6 a bénéficié, par une décision du 9 juillet 2010 de l'agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne, à titre exceptionnel et jusqu'à ce qu'il soit statué sur une demande définitive d'autorisation, du transfert des autorisations d'activité de soins de chirurgie en hospitalisation complète et d'anesthésie et de chirurgie ambulatoire auparavant détenues par l'ancienne clinique de la Roseraie jusqu'au 31 octobre 2012. A la suite de l'injonction qui lui a été adressée par l'ARS de Bourgogne le 28 octobre 2011, la SAS clinique la Roseraie VE6 a déposé, le 27 juin 2012, une demande de renouvellement d'autorisation d'activité de soins de chirurgie en hospitalisation complète. Après avis défavorable de la commission spécialisée de l'organisation des soins, l'ARS de Bourgogne, par décision du 26 octobre 2012, a rejeté la demande de renouvellement d'autorisation de l'activité de soins de chirurgie pour la modalité d'hospitalisation à temps complet et a indiqué que cette décision était applicable à la date de fin de validité de l'autorisation existante soit le 31 octobre 2012, entraînant la fin de validité de l'autorisation de soins de chirurgie pour la modalité de chirurgie ambulatoire à cette même date. Par un arrêt du 11 juin 2015, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé la décision du 26 octobre 2012 et a enjoint à l'ARS de Bourgogne de réexaminer, dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt, la demande de renouvellement de l'autorisation de l'activité de soins de chirurgie pour la modalité d'hospitalisation complète présentée par cette société. Le 29 juin 2015, la société Clinique La Roseraie VE6 a adressé une demande indemnitaire préalable à l'ARS de Bourgogne, laquelle a été reçue le 6 juillet 2015, aux fins de se voir indemniser des préjudices nés du refus opposé le 26 octobre 2012. Du silence gardé par l'ARS de Bourgogne est née une décision implicite de refus de renouvellement de l'autorisation d'activité de soins. Est également intervenue une décision implicite de rejet de la demande indemnitaire préalable de la société Clinique La Roseraie VE6. Par jugement du 24 janvier 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de cette société tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de l'ARS de Bourgogne à lui verser une somme de 12 916 608 euros, ou, à titre subsidiaire, une somme de 9 016 608 euros, augmentée des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du refus de renouvellement de l'autorisation de l'activité de soins de chirurgie. La société Clinique la Roseraie VE 6 fait appel de ce jugement et demande, dans le dernier état de ses écritures, la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 9 016 608 euros augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts en réparation des préjudices résultant de la fermeture de l'établissement de Paray-le-Monial.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. La société requérante soutient que le tribunal a insuffisamment motivé son jugement en ce qu'il a considéré que le refus de renouvellement aurait pu être fondé légalement sur un autre motif et que cette circonstance pouvait faire obstacle aux conclusions indemnitaires dont il était saisi. Il ressort toutefois des termes du jugement que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés par les parties, ont suffisamment détaillé les raisons pour lesquelles ils ont estimé que le refus de renouvellement d'autorisation pouvait être légalement justifié par un autre motif, en relevant que le schéma régional d'organisation des soins (SROS) prévoyait le maintien d'un seul plateau de chirurgie à Paray-le-Monial et en faisant notamment état d'une activité chirurgicale numériquement supérieure au centre hospitalier de Paray-le-Monial et de l'absence d'autres indicateurs favorables à la clinique, ce qui les a conduit à retenir que l'erreur de droit dont était entachée la décision du 26 octobre 2012 ne pouvait pas permettre de faire droit aux conclusions indemnitaires de la requérante. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, la décision par laquelle l'autorité administrative refuse illégalement une autorisation ou un renouvellement d'autorisation constitue une faute de nature à engager sa responsabilité, pour autant qu'elle ait été à l'origine d'un préjudice direct et certain. Dans le cas où l'autorité administrative pouvait, sans méconnaître l'autorité absolue de la chose jugée s'attachant à l'arrêt d'annulation de cette décision, légalement refuser ce renouvellement d'autorisation, l'illégalité commise ne présente pas de lien de causalité direct avec les préjudices résultant de ce refus.
5. Par un arrêt du 11 juin 2015, devenu définitif, la cour a annulé pour erreur de droit la décision du directeur général de l'ARS du 26 octobre 2012 portant refus de renouvellement de l'autorisation d'activité de soins en chirurgie pour la modalité d'hospitalisation à temps complet, au motif qu'il s'était estimé à tort en situation de compétence liée et lui a fait injonction de procéder, dans un délai de deux mois après la notification de l'arrêt, au réexamen de la demande de la clinique la Roseraie. L'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au dispositif de cet arrêt et au motif qui en constitue le soutien nécessaire, ne fait pas obstacle à ce que cette illégalité sanctionnée par la cour soit regardée comme ne présentant pas de lien de causalité direct avec les préjudices dont se prévaut la clinique requérante s'il apparaît que l'autorité administrative aurait pu, pour un autre motif, légalement refuser ce renouvellement d'autorisation d'activité de soins en chirurgie pour la modalité d'hospitalisation à temps complet.
6. Il résulte de ce qui vient d'être dit que, contrairement à ce que soutient la société requérante, en estimant que l'autorité administrative, dans le cadre d'un comparatif entre le centre hospitalier de Paray-le-Monial et la clinique la Roseraie, aurait pu justifier légalement son refus de renouvellement de l'autorisation en s'appuyant sur le constat d'une activité chirurgicale numériquement supérieure au centre hospitalier de Paray-le-Monial et sur l'absence d'autres indicateurs favorables à la clinique pouvant compenser ce critère, les premiers juges, en tant que juges de plein contentieux, n'ont ni méconnu l'autorité de la chose jugée par la cour, ni méconnu leur office dès lors qu'ils se sont bornés à statuer sur l'existence d'un lien direct de causalité entre l'illégalité commise et les préjudices invoqués sans procéder à une substitution de motifs de la décision du 26 octobre 2012. Ils n'ont pas davantage réexaminé la légalité de cette décision et n'ont donc pas statué ultra petita.
7. En troisième lieu, la contradiction de motifs affecte le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité. Si la société requérante soutient que le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'existerait une contradiction entre son considérant 2 où il est rappelé que la cour a retenu une erreur de droit et a annulé pour ce motif la décision du 26 octobre 2012, et son considérant 3 où il est indiqué que cette décision pouvait être légalement fondée sur un autre motif, un tel moyen qui a trait au bien-fondé de la réponse apportée par le tribunal administratif est sans incidence sur sa régularité.
Sur la responsabilité :
8. La clinique requérante soutient que la responsabilité de l'Etat est engagée tant sur le fondement de la responsabilité pour faute que sur celui de la responsabilité sans faute pour rupture de l'égalité devant les charges publiques.
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
9. Aux termes de l'article L. 6122-10 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Le renouvellement de l'autorisation est subordonné au respect des conditions prévues à l'article L. 6122-2 et L. 6122-5 et aux résultats de l'évaluation appréciés selon des modalités arrêtées par le ministre chargé de la santé. Il peut également être subordonné aux conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 6122-7. Le titulaire de l'autorisation adresse les résultats de l'évaluation à l'agence régionale de santé au plus tard quatorze mois avant l'échéance de l'autorisation. Au vu de ce document et de la compatibilité de l'autorisation avec le schéma d'organisation des soins, l'agence régionale de santé peut enjoindre au titulaire de déposer un dossier de renouvellement dans les conditions fixées à l'article L. 6122-9. A défaut d'injonction un an avant l'échéance de l'autorisation, et par dérogation aux dispositions de l'article L. 6122-9, celle-ci est tacitement renouvelée. L'avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie compétente pour le secteur sanitaire n'est alors pas requis. ". Aux termes de l'article L. 6122-2 du même code : " L'autorisation est accordée lorsque le projet : 1° Répond aux besoins de santé de la population identifiés par les schémas mentionnés aux articles L. 1434-7 et L. 1434-10 [SROS] ; 2° Est compatible avec les objectifs fixés par ce schéma ; 3° Satisfait à des conditions d'implantation et à des conditions techniques de fonctionnement. Des autorisations dérogeant aux 1° et 2° peuvent être accordées à titre exceptionnel et dans l'intérêt de la santé publique après avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie compétente pour le secteur sanitaire. Lorsque les règles fixées en vertu de l'article L. 1151-1 recouvrent le champ d'une activité de soins soumise à l'autorisation prévue à l'article L. 6122-1, les établissements titulaires de cette autorisation respectent ces règles en sus des conditions d'implantation et des conditions techniques de fonctionnement prévues aux articles L. 6123-1 et L. 6124-1 applicables à l'activité de soins concernée. Les dispositions du sixième alinéa de l'article L. 1151-1 sont applicables à ces établissements. Les autorisations existantes incompatibles avec la mise en oeuvre des dispositions relatives à l'organisation des soins prévues par les schémas mentionnés aux articles L. 1434-7 et L. 1434-10 sont révisées au plus tard un an après la publication de ces dispositions. Cette révision est effectuée selon la procédure prévue à l'article L. 6122-12 ; elle peut conduire au retrait de l'autorisation. Le délai de mise en oeuvre de la modification de l'autorisation est fixé par la décision de l'agence régionale de santé prévue au troisième alinéa du même article L. 6122-12 ; il ne peut être supérieur à un an. ". L'article R. 6122-34 de ce code indique qu'un refus de renouvellement d'autorisation peut être opposé notamment lorsque les besoins de santé définis par le schéma d'organisation des soins sont satisfaits ou lorsque le projet n'est pas compatible avec les objectifs de ce schéma.
10. Le ministre fait valoir qu'eu égard à l'objectif fixé par le SROS, l'administration aurait pu légalement refuser la demande de renouvellement d'autorisation présentée par la clinique la Roseraie compte tenu de son activité en chirurgie inférieure à celle du centre hospitalier, du caractère déficitaire de l'exploitation de la clinique et de sa situation financière fragile, de sa stratégie risquée d'implantation dans un secteur rural avec des besoins et une démographie faibles, dans un contexte connu de suppression d'une autorisation de chirurgie et de maintien d'un seul plateau chirurgical, de la proximité immédiate du centre hospitalier de Paray-le-Monial et de l'activité d'obstétrique de ce centre hospitalier. Si la clinique la Roseraie admet que son activité de chirurgie était inférieure à celle du centre hospitalier de Paray-le-Monial et qu'elle savait, à la date de la reprise de l'ancienne structure devant le tribunal de commerce, qu'une seule autorisation de chirurgie était prévue dans le SROS 2006-2011 et, au 27 juin 2012, date du dépôt de sa demande de renouvellement d'autorisation, qu'un seul plateau technique de chirurgie sur les sites de Paray-le-Monial était prévu dans le SROS 2012-2017 adopté le 29 février 2012, elle conteste que le motif tiré de la comparaison de l'activité en chirurgie puisse justifier à lui seul légalement un tel refus d'autorisation et fait valoir que d'autres critères devaient être pris en compte par l'autorité administrative pour évaluer le bien-fondé de sa demande et la comparer à celle du centre hospitalier de Paray-le-Monial.
11. Il résulte de l'instruction et notamment des différentes liasses comptables ainsi que des éléments avancés par l'administration quant aux résultats d'exploitation déficitaires de la clinique, non contestés par cette dernière, que la situation financière de la clinique après sa reprise en juin 2010 restait fragile, le déficit d'exploitation étant respectivement au 31 décembre 2010 de 579 503 euros et au 31 décembre 2011 de 521 045 euros. Si, comme l'oppose la clinique, l'administration n'apporte aucune précision sur la situation financière du centre hospitalier de Paray-le-Monial, il ne résulte pas de l'instruction que celle de la clinique aurait été meilleure et ses perspectives de croissance d'activité supérieures à celles du centre hospitalier, eu égard au bassin démographique local et aux comportements de la patientèle locale se caractérisant par un fort taux de fuite vers d'autres zones géographiques comme mentionné dans l'avis de la commission spécialisée de l'organisation des soins en Bourgogne du 19 octobre 2012. Il ressort également des termes du rapport soumis à l'avis de cette commission du 19 octobre 2012 que la clinique la Roseraie n'était plus autorisée, depuis le 3 juillet 2012, à pratiquer la chirurgie carcinologique des pathologies urologiques et digestives alors que le centre hospitalier de Paray-le-Monial disposait d'une autorisation concernant la chirurgie des cancers pour ces pathologies. Ainsi, l'offre de soins de la clinique la Roseraie avait de ce fait été réduite à cette date. Il ressort également de ce même rapport ainsi que des chiffres extraits de la base de données " Platines " que contrairement au centre hospitalier de Paray-le-Monial, la clinique la Roseraie ne pratiquait aucune activité obstétrique et que l'accès par le centre hospitalier de Paray-le-Monial, dans le cadre de son activité gynéco-obstétrique, à certains lits de chirurgie de la clinique a été considéré comme nécessaire par le rapporteur de cette commission.
12. Dans les conditions ainsi décrites et alors que la clinique requérante n'établit pas être dans une situation plus favorable que le centre hospitalier de Paray-le-Monial au regard d'autres critères ou indicateurs, l'autorité administrative aurait pu, compte tenu de l'activité inférieure en chirurgie de la clinique, d'une offre de soins plus réduite que le centre hospitalier de Paray-le-Monial et de l'absence de démonstration d'une meilleure situation financière et de perspectives d'activité meilleures que celles de ce centre hospitalier, légalement rejeter la demande de renouvellement d'autorisation de la clinique requérante en vertu des dispositions du code de la santé publique citées au point 8, eu égard à l'objectif précité du SROS. Par suite, les préjudices invoqués par la clinique la Roseraie VE 6 liés à sa fermeture, et alors au demeurant que la décision de refus de renouvellement d'autorisation pour les soins en chirurgie n'impliquait pas obligatoirement, contrairement à ce qu'elle soutient, la fermeture immédiate de son autre activité, à savoir l'activité de médecine, laquelle s'élevait, selon les bases de données " Platines ", à 303 séjours en hospitalisation complète et à 626 séjours en hospitalisation de jour, ne présentent pas un lien de causalité direct avec la décision fautive du 26 octobre 2012. Dès lors, la responsabilité de l'Etat, n'est pas engagée à raison de l'illégalité fautive de cette décision.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute :
13. L'exercice d'une activité professionnelle de chirurgie est soumis à une autorisation en vertu des dispositions des articles L. 6122-1 et suivants du code de la santé publique. Par suite et en tout état de cause, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le refus de renouvellement d'autorisation pris à son égard en application de ces dispositions lui aurait occasionné un préjudice pouvant donner lieu à indemnisation sur le fondement du principe de l'égalité devant les charges publiques.
14. La clinique requérante fait valoir que si tout exploitant titulaire d'une autorisation sait que celle-ci ne sera pas nécessairement renouvelée, il est cependant en droit d'attendre que toutes les demandes de renouvellement soient instruites sur les mêmes bases et sur les mêmes critères et qu'elle a fait l'objet d'une différence de traitement flagrante. Par suite, cette argumentation, relative à un vice et donc à une illégalité dont serait entachée la décision, se rattache au fondement de la faute et est inopérante à l'appui de conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques qui suppose l'existence d'une décision légale.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Clinique la Roseraie VE6 n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis liés du fait de l'intervention de la décision du 26 octobre 2012 portant refus de renouvellement de son autorisation de soins de chirurgie. Dès lors, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Clinique la Roseraie VE6 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Clinique la Roseraie VE6 et au ministre des affaires sociales et de la santé. Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé de Bourgogne.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 octobre 2019.
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N° 17LY01124