Par un arrêt n° 15LY00519 du 10 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du centre hospitalier du Puy-en-Velay et appel incident des consorts F..., porté à 468 504 euros la somme due à Mme D... F... au titre de l'assistance d'une tierce personne à domicile, pour la période comprise entre le 24 février 2001 et le 31 décembre 2016, à 30 % du montant représentatif de la prise en charge au domicile de Lola déterminé sur la base d'un taux quotidien fixé à 280 euros l'indemnité due à Mme D... F... au titre des frais liés au handicap à compter du 1er janvier 2017 et jusqu'à la majorité de l'enfant, au prorata du nombre de jours passés au domicile familial, et ramené à 12 000 euros la somme mise à la charge du centre hospitalier du Puy-en-Velay en réparation des préjudices personnels de Mme D... F....
Par une décision n° 408806 du 26 juillet 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux saisi d'un pourvoi de Mme D... F..., a annulé cet arrêt en tant qu'il a statué sur l'indemnisation de Mme D... F..., en qualité de représentant légal de sa fille mineure A... F..., au titre des frais passés et futurs d'assistance par une tierce personne et renvoyé l'affaire dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Lyon.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 16 février 2015, le 7 avril 2015 et le 13 novembre 2018, le centre hospitalier du Puy-en-Velay, représenté par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de statuer sur l'indemnisation au titre des frais passés et futurs d'assistance par une tierce personne en retenant un coût journalier moyen de 270 euros.
Il soutient que, compte tenu d'un coût journalier moyen de 270 euros, les frais d'assistance par une tierce personne à domicile pendant 5 784 jours entre le 24 février 2001 et le 31 décembre 2016 se sont élevés à 1 561 680 euros ; compte tenu du taux de perte de chance de 30 % retenu, l'indemnité due au titre de ces frais pour cette période ne saurait être supérieure à 468 504 euros, alors que Mme D... F... a perçu durant cette même période une somme totale de 110 123,43 euros au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ; il convient de vérifier qu'elle n'a pas perçu d'autres aides finançant le maintien de l'enfant à domicile.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 13 mai 2015, régularisé le 15 mai 2015, et le 22 novembre 2018, Mme D... F..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de sa fille mineure A... F..., née le 24 janvier 2001, M. B... F..., Mme E... F... et Mme C... F..., représentés par la SELARL Coubris Courtois et Associés, concluent, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) à ce que la cour statue sur l'indemnisation au titre des frais passés et futurs d'assistance par une tierce personne sans déduction des prestations reçues à ce titre par Mme D... F... ;
2°) à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier du Puy-en-Velay les entiers dépens ainsi qu'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que, compte tenu d'un coût journalier moyen de 270 euros, les frais d'assistance par une tierce personne à domicile pendant 5 784 jours entre le 24 février 2001 et le 31 décembre 2016 se sont élevés à 1 561 680 euros ; compte tenu du taux de perte de chance de 30 % retenu, l'indemnité due au titre de ces frais pour cette période s'élève à 468 504 euros ; de cette indemnité ne saurait être déduite la somme de 110 123,43 euros perçue durant cette même période par Mme D... F... au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, dès lors que cette somme représente près de dix fois moins que le montant qui entraînerait une déduction ; aucune déduction ne saurait être opérée au titre de l'assistance par une tierce personne, ni pour les frais passés ni pour les frais futurs.
Par deux mémoires, enregistrés le 19 juin 2015 et le 28 août 2018, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, représentée par Me Nolot, avocat, conclut à la confirmation du jugement n° 1101540 du 16 décembre 2014 en ce que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a statué sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Loire.
Elle fait valoir que ni l'arrêt n° 15LY00519 du 10 janvier 2017 de la cour ni la décision n° 408806 du 26 juillet 2018 du Conseil d'Etat statuant au contentieux n'ont remis en cause dans cette mesure ledit jugement.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Drouet, président assesseur,
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 24 janvier 2001, Mme D... F... a donné naissance à une enfant prénommée Lola, laquelle est atteinte depuis lors de troubles neurologiques sévères, de troubles visuels, cognitifs et intellectuels et d'un important retard staturo-pondéral en rapport avec une leucomalacie périventriculaire. Par un jugement n° 1101540 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier du Puy-en-Velay à verser, en réparation des conséquences dommageables de l'état présenté par Lola F..., à Mme D... F..., en qualité de représentant légal de sa fille mineure, la somme de 93 900 euros ainsi que, pour les périodes passées au domicile familial jusqu'à la majorité de l'enfant au prorata du nombre de nuits que l'enfant aura passées au domicile familial, une rente calculée sur la base d'un taux quotidien fixé à 108 euros versée par trimestres échus, à Mme D... F... au titre de son préjudice propre la somme de 36 000 euros, à M. B... F..., à Mme E... F... et à Mme C... F... la somme de 5 000 euros chacun et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Loire la somme de 14 234,40 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2011 et capitalisation des intérêts échus le 9 décembre 2012, ainsi que, sur justificatif et au fur et à mesure qu'ils seront exposés, dans la limite de 100,80 euros par an, le remboursement du suivi de l'enfant par un psychiatre et, selon ces même modalités et dans la limite de 1 874,84 euros par an, les différents frais exposés par la caisse en lien avec le handicap de l'enfant. Par un arrêt n° 15LY00519 du 10 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du centre hospitalier du Puy-en-Velay et appel incident des consorts F..., porté à 468 504 euros la somme due à Mme D... F... au titre de l'assistance par une tierce personne à domicile, pour la période comprise entre le 24 février 2001 et le 31 décembre 2016, à 30 % du montant représentatif de la prise en charge au domicile de Lola déterminé sur la base d'un taux quotidien fixé à 280 euros l'indemnité due à Mme D... F... au titre des frais liés au handicap à compter du 1er janvier 2017 et jusqu'à la majorité de l'enfant, au prorata du nombre de jours passés au domicile familial, et ramené à 12 000 euros la somme mise à la charge du centre hospitalier du Puy-en-Velay en réparation des préjudices personnels de Mme D... F.... Par une décision n° 408806 du 26 juillet 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi de Mme D... F..., a annulé cet arrêt en tant qu'il a statué sur l'indemnisation de Mme D... F..., en qualité de représentant légal de sa fille mineure A... F..., au titre des frais passés et futurs d'assistance par une tierce personne et renvoyé l'affaire dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Lyon.
Sur l'indemnisation au titre de l'assistance par une tierce personne au domicile familial jusqu'à la majorité de Lola F... :
2. En vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune.
3. Les règles rappelées au point précédent ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.
4. En vertu de l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé est destinée à compenser les frais de toute nature liés au handicap et elle peut faire l'objet d'un complément lorsque ces frais sont particulièrement élevés ou que l'état de l'enfant nécessite l'assistance fréquente d'une tierce personne. Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la récupération de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé en cas de retour de son bénéficiaire à meilleure fortune. Il suit de là que le montant de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de son complément éventuel peut être déduit d'une rente ou indemnité allouée au titre de l'assistance par tierce personne. Ainsi qu'il a été dit au point 3, lorsque l'auteur de la faute n'est tenu de réparer qu'une fraction du dommage corporel, cette déduction n'a lieu d'être que lorsque le montant cumulé de l'indemnisation incombant normalement au responsable et de l'allocation et de son complément excéderait le montant total des frais d'assistance par une tierce personne. L'indemnisation doit alors être diminuée du montant de cet excédent.
5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le jugement n° 1101540 du 22 mai 2012 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, que l'état de santé de Lola F..., dont la consolidation ne pourra être déterminée qu'à la fin de sa croissance, nécessitera l'assistance permanente d'une tierce personne tout au long de sa vie. Il sera fait une juste appréciation des besoins en assistance par une tierce personne à domicile jusqu'à la majorité de l'intéressée en les évaluant, compte tenu du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales applicables, sur la base d'un coût journalier moyen de 271 euros, sur la période comprise entre le 24 février 2001, date de la fin de l'hospitalisation de l'enfant au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne où elle avait été transférée après sa naissance, et le 24 janvier 2019, date de sa majorité. Il résulte de l'instruction que, durant cette période, Lola a été hébergée au domicile de sa famille pendant 5 784 jours du 24 février 2001 au 31 décembre 2016 et pendant 718 jours du 1er janvier 2017 au 24 janvier 2019, soit un total de 6 502 jours. Ainsi, ses besoins d'assistance par une tierce personne au domicile familial jusqu'à sa majorité doivent être évalués à la somme de 1 762 042 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 30 % retenu, l'indemnisation à la charge du centre hospitalier du Puy-en-Velay à ce titre ne saurait dépasser 528 612,60 euros. Il résulte de l'instruction que Mme D... F... a perçu au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé du fait du handicap de sa fille une somme de 110 123,43 euros entre le 24 février 2001 et le 31 décembre 2016 et une somme de 28 437,26 euros du 1er janvier 2017 au 24 janvier 2019, date de la majorité de Lola F..., soit une somme totale de 138 560,69 euros entre le 24 février 2001 et le 24 janvier 2019, et qu'elle n'a pas perçu d'autre aide finançant le maintien de l'enfant à domicile. Le montant cumulé de l'indemnisation maximale incombant au centre hospitalier du Puy-en-Velay au titre de l'assistance par une tierce personne au domicile familial jusqu'à la majorité de Lola F... et de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé perçue jusqu'à cette majorité, soit la somme totale de 667 173,29 euros, n'excède pas la somme de 1 762 042 euros euros correspondant au montant total des frais d'assistance par une tierce personne au domicile familial jusqu'à la majorité. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de déduire ladite allocation perçue de l'indemnisation incombant à l'établissement public de santé. Par suite, la somme de 528 612,60 euros doit être mise à la charge du centre hospitalier du Puy-en-Velay au titre de l'assistance par une tierce personne au domicile familial jusqu'à la majorité de Lola F....
Sur les frais liés au litige :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les consorts F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le centre hospitalier du Puy-en-Velay est condamné à payer à Mme D... F..., en sa qualité de représentant légal de sa fille Lola F..., une indemnité de 528 612,60 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne à domicile échus du 24 février 2001 au 24 janvier 2019, date de la majorité de Mme A... F....
Article 2 : Le jugement n° 1101540 du 16 décembre 2014 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier du Puy-en-Velay et des consorts F... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier du Puy-en-Velay, à Mme D... F..., à Mme A... F..., à M. B... F..., à Mme E... F..., à Mme C... F..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Loire.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 décembre 2019.
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N° 18LY02984