Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 avril 2021, Mme B..., représentée par Me Vernet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours :
- ces décisions sont illégales en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- et les observations de Me Lulé, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 8 mars 1956, est entrée en France le 29 octobre 2017 munie d'un visa de court séjour. Le 21 octobre 2019, elle a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 29 juin 2020, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 29 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de ces stipulations, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
3. Pour refuser de délivrer à Mme B... un certificat de résidence sur le fondement de ces stipulations, le préfet du Rhône a notamment relevé que, par un avis rendu le 20 janvier 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de l'intéressée requiert une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier en Algérie, de façon effective, de soins appropriés eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'un certificat médical du 10 juillet 2020, que l'état de santé de Mme B..., qui souffre d'une pathologie cancéreuse pour laquelle elle a subi une intervention chirurgicale en France le 29 janvier 2019 et s'est vue administrer un traitement par chimiothérapie puis par radiothérapie entre le 27 mars 2019 et le 14 novembre 2019, nécessitait, à la date de la décision attaquée, un traitement d'hormonothérapie devant être poursuivi sur plusieurs années, à base de létrozole, et un suivi radiologique et échographique régulier. Mme B... ne conteste pas qu'il lui est possible d'avoir un accès effectif, en Algérie, aux examens d'imagerie requis par son état de santé ainsi qu'à la molécule du médicament constituant son traitement à la date de la décision contestée. La légalité d'une décision s'appréciant à la date à laquelle elle a été prise, la requérante ne saurait dès lors utilement soutenir que, postérieurement à la décision attaquée, un nouveau traitement lui a été prescrit en raison d'une allergie médicamenteuse. Au surplus et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas du certificat du 26 novembre 2020, que le traitement qui a été administré à Mme B... postérieurement à l'arrêté litigieux ne serait pas effectivement disponible en Algérie. Enfin, la circonstance que les soins susceptibles d'être apportés en Algérie à Mme B... ne seraient pas équivalents à ceux offerts en France est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., célibataire et sans enfant, est entrée en France le 29 octobre 2017 à l'âge de soixante-et-un ans. Elle n'établit pas avoir noué des attaches particulières sur le territoire français ni ne justifie être isolée dans son pays d'origine, où elle a vécu la majeure partie de sa vie. En outre, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le maintien sur le territoire national de la requérante n'est pas une condition nécessaire au traitement de sa pathologie. Dès lors, compte tenu notamment de la brièveté et des conditions du séjour en France de l'intéressée, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elle poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par suite être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix-jours :
6. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire.
7. En deuxième lieu, si Mme B... soutient que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux développés au point 3.
8. En troisième lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée, doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
9. Il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, Mme B... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.
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N° 21LY01280