Par requête enregistrée le 3 juin 2021, Mme A... et M. D..., représentés par Me Mathis, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il rejette leurs demandes dirigées contre les arrêtés du 7 janvier 2021, ainsi que lesdits arrêtés ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les obligations de quitter le territoire méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle ;
- la fixation du pays de destination est illégale à raison de l'illégalité des obligations de quitter le territoire ; elle méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les interdictions de retour sont insuffisamment motivées et méconnaissent le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.
Mme A... et M D... ont été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Mme A... et M. D... ayant été régulièrement avertis du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Arbarétaz, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire :
1. Mme A... et M. D... et leurs deux enfants mineurs vivent en France en situation irrégulière depuis environ trois ans à la date des arrêtés litigieux tandis que rien ne fait obstacle à ce qu'ils poursuivent leur vie familiale en Albanie, où ils n'établissent pas encourir de risques en se bornant à invoquer des considérations générales sur les mœurs de la société traditionnelle. Il suit de là que l'obligation de quitter le territoire n'a pas porté d'atteinte excessive à leur droit de mener une vie privée et familiale normale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'a pas lésé l'intérêt supérieur de leurs enfants, protégé par l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant, et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle.
En ce qui concerne la fixation du pays de destination :
2. L'exception d'illégalité des obligations de quitter le territoire doit être écartée par les motifs du point 1.
3. Aux termes du dernier alinéa des dispositions alors codifiées à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ". Aux termes de cet article : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et aux termes de l'article 2 de la même convention : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) ". Or, Mme A... et M. D... n'établissent pas, ainsi que les dispositions précitées de l'article L. 513-2 leur en attribuent la charge, la réalité des risques qu'ils allèguent encourir personnellement en Albanie en raison de violences familiales. Il suit de là qu'ils ne sont pas fondés à soutenir que la fixation du pays de destination les exposerait à des risques de traitements inhumains ou dégradants.
4. Sous réserve des risques encourus visés par les dispositions alors codifiées à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions alors codifiées au II de l'article L. 511-1 du même code font obligation au préfet d'éloigner les intéressés vers le pays dont ils sont ressortissants ou un État tiers où ils seraient admissibles, ce qui exclut toute appréciation de sa part. Il suit de là que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, dirigé contre la désignation de l'Albanie comme pays à destination est dépourvu de portée utile et doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne les interdictions de retour d'un an :
5. Il se déduit de la lecture des arrêtés litigieux que les interdictions de retour d'un an ont été prononcées en considération de l'absence d'attaches de Mme A... et M. D... sur le territoire. Ce motif, énoncé de manière suffisamment explicite pour satisfaire à l'exigence de motivation des dispositions alors codifiées au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, suffisait à permettre au préfet, sans méconnaissance de ces dispositions, d'user de la faculté de prononcer une interdiction de retour. L'absence d'antécédent en matière d'éloignement et de risque d'atteinte à la sécurité publique, qui ne faisait pas obstacle à l'édiction de la mesure, a nécessairement été prise en compte pour en moduler la durée à la moitié du plafond.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés du 7 janvier 2021 par lesquels le préfet de la Savoie les a obligés à quitter le territoire sous trente jours, a fixé le pays de destination et les a interdits de retour sur le territoire pendant un an. Les conclusions de leur requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées.
7. Les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 par Mme A... et M. D..., parties perdantes, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... et M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à M. C... D....
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.
Le président, rapporteur,
Ph. Arbarétaz
Le président assesseur,
Ph. Seillet
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01800
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