Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2020, Mme E..., représentée par la SELARL BS2A Bescou et D... avocats associés, agissant par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1908512 du 23 juin 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- elle ne s'est pas désistée de sa demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant malade ; cette demande n'a pas été instruite ; le rapport médical à remplir par un médecin agréé et à adresser au médecin de l'agence régionale de santé ne lui a pas été transmis ; le préfet a ainsi entaché sa décision d'une erreur de fait et n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de l'examen de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 septembre 2020, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante algérienne née le 7 avril 1971, est entrée en France le 23 octobre 2013, sous couvert d'un visa de court séjour, accompagnée de deux de ses enfants mineurs. Elle s'est vue délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d'enfant malade valable du 11 septembre 2014 au 10 mars 2015. Par arrêté du 12 septembre 2019, le préfet de la Loire a refusé de faire droit à sa demande d'admission au séjour, qu'il a regardée comme présentée le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que du b) et du e) de l'article 7 de cet accord, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. Mme E... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier. A cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté ".
3. Mme E... fait valoir que le préfet de la Loire n'a pas examiné la demande d'admission au séjour qu'elle avait présentée en qualité de parent d'enfant malade. Toutefois, il ressort des pièces du dossier de première instance que, le 2 juin 2015, Mme E... a indiqué au préfet de la Loire qu'elle renonçait à la demande qu'elle avait présentée sur ce fondement et alors en cours d'instruction, au motif que son fils était guéri et qu'il n'avait plus de problèmes de santé. Si, par un courrier daté du 23 décembre 2015, l'intéressée a précisé que l'état de santé de son fils nécessitait toujours à cette date une surveillance médicale pour une durée indéterminée, elle a réitéré l'affirmation selon laquelle celui-ci était guéri. Au demeurant, ni ce courrier du 23 décembre 2015 ni le certificat médical du même jour qui y était joint, ne font état de la nécessité pour le fils de la requérante de poursuivre une surveillance médicale ou des soins sur le territoire français. Au vu de ces indications données par Mme E... au préfet, il ne ressort pas des pièces du dossier que celle-ci aurait, par le courrier du 23 décembre 2015 ou par d'autres éléments produits postérieurement au cours de l'instruction de sa demande, entendu à nouveau solliciter son admission au séjour au regard de l'état de santé de son fils mineur. Dès lors, Mme E... ne peut utilement soutenir que le préfet ne lui a pas remis le dossier prévu au second alinéa de l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016. Par suite, le préfet de la Loire a pu estimer, sans entacher sa décision d'une erreur de fait, que Mme E... avait expressément renoncé à la demande d'admission au séjour qu'elle avait présentée initialement à ce titre.
4. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas des termes de l'arrêté contesté, que le préfet de la Loire aurait pris la décision contestée sans procéder à un examen sérieux de la situation de Mme E... au regard de l'ensemble des éléments portés à sa connaissance par l'intéressée.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. Mme E... fait valoir qu'elle est entrée en France en 2013 avec deux de ses enfants, dont l'état de santé de l'un d'eux implique le recours à la lithotritie extracorporelle, qu'elle est séparée de son époux et sans nouvelle de son fils majeur, tous deux demeurés en Algérie, et qu'elle dispose d'une promesse d'embauche. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. En l'espèce, Mme E... ne soutient pas, ni même n'allègue, que l'état de santé de son fils B... requerrait, à la date de la décision attaquée, des soins ou une surveillance dont il ne pourrait pas bénéficier effectivement dans son pays d'origine, alors au demeurant que le certificat médical versé au débat, daté du 13 novembre 2019, indique qu'à cette date, postérieure à la décision contestée, seule une surveillance uro-néphrologique était nécessaire. Si Mme E... se prévaut de son engagement en qualité de parent d'élève et d'une promesse d'embauche, ces circonstances ne démontrent pas une intégration particulière dans la société française. En outre, la requérante, qui a indiqué le 16 septembre 2019 que son époux et son fils aîné vivaient en Algérie, ne justifie pas, par ses seules allégations, être séparée depuis deux ans de son conjoint ni ne plus avoir de nouvelles de son fils, lequel l'avait rejoint temporairement sur le territoire français. Ainsi, rien ne fait obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue en Algérie, avec ses deux enfants mineurs, âgés de quinze et neuf ans à la date de l'arrêté contesté et scolarisés respectivement en classe de seconde et de deuxième année de cours élémentaire. Il n'est pas établi que, compte tenu de leur âge, ses enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Algérie ni que le plus jeune d'entre eux ne maîtriserait pas la langue arabe. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elle poursuit. Dès lors, cette décision n'a méconnu ni les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Loire, dont la décision opposée à la requérante n'a ni pour objet, ni pour effet de la séparer de ses enfants, n'a pas porté, à l'intérêt supérieur de ceux-ci, une atteinte méconnaissant les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
7. En quatrième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. Cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
8. En l'espèce, pour les motifs qui ont été exposés au point 6, le préfet de la Loire n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée en refusant de l'admettre au séjour dans le cadre de son pouvoir de régularisation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé que Mme E... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
10. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le maintien sur le territoire national des enfants de la requérante n'étant pas une condition nécessaire à la poursuite de leur scolarité ni au traitement de la pathologie du jeune B..., le préfet de la Loire, en édictant la mesure d'éloignement contestée, n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
11. En troisième lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, que Mme E... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, Mme E... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
2
N° 20LY01812