Par une requête enregistrée le 18 mars 2020, Mme D..., représentée par la SELARL BS2A A... et Sabatier avocats associés, agissant par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1907019 du 25 février 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné du préfet du Rhône du 8 août 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle en estimant qu'elle pourrait bénéficier d'une mesure de regroupement familial alors que son époux ne remplit pas la condition de ressources exigée ;
- la décision contestée est, pour ce même motif, entachée d'une erreur de fait ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle est illégale en ce qu'elle repose sur une décision elle-même illégale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 22 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante algérienne née le 18 juin 1961, est entrée le 1er août 2013, par l'Espagne, dans l'espace couvert par la convention d'application de l'accord de Schengen, et déclare, sans en justifier, s'être rendue le même jour sur le territoire français. Le 19 septembre 2016, son époux a sollicité, à son bénéfice, le regroupement familial, qui lui a été refusé par une décision du préfet du Rhône du 26 juillet 2017, motif pris de ce que l'intéressée séjournait en France démunie de titre de séjour, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 juin 2018, devenu définitif. Elle a sollicité, le 3 décembre 2018, la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le 8 août 2019, le préfet du Rhône lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la reconduite. Mme D... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an, sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1- Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) ".
3. Mme D..., qui a épousé un compatriote titulaire d'une carte de résident, entre dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial, sans qu'ait d'incidence sur cette faculté la modestie alléguée des revenus de son époux. Au demeurant, l'autorité administrative n'est, eu égard au pouvoir d'appréciation dont elle dispose, jamais tenue de refuser à un étranger le bénéfice du regroupement familial pour le motif tiré de ressources insuffisantes. Dès lors, en indiquant, dans les motifs de la décision en litige, que Mme D... " relève de la procédure de regroupement familial dont il n'est pas prouvé que sa mise en oeuvre serait impossible ", le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur de fait.
4. En deuxième lieu, la requérante réitère en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance à l'encontre du refus de titre de séjour en litige et tiré du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon.
5. En troisième lieu, Mme D... étant, ainsi qu'il a été dit au point 3, au nombre des étrangers relevant du regroupement familial, elle ne saurait, dès lors, se prévaloir utilement des dispositions du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Mme D... se prévaut de la durée de son séjour en France ainsi que de son mariage en 2007 avec un compatriote titulaire d'une carte de résident de dix ans, avec lequel elle vit depuis son entrée sur le territoire français le 1er août 2013. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie familiale. Si la requérante se prévaut de son état de santé ainsi que de celui de son époux, elle n'établit pas, ni même n'allègue, qu'ils ne pourraient pas bénéficier de soins appropriés dans leur pays d'origine. Rien ne fait obstacle, eu égard à leur nationalité commune, à ce qu'ils poursuivent leur vie en Algérie, pays dans lequel l'intéressée a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-deux ans et où elle n'établit pas être dénuée d'attaches privées et familiales. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions de séjour de Mme D... et à la durée durant laquelle le couple a vécu séparément, la décision en litige ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'exercice de son pouvoir de régularisation ni d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé que Mme D... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
9. En second lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés au point 7, les moyens tirés de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressée, doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
10. En premier lieu, les moyens tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône obligeant Mme D... à quitter le territoire français étant écartés, la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire.
11. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ". Si Mme D... fait valoir la durée de sa présence en France et son état de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
12. Il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, que Mme D... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, Mme D... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 novembre 2020.
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N° 20LY01100