Par une requête enregistrée le 21 août 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2004189 du 4 août 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées du préfet de l'Isère du 27 juillet 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il contribue à l'éducation et à l'entretien de son enfant ;
- il entre dans le champ des stipulations du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'il est le père d'un enfant français résidant sur le territoire français, qu'il a reconnu dès sa naissance et sur lequel il exerce pleinement l'autorité parentale ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
- les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :
- elle est disproportionnée ;
S'agissant de l'assignation à résidence :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 octobre 2020, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- et les observations de Me A..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 25 novembre 1994, est entré en France au cours de l'année 2017 selon ses déclarations, de manière irrégulière. Le 18 janvier 2020, il a épousé une ressortissante française. De cette union est né, le 28 juin 2020, un enfant de nationalité française. Le 27 juillet 2020, M. B... a été convoqué par les services de police à la suite d'un dépôt de plainte de son épouse en raison de violences conjugales et a été placé en garde à vue. Par deux arrêtés du 27 juillet 2020, le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'une part, et l'a assigné à résidence pour une durée de six mois, renouvelable une fois. M. B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résident en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ".
3. Indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit, ou qu'une convention internationale stipule, que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
4. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne subordonne pas la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien à la condition que l'intéressé ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ne prive toutefois pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public.
5. M. B... fait valoir qu'il est père d'un enfant français, né le 28 juin 2020 et qu'il a reconnu à la naissance, sur lequel il exerce l'autorité parentale conjointement avec son épouse. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, le 12 février 2020, l'épouse de M. B... a déposé une plainte dans laquelle elle indique, en se prévalant d'éléments circonstanciés, avoir fait l'objet de violences répétées de la part du requérant depuis le mois de novembre 2019. A cet égard, un certificat médical établi à la suite d'une consultation du 6 février 2020 relève la présence d'une cicatrice récente de 8 centimètres dans le dos de Mme B... et compatible avec les faits relatés par l'intéressée de coups donnés par son conjoint à l'aide d'une chaise. A la suite de ces faits, l'épouse du requérant a quitté le domicile conjugal au cours du mois de février 2020 pour rejoindre un foyer. M. B... n'a pas sérieusement contesté ces faits. En outre, à l'occasion de son audition par les services de police lors de sa garde à vue, M. B... a lui-même indiqué avoir commis des faits de vol à Paris. Dans ces conditions, sa présence en France constituant une menace pour l'ordre public, M. B... n'établit pas qu'il remplirait les conditions de délivrance d'un certificat de résidence en application des stipulations du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre serait illégale pour ce motif.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. B... était séparé de son épouse depuis le mois de février 2020, ainsi qu'il a été dit au point 5. En se bornant à produire l'acte de naissance de son enfant, né le 28 juin 2020, une attestation de son épouse indiquant que M. B... est venu rendre visite à son fils à la maternité et a effectué quelques achats postérieurs à l'arrêté attaqué, il ne démontre pas la réalité des liens affectifs l'unissant à son enfant ni sa participation, à la date de la décision contestée, à son éducation et à son entretien depuis sa naissance. Il n'établit pas, ni même n'allègue être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Par suite, le préfet de l'Isère n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale sur les droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Isère n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé.
8. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère a entaché sa décision d'une erreur de fait en indiquant que M. B... n'établissait pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".
10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, M. B... n'établissant pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance, dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'obligeant à quitter le territoire français.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). La durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
12. Compte tenu des motifs mentionnés aux points 5 et 7, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de l'Isère aurait commis une erreur d'appréciation.
Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :
13. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 27 juillet 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
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N° 20LY02437