Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 février 2019, Mme D..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er février 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 octobre 2018 du préfet de l'Isère ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle réside habituellement en France depuis 2013 ; la circonstance qu'elle ait exécuté la mesure d'éloignement en 2015 n'est pas de nature à remettre en cause sa résidence habituelle en France ; elle est la mère d'un enfant mineur résidant habituellement en France né le 15 octobre 2008 en Algérie et cet enfant a davantage vécu en France qu'en Algérie ; il est scolarisé en France ; elle bénéficie d'un contrat à durée indéterminée ; elle dispose d'attaches amicales en France et est bien insérée ;
- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'intérêt du jeune C... est de vivre en France auprès de sa mère ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- cette décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les motifs précédemment évoqués ;
- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que C... est arrivé en France à l'âge de 4 ans et y est scolarisé ; il ne s'exprime pas en langue arabe et ne peut poursuivre sa scolarité en Algérie ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
Mme D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante algérienne née le 31 mai 1975, déclare être entrée en France le 22 décembre 2012. Le 22 juin 2013, elle s'est mariée avec un ressortissant français. Le 18 juillet 2013, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par décisions du 11 février 2014, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble le 24 juin 2014 et par un arrêt de la cour administrative d'appel du 8 janvier 2015, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français. Après avoir exécuté la mesure d'éloignement prise à son encontre le 24 mars 2015, elle est à nouveau entrée en France le 8 août 2015 sous couvert d'un visa portant la mention " famille de français ". Le préfet de l'Isère lui a délivré un titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français valable du 3 novembre 2015 au 2 novembre 2016. Le 28 novembre 2016, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 7 bis a) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par arrêté du 26 octobre 2018, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... relève appel du jugement du 1er février 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur la légalité du refus de renouvellement de son titre de séjour :
2. Mme D... fait valoir qu'elle réside habituellement en France depuis 2013 et y a noué des attaches amicales et qu'elle travaille sous contrat à durée indéterminée, qu'elle est la mère d'un enfant mineur résidant en France depuis l'âge de ses quatre ans qui est scolarisé en France. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. En l'espèce, M. et Mme D..., qui s'étaient mariés le 22 juin 2013, se sont séparés le 11 août 2017 et M. D... a formé une demande de divorce qui a abouti à une ordonnance de non conciliation le 15 mars 2018. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents, son frère et son deuxième enfant né en 2006. Il n'est pas établi que son fils, C..., né en 2008 en Algérie, scolarisé en école élémentaire, ne pourrait pas être scolarisé en Algérie, pays dont il a la nationalité. Enfin les circonstances que Mme D... a été embauchée par un contrat à durée indéterminée et qu'elle a tissé des liens amicaux depuis son entrée sur le territoire français ne sont pas de nature à lui conférer un droit au séjour. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de son séjour en France, la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que ce refus méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. La décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :
3. Il résulte de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour que la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.
4. Pour les motifs qui ont été exposés au point 2, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée en lui faisant obligation de quitter le territoire.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
5. Les moyens invoqués contre le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, Mme D... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi prise à son encontre.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... née E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Drouet, président de la formation de jugement,
Mme A..., premier conseiller,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 novembre 2019.
Le rapporteur,
R. A...
Le président,
H. DrouetLe greffier,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
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N° 19LY00747
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