Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2020, M. A... B..., représenté par Me Blanc, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2006873 du 24 novembre 2020 de la magistrate déléguée par le président du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Savoie du 17 novembre 2020 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est entré en France en 2013, vit maritalement depuis 2018 avec une ressortissante française devant accoucher en mars 2021 d'un enfant dont il a reconnu la paternité par anticipation le 23 novembre 2020 ;
- la décision refusant d'accorder un délai de départ est entachée d'illégalités tenant à ce qu'il lui est reproché à tort de ne pas avoir exécuté une mesure d'éloignement prise le 13 février 2018, alors qu'il n'a pas reçu d'ordre de départ, à ce qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public eu égard à la seule condamnation du tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains pour des faits de vol en réunion, à l'absence de conduite sans permis de conduire et à l'usage de produits stupéfiants et à ce qu'il présente des garanties de représentation suffisantes au vu de son domicile ;
- la décision portant interdiction de retour est illégale pour erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la naissance attendue de son enfant ;
- la décision portant assignation à résidence est illégale pour insuffisance de motivation et compte tenu des garanties de représentation dont il justifie.
Par décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 24 février 2021, la caducité de la demande de M. B... a été constatée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 17 novembre 2020, le préfet de la Haute-Savoie a obligé M. A... B..., né le 17 février 1985 en Algérie, à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et en lui interdisant de retourner sur le territoire national pendant six mois. Par arrêté du même jour, le préfet a assigné à domicile l'intéressé. Par un jugement du 24 novembre 2020, dont M. B... relève appel, la magistrate déléguée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Si M. B... fait valoir qu'il est entré régulièrement en France en 2013 muni d'un visa espagnol, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré sur le territoire national et s'y est maintenu de façon frauduleuse en usant d'une fausse identité sous laquelle il a fait l'objet de deux mesures d'éloignement, les 3 août 2015 et 2 février 2017, auxquelles il n'a pas déféré. S'il fait valoir qu'il vit maritalement avec une ressortissante française, laquelle était enceinte de ses œuvres à la date de la décision attaquée, il ne justifie pas de l'existence d'une communauté de vie avec celle-ci remontant à 2018 comme il l'allègue, la seule attestation d'hébergement produite par le requérant indiquant un domicile commun à compter de mai 2020. Il ne peut utilement faire valoir que le 23 novembre 2020, il a reconnu par anticipation la paternité de l'enfant à naitre, une telle circonstance étant postérieure à la décision attaquée. Le requérant n'est pas dénué de toute attache familiale en Algérie où vit la plupart des membres de sa famille et où il a vécu jusqu'à, au moins, l'âge de vingt-huit ans. M. B... a fait l'objet d'une condamnation pénale selon jugement du tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains du 5 juillet 2018 pour des faits de vol en réunion et a été intercepté le 23 octobre 2020 au volant d'une voiture, sans permis de conduire et sous l'empire de stupéfiants. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte manifestement disproportionné à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant la décision attaquée.
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
4. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays (...) où il est légalement admissible. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. (...) ".
5. Si M. B... fait valoir que la seule condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains et son interpellation le 23 octobre 2020 au volant d'une voiture, sans permis de conduire et sous l'empire de stupéfiants, ne caractérisent pas une menace à l'ordre public, il ne conteste pas avoir fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement les 3 août 2015 et 2 février 2017 alors qu'il résidait en France sous une fausse identité, et le 13 février 2018, alors même qu'il n'aurait pas reçu un ordre de départ. Dès lors, sur ce seul motif, le préfet de la Haute-Savoie était fondé à prendre la décision querellée.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, et eu égard à la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet dans l'appréciation de circonstances humanitaires dont se prévaut le requérant, et notamment la naissance de son enfant prévue en mars 2021, doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant assignation à domicile
8. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; ".
9. D'une part, l'arrêté du 23 juillet 2019 assignant à domicile M. B... comporte les motifs de droit et de fait qui le fondent et est dès lors suffisamment motivé.
10. D'autre part, si M. B... fait valoir qu'il justifie d'un domicile stable, il découle du point 5 que l'intéressé n'a pas déféré à deux mesures d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'existence de garanties de représentation ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Haute-Savoie du 17 novembre 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, également, être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition par le greffe le 30 septembre 2021.
N° 20LY03773 5