Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2016, présentée pour M. B...A..., domicilié..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1401670 du 18 février 2016 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet du Puy-de-Dôme a commis un détournement de pouvoir dès lors qu'il a examiné sa situation non pas au regard des stipulations de l'article 7 bis g) de l'accord franco-algérien, sur le fondement desquelles avait été présentée la demande de titre de séjour, mais sur celles de l'article 6 du même accord ;
- la décision en litige a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été invité à présenter des observations, en violation des dispositions de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le préfet n'a pas suivi l'avis favorable de la commission du titre de séjour ;
- la décision a méconnu les stipulations de l'article 7 bis g) de l'accord franco-algérien dès lors qu'il démontre exercer l'autorité parentale sur son enfant Maryam et sur ses deux autres enfants issus d'une précédente union, de nationalité française ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, au taux de 55%, par une décision du 6 avril 2016, du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2016 le rapport de M. Seillet, président-assesseur.
1. Considérant que M. A..., né le 25 juin 1970 en Algérie, pays dont il a la nationalité, est, le 15 avril 2000, muni d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour, entré une première fois en France où il a épousé, le 16 juin 2001, Mme H...E..., ressortissante française ; qu'après être retourné en Algérie pour obtenir un visa de long séjour, qui lui a été accordé en décembre 2001, il s'est vu délivrer un certificat de résidence algérien de dix ans en sa qualité de conjoint d'une Française ; qu'à la suite de son mariage avec MmeE..., M. A... a souscrit, le 18 décembre 2002, une déclaration d'acquisition de la nationalité française, dont l'enregistrement a toutefois été annulé par un jugement du 2 mars 2006 du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand confirmé par un arrêt du 27 mars 2007 de la cour d'appel de Riom, au motif d'une fraude, eu égard à la cessation de la communauté de vie des époux dans le délai d'un an à compter de l'enregistrement de la demande d'acquisition de la nationalité ; que M. A... a été condamné, le 2 avril 2003, par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Riom, à une peine de quinze jours d'emprisonnement avec sursis et suspension de son permis de conduire pendant huit mois, pour des faits caractérisant un délit de fuite, puis le 13 février 2008, par la même cour d'appel, à une peine de deux ans et six mois d'emprisonnement pour des faits de trafic de stupéfiants et de contrebande de marchandises prohibées, commis courant 2005 jusqu'en février 2006 ; que par un jugement du 1er avril 2010 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, le divorce a été prononcé entre M. A... et MmeE... ; que M. A... s'est ensuite marié, le 2 octobre 2010, avec Mme C...G..., également de nationalité française ; que par un arrêté du 17 février 2011, le préfet du Puy-de-Dôme a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée le 3 décembre 2010 par M. A... en sa qualité de conjoint d'une Française ; que la demande d'annulation de cette décision préfectorale a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 7 juin 2011, puis par un arrêt de la cour du 15 mars 2012 ; que de l'union libre de M. A... et de Mme D...F...sont nés en France, le 13 janvier 2012, deux enfants, Gabriel Anas et Lilya Yasmina, de nationalité française, reconnus par leurs deux parents le 16 décembre 2011 ; qu'une autre enfant, Maryam, également de nationalité française, issue de l'union de M. A... et de son épouse Mme G..., est née en France le 30 mars 2013 ; que M. A... s'est vu délivrer, le 16 janvier 2013, un certificat de résidence d'une durée d'un an ; que M. A... a présenté, le 27 novembre 2013, une demande de délivrance d'un certificat de résidence de dix ans en se prévalant de sa qualité d'ascendant direct d'enfants français, sur le fondement de l'article 7 bis g) de l'accord franco-algérien susvisé ; qu'après avoir sollicité l'avis de la commission du titre de séjour, qui a été rendu le 14 mai 2014, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé, par une décision du 21 août 2014, de délivrer à M. A... un certificat de résidence de dix ans mais lui a délivré un certificat de résidence d'un an, sur le fondement des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé ; que M. A... fait appel du jugement du 18 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision du 21 août 2014 du préfet du Puy-de-Dôme en tant qu'elle a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat de résidence de dix ans ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : / (...) / g) Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins, à l'échéance de son certificat de résidence d'un an " ; qu'aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français " ; qu'aux termes de l'article 372 du même code : " Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale. Toutefois, lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un d'entre eux plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale. Il en est de même lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l'égard du second parent de l'enfant. (...)" ; qu'aux termes de l'article 373 du code : " Est privé de l'exercice de l'autorité parentale le père ou la mère qui est hors d'état de manifester sa volonté, en raison de son incapacité, de son absence ou de toute autre cause " ; qu'aux termes de l'article 373-1 du code : "Si l'un des père et mère décède ou se trouve privé de l'exercice de l'autorité parentale, l'autre exerce seul cette autorité " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte des stipulations précitées de l'article 7 de l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968 que le respect de la condition qu'elles posent, tenant à l'exercice même partiel de l'autorité parentale, n'est pas subordonné à la vérification de l'effectivité de l'exercice de cette autorité ; que lorsque le demandeur d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations précitées de l'article 7 de l'accord franco-algérien est titulaire de l'autorité parentale à l'égard d'un enfant de nationalité française, la délivrance du titre de séjour n'est pas soumise à la condition supplémentaire que le demandeur subvienne effectivement aux besoins de l'enfant ; qu'il n'est pas contesté que, en application des dispositions précitées de l'article 372 du code civil, M. A... dispose de l'autorité parentale sur ses enfants nés en France et de nationalité française ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier, et en particulier des factures d'achat d'articles de puériculture et de produits alimentaires pour enfants ou nourrissons que présente M. A..., lequel se prévaut également d'attestations de ses proches, qu'il remplit ses fonctions de père auprès des enfants issus de ses relations avec Mme D...F... ; qu'au demeurant, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas contesté qu'il subvient effectivement aux besoins de ces enfants, se bornant, en première instance, à contester la justification de sa contribution à l'éducation et aux besoins de la seule enfant Maryam née le 30 mars 2013 ; qu'ainsi, à la date de la décision contestée, M. A... était titulaire de l'autorité parentale sur ses enfants français, mais en outre, et en tout état de cause, devait être regardé comme justifiant de ce qu'il subvenait effectivement aux besoins de ses deux enfants de nationalité française, Gabriel Anas et Lilya Yasmina, résidant en France, issus de son union avec Mme D...F...;
4. Considérant, d'autre part, qu'il appartient, en principe, à l'autorité administrative de délivrer, lorsqu'elle est saisie d'une demande en ce sens, un titre de séjour à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui remplit les conditions prévues par les stipulations sur lesquelles est fondée sa demande ; qu'elle ne peut opposer un refus à une telle demande que pour un motif d'ordre public suffisamment grave pour que ce refus ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur ; que, sur un tel fondement, elle peut prendre en compte le fait qu'un demandeur a été impliqué dans des crimes graves contre les personnes et que sa présence régulière sur le territoire national, eu égard aux principes qu'elle mettrait en cause et à son retentissement, serait de nature à porter atteinte à l'ordre public ; que si le préfet du Puy-de-Dôme se prévaut des condamnations prononcées à l'encontre de M. A... par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Riom, le 2 avril 2003, à une peine de quinze jours d'emprisonnement avec sursis et suspension de son permis de conduire pendant huit mois, pour des faits caractérisant un délit de fuite, puis le 13 février 2008, à une peine de deux ans et six mois d'emprisonnement pour des faits de trafic de stupéfiants et de contrebande de marchandises prohibées, commis courant 2005 jusqu'en février 2006, il ne soutient ni même n'allègue que la présence régulière de M. A... sur le territoire national, eu égard aux principes qu'elle mettrait en cause et à son retentissement, serait de nature à porter atteinte à l'ordre public, alors d'ailleurs que le même préfet a, le 16 janvier 2013, délivré à M. A... un certificat de résidence d'une durée d'un an, puis a renouvelé ce titre, pour la même durée, le 21 août 2014 ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que la décision du 21 août 2014 du préfet du Puy-de-Dôme, en tant qu'elle a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat de résidence de dix ans, méconnaît les stipulations précitées de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Habiles, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 000 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 1401670 du 18 février 2016 et la décision du 21 août 2014 du préfet du Puy-de-Dôme en tant qu'elle a rejeté la demande de délivrance d'un certificat de résidence de dix ans présentée par M. A... sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me Habiles la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Beytout, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.
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N° 16LY00990