Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 mai 2015, présentée pour la société Esmod, dont le siège social est 87 rue de Sèze à Lyon (69006), il est demandé à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance n° 1503412 du 16 avril 2015 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler la lettre susmentionnée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a considéré, pour l'application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, que la décision du recteur présentait le caractère d'une mesure préparatoire ne faisant pas grief, alors que le courrier du recteur de l'académie de Lyon n'était pas un préalable obligatoire en vue de l'édiction de la liste des établissements bénéficiant du produit de la taxe d'apprentissage par le préfet de région, et qu'au moment de la réception du courrier du recteur elle ne pouvait avoir connaissance de la décision à intervenir, encore moins de l'éventuel caractère préparatoire de cette décision, qui la privait d'un droit de perception dont elle bénéficiait jusqu'alors ;
- l'ordonnance attaquée est irrégulière en ce qu'elle rejette incidemment la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), dès lors qu'en conditionnant le sort de la QPC à celui du recours en annulation qui a été jugé irrecevable, le tribunal a ajouté une condition nouvelle de recevabilité de la QPC ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée en ce qu'elle infère du simple fait qu'elle est une SA qu'elle poursuivrait un but lucratif et qu'elle ne devait plus figurer sur les listes ;
- l'exclusion du système de la perception de la taxe d'apprentissage des écoles exploitées par des personnes morales de droit privé à but lucratif est contraire aux règles et principes constitutionnels suivants : la liberté de l'enseignement supérieur, la liberté d'entreprendre, le principe d'égalité et le principe d'égalité devant les charges publiques ; la loi n° 2014-288, prise en son article 19, en ce qu'il est codifié aux articles L. 6241-8 et L.6241-9 du code du travail, est donc contraire à la Constitution ;
Par un mémoire distinct, enregistré le 21 mai 2015, la société Esmod demande à la Cour, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 581067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat, aux fins de renvoi au Conseil constitutionnel, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 62419 5°) et
L. 6241-10 1°) du code de du travail issus de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014.
Elle soutient que la disposition contestée est applicable au litige, qu'elle n'a jamais été déclarée conforme et que la question présente un caractère sérieux, au regard de la violation par les dispositions contestées des libertés de l'enseignement supérieur, de la liberté d'entreprendre et du principe d'égalité.
Par un mémoire enregistré le 9 juin 2015, la société Esmod demande à la cour de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat ait pu se prononcer sur la recevabilité de la transmission au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité des dispositions de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, en ce qu'elle modifie les articles L. 6241-9 5°) et L. 6241-10 1°) du code du travail.
Par un mémoire enregistré le 10 septembre 2015, la société Esmod demande à la cour de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel statue sur la question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité des dispositions de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, qui lui a été transmise par le Conseil d'Etat le 22 juillet 2015.
Par un mémoire enregistré le 30 décembre 2015, la société Esmod demande à la cour de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne sur le point de savoir si la liberté d'entreprendre, consacrée par l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux, permet un traitement différencié des établissements d'enseignement supérieur, au regard de la structure juridique de leur établissement gestionnaire.
Elle soutient, en outre, que la cour ne pourra que rendre inapplicable, et par conséquent écarter, la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, eu égard à l'inconventionnalité de la loi sur laquelle repose la décision initiale, dans la mesure où elle est constitutive d'une violation des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prohibent la discrimination.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le code de l'éducation ;
- l'article L. 6241-9 du code du travail ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-496 QPC du 21 octobre 2015 ;
- le code de justice administrative.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.
La société Esmod a été régulièrement avertie du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 11 février 2016 :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.
1. Considérant que, par une lettre du 18 décembre 2014, adressée en réponse à une demande formulée le 17 novembre 2014 par la société Esmod, laquelle exploite un établissement d'enseignement supérieur, le recteur de l'académie de Lyon a informé cette société de ce que les formations qu'elle dispensait n'étaient pas éligibles à l'inscription sur la liste des formations technologiques et professionnelles dispensées hors du cadre de l'apprentissage et ouvrant droit à perception d'une part de la taxe d'apprentissage ; que la société Esmod fait appel de l'ordonnance du 16 avril 2015 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté, comme manifestement irrecevable, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de cette lettre du 18 décembre 2014 du recteur de l'académie de Lyon ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 6241-9 du code du travail : " Sont habilités à percevoir la part de la taxe d'apprentissage correspondant aux dépenses mentionnées au 1° de l'article L. 6241-8 : (...) 5° Les établissements privés relevant de l'enseignement supérieur gérés par des organismes à but non lucratif ; (...)" ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 6241-10 du même code : " Chaque année, après concertation au sein du bureau mentionné à l'article L. 6123-3, un arrêté du représentant de l'Etat dans la région fixe la liste des formations dispensées par les établissements mentionnés à l'article L. 6241-9 et des organismes et services mentionnés aux 1° à 5° du présent article, implantés dans la région, susceptibles de bénéficier des dépenses libératoires mentionnées au premier alinéa de l'article L. 6241-8. " ; qu'aux termes de l'article R. 6241-3 : " L'arrêté du représentant de l'Etat dans la région mentionné à l'article L. 6241-10 est publié au plus tard le 31 décembre de l'année au titre de laquelle la taxe d'apprentissage est due. Il comporte la liste des formations, des organismes et des services ouverts ou maintenus pour l'année suivante. " ;
3. Considérant que les listes établies par les services de l'Etat, dont les rectorats d'académie, des formations susceptibles d'être mentionnées dans l'arrêté pris chaque année par le préfet de région pour la détermination de celles reconnues comme dispensées par les établissements mentionnés à l'article L. 6241-9 du code du travail, et habilités à percevoir la part de la taxe d'apprentissage, sont des éléments de la procédure d'élaboration dudit arrêté préfectoral ; que ces propositions ont ainsi, quelle que soit la procédure dans laquelle elles s'inscrivent, le caractère d'actes préparatoires ne constituant pas par eux mêmes des décisions faisant grief ; que le préfet de région n'est d'ailleurs pas lié par ces propositions lorsqu'il prend l'arrêté dont s'agit, lequel, seul, peut être contesté par la voie du recours pour excès de pouvoir ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la lettre adressée le 18 décembre 2014 par le recteur de l'académie de Lyon, en réponse à une demande formulée le 17 novembre 2014 par la société Esmod, doit être regardée, non pas comme révélant une décision ayant, par elle-même, pour effet de refuser l'inscription des formations assurées par cette société sur la liste de celles mentionnées à l'article L. 6241-9 du code du travail, mais comme exprimant l'intention du recteur de ne pas proposer leur inscription sur ladite liste ; que, dès lors, cette lettre, qui n'avait d'autre effet que d'informer la société Esmod de l'avancement de la procédure d'élaboration de l'arrêté du préfet de région, ne constituait pas une décision faisant grief ; que la demande présentée par la société Esmod tendant à l'annulation de ladite lettre n'était, dès lors, pas recevable ; que, par suite, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lyon, qui n'était pas non plus tenu de se prononcer sur la transmission au Conseil d'Etat pour renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce que les dispositions de l'article L. 6241-9 du code du travail porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, a pu, sans méconnaître les dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeter comme manifestement irrecevable la demande de la société Esmod tendant à l'annulation de la lettre du recteur de l'académie de Lyon du 18 décembre 2014 ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin pour la cour de se prononcer sur la transmission au Conseil d'Etat pour renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité sus évoquée, alors au surplus que les dispositions litigieuses ont été déclarées conformes à la Constitution par la décision susvisée du 21 octobre 2015 du Conseil constitutionnel, ni de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la société Esmod n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Esmod est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Esmod et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Délibéré après l'audience du 11 février 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mars 2016.
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N° 15LY01644