Par un jugement n° 1502698 du 23 mars 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2015, présentée pour M. A...B..., domicilié..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1502698 du tribunal administratif de Lyon du 23 mars 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il ne pouvait faire légalement l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il justifiait de sa résidence habituelle en France depuis 2001 et remplissait ainsi les conditions prévues par l'article 6-1er de l'accord franco-algérien pour se voir délivrer de plein droit un certificat de résidence ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que sa pathologie psychiatrique ne peut être prise en charge d'une manière effective dans le pays dont il possède la nationalité ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'essentiel de ses attaches familiales et de sa vie privée se trouvent en France, où résident trois de ses frères dont l'un possède la nationalité française ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, dès lors que le préfet ne démontre pas une menace à l'ordre public ou un risque de fuite ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de placement en rétention administrative a été prise en violation des articles L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de perspective raisonnable d'exécution de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire, enregistré le 31 décembre 2015, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses moyens de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique du 14 janvier 2016 le rapport de M. Seillet, président-assesseur.
1. Considérant que M. B..., ressortissant algérien né le 16 février 1967 en Algérie, a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière du 14 octobre 1988, avant de revenir en France, selon ses déclarations, le 13 septembre 1999 puis de faire l'objet d'une procédure de réadmission en Allemagne, et de revenir de nouveau, en mars 2000, en France ; que sa demande d'asile territorial a été rejetée par une décision du ministre de l'intérieur du 30 juillet 2002 notifiée par une décision du préfet du Rhône du 13 septembre 2002, par laquelle ledit préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et contre laquelle il a formé un recours rejeté par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 janvier 2005 ; qu'il a ensuite sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ; que par des décisions du 27 février 2013 le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que le recours formé contre ces décisions a été rejeté par jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 juin 2013 confirmé par un arrêt de la cour du 27 mars 2014 ; qu'enfin, par des décisions du 19 mars 2015, le préfet du Rhône lui a, après son interpellation à l'occasion d'un contrôle d'identité, fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire et a ordonné son placement en rétention administrative ; que M. B... fait appel du jugement du 23 mars 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions préfectorales du 19 mars 2015 ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant, en premier lieu, qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ou d'une obligation de quitter le territoire français, un étranger ne peut faire l'objet d'une mesure ordonnant sa reconduite à la frontière ou prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;
4. Considérant que, pour justifier de sa présence en France au cours des dix années précédant la décision en litige, M. B... produit exclusivement, au titre des années 2002, 2006, 2008, 2009, 2011 et 2012, des factures relatives au rechargement de sa carte de transport, qui sont insuffisamment probantes pour établir sa résidence habituelle au cours de la période considérée, alors, en outre, qu'il ne produit aucun document relatif à l'année 2005 ; que, dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en vertu des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien, il bénéficierait d'un droit au séjour faisant obstacle à ce qu'il lui soit fait obligation de quitter le territoire français ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable, issue de la loi du 16 juin 2011 susvisée : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;
6. Considérant que M. B... a produit des pièces médicales attestant qu'à la suite d'une agression physique au mois de novembre 2013, qui lui a occasionné des blessures à la face, il présente un état dépressif et des tendances suicidaires, traités par un antidépresseur, un anxiolytique et un hypnotique ; que toutefois, les documents généraux sur l'état du système de santé en Algérie qu'il produit également ne sont pas de nature à démontrer qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans ce pays ; que, dès lors, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant, en dernier lieu, que les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés d'une violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doivent être écartés pour les motifs retenus par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter ;
Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, modifié par la loi du 16 juin 2011 susvisée, relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, qui a procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des dispositions de la directive du 16 décembre 2008 également susvisée, dite directive " retour " : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, comme il a été dit ci-dessus, M. B... n'a pas obtempéré à l'obligation de quitter le territoire du 27 février 2013 dont il a été l'objet, et s'est volontairement maintenu de manière irrégulière en France ; qu'en outre, le requérant, qui s'est borné sur ce point à produire une attestation d'hébergement établie par son frère, laquelle ne permet pas d'établir qu'il dispose effectivement d'un logement stable, ne justifie pas de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ; que, par suite, le préfet du Rhône n'a pas entaché sa décision refusant un délai de départ volontaire d'une erreur d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé en estimant qu'il n'y avait pas de circonstance particulière s'opposant à regarder le risque de fuite comme établi et qu'il existait un risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ;
10. Considérant, en second lieu, que l'intéressé se borne à reprendre, à l'encontre de la décision lui refusant un délai de départ volontaire, la même argumentation, tirée de l'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, que celle développée contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ; qu'ainsi, pour les mêmes motifs que ceux retenus dans le cadre de l'examen de la légalité de ladite décision, le moyen tiré de ce que la décision lui refusant un délai de départ volontaire méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision de placement en rétention :
11. Considérant que la seule circonstance, à la supposer établie, que le préfet du Rhône n'aurait pas démontré la réalité de la saisine du consulat d'Algérie en vue de la délivrance d'un laissez-passer ou des recherches de vols pour un réacheminement ne suffit pas à constater qu'il n'existait pas une perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement, alors même qu'elle n'a finalement pu être exécutée ; qu'ainsi qu'il a été dit, les pièces du dossier ne permettaient pas d'établir que M. B... disposait, à la date de la décision en litige, d'un logement effectif et stable alors qu'il ne justifiait pas de la possession d'un titre d'identité ; que, dès lors, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation quant à la nécessité ou à la proportionnalité de la mesure de placement en rétention administrative doivent être écartés ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 février 2016.
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N° 15LY01534
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