Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 octobre 2016, et un mémoire complémentaire enregistré le 14 mars 2017, la SCI AURI, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 juillet 2016 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler la décision de rejet de sa demande d'indemnisation préalable du 6 avril 2012 ;
3°) de condamner la commune de Villeneuve-de-Berg à lui verser la somme de 36 359,02 euros en réparation du préjudice subi avec intérêts de droit à compter de la réception de la demande préalable d'indemnisation, le 26 janvier 2012, et leur capitalisation ;
4°) de condamner la commune de Villeneuve-de-Berg à lui verser la somme de 1 000 euros, avec intérêts et capitalisation, à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
5°) de condamner la commune de Villeneuve-de-Berg à réaliser les travaux préconisés par le bureau d'étude, à savoir la déviation des eaux pluviales vers la route départementale n° 259 via la montée de la chapelle dans un délai de quatre mois à compter du prononcé de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai en application des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-de-Berg la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens ;
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le jugement notifié ne porte aucune signature manuscrite ;
- sur la compétence de la juridiction administrative : il ne s'agit pas d'indemniser et de remédier à une emprise irrégulière mais d'indemniser les désordres causés par l'aggravation de l'écoulement des eaux pluviales ; le juge judiciaire est désormais incompétent pour connaître de ce type de litige et ne pourrait juger l'intégralité de ses demandes ;
- elle a toujours effectué des déclarations de sinistre ;
- à titre principal, concernant la responsabilité sans faute de la commune : les dégâts ont été provoqués par le ruissellement des eaux de pluie sur le chemin communal dépourvu de tout ouvrage adapté d'évacuation des eaux pluviales ; la modification des eaux de ruissellement est due à des constructions et travaux entrepris ou autorisés par la commune ; l'article 640 du code civil interdit de modifier l'écoulement des eaux de ruissellement et d'aggraver l'obligation pour chacun de recevoir les eaux provenant du fonds supérieur ; le chemin communal par lequel l'écoulement des eaux se produit constitue un ouvrage public ; la commune s'est abstenue de faire procéder à la réalisation d'un système d'évacuation des eaux pluviales sur le chemin ; le certificat d'urbanisme invoqué par les premiers juges est postérieur à l'achat du terrain par la SCI et n'indique aucune servitude ; l'acte de vente ne contient aucune disposition spécifique sur une éventuelle servitude d'écoulement des eaux pluviales ; quand bien même une telle servitude d'écoulement des eaux aurait été mentionnée, les préjudices ont été aggravés par le creusement d'un fossé ; elle établit que le terrain AE 299, bien entretenu, est l'assiette d'une aire de jeux et d'un chemin en béton désactivé desservant les gîtes ; l'étude pluviale conclut à la déviation des eaux pluviales vers la route départementale n° 259 ; les troubles dans les conditions d'existence sont avérés par l'impossibilité d'exploiter les équipements de loisirs et par la constance du préjudice en cas de pluie ;
- à titre subsidiaire, concernant la responsabilité pour faute de la commune : la commune a été informée que le propriétaire du terrain situé au-dessus de la parcelle n° AE299 avait procédé sans autorisation au comblement du fossé le séparant de la route ; ces travaux ont engendré un écoulement plus important des eaux ; il incombait au maire, en sa qualité d'autorité de police, de demander au propriétaire du fonds supérieur la remise en état des bords de voirie voire d'imposer l'installation de buses ; il appartenait au juge d'ordonner la production de tout document d'urbanisme faisant état d'un fossé aujourd'hui comblé ; la commune a également entrepris des travaux sur sa propriété, sans aucune information préalable ni autorisation, travaux consistant en un creusement de fossé sur le bord de la parcelle AE 299, en l'arrachage d'un arbre et en un rehaussement du bord du terrain le long de la parcelle ; ces travaux ont aggravé le phénomène d'écoulement des eaux pluviales ; la commune a, par un détournement de procédure, pris la décision de déclasser ce terrain constructible en terrain inconstructible et, par jugement du 23 juillet 2012, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération du conseil municipal approuvant le plan local d'urbanisme ; le nouveau plan local d'urbanisme, classant son terrain en zone inconstructible, est également contesté ; elle subit une aggravation de l'écoulement des eaux du fait de l'octroi de permis de construire sur les terrains situés en amont de la parcelle AE 299 sans imposer la réalisation d'un bac de rétention ; la création de nouvelles voies privées ou communales a entraîné une imperméabilisation partielle des terrains supérieurs qui a participé à l'aggravation de l'écoulement naturel des eaux ;
- la commune sera condamnée à l'indemniser à hauteur de 26 359,02 euros représentant les nécessaires travaux pour remettre sa parcelle en état et remédier aux nuisances liées à l'écoulement des eaux et à hauteur de 10 000 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence compte tenu de l'impossibilité d'exploiter les équipements de loisirs présentés sur la parcelle ;
Par des mémoires enregistrés le 11 janvier 2017 et le 13 avril 2017, la commune de Villeneuve-de-Berg, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI AURI au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est régulier dès lors que la circonstance que l'expédition du jugement ne comporterait pas de signatures est sans incidence sur sa régularité ;
- la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur le litige dès lors que la SCI soutient que la cause de ses préjudices résulterait de travaux réalisés sans autorisation sur sa propriété ; ces travaux constituent une voie de fait relevant de la seule compétence du juge judiciaire ; la commune a privé la société de tout droit de propriété sur son arbre ;
- la société est usager du chemin rural, ouvrage ouvert au public, et des systèmes de détournement et d'évacuation des eaux pluviales ; la commune a entretenu normalement ce chemin ; en 2011, elle a installé des caniveaux et grilles de récupération des eaux et a procédé au renforcement de la structure de la chaussée ; elle a fait réaliser une étude pluviale ; si la cour estime que la société est tiers, la commune a démontré qu'elle n'a pas réalisé de travaux ayant pu aggraver la situation ; le ruissellement des eaux n'est que le résultat de la topographie des lieux ; la parcelle est affectée naturellement de différents ruissellements souterrains qui, lors des saisons humides, gorgent normalement la terre d'eau ; la société n'établit pas le caractère anormal des préjudices ; la société n'établit pas que les ruissellements aient été augmentés depuis l'acquisition de la parcelle en 2004 ;
- concernant la responsabilité pour faute : si des travaux de remblaiement ont modifié l'écoulement des eaux, c'est le propriétaire du fonds dominant et non la commune qui a réalisé ces travaux ; la SCI procède par allégation sans commencement de preuve ; la société n'apporte pas la preuve de ce qu'elle a procédé à des travaux sans autorisation ; le fossé s'avère d'une importance minime ; le devis relatif à l'arrachage de l'arbre est insuffisamment probant ; elle a parfaitement respecté les prescriptions de l'étude pluviale ; le classement de la parcelle en zone non constructible répond à des contraintes d'urbanisme et l'existence d'un tel classement n'engendre aucune conséquence dans le cadre du présent contentieux compte tenu de ce que le contentieux a trait à l'indemnisation de prétendus dégâts subis sur un terrain en friche ; la commune a pu légalement attribuer des permis de construire dans le respect de la réglementation en vigueur qui n'exigeait pas la création d'un bac de rétention des eaux de pluie ;
- la société a commis une faute de négligence en l'absence de toute intervention de sa part pour protéger son terrain du ruissellement des eaux de pluie ; elle connaissait les problèmes d'inondation du terrain en 2004 ; la demande du certificat a été réalisée avant la date de signature de l'acte de vente et il appartenait à la société d'attendre la délivrance du certificat pour se porter acquéreur de la parcelle ;
- la demande d'injonction est irrecevable dès lors que l'étude pluviale n'a pas retenu la solution de la déviation des eaux pluviales comme solution et que cette demande n'est pas de celle qui peut être sollicitée par voie d'injonction ;
- il n'est pas contesté que des travaux de remise en état du terrain litigieux commandés par la commune ont été opérés à la suite de l'épisode orageux de juillet 2008 ; le juge n'est pas en mesure de déterminer si techniquement la solution préconisée par la société est la plus pertinente pour mettre fin au ruissellement des eaux ; aucun désordre n'a été signalé depuis 2008, ni le mur d'enrochement ni le nivellement n'existaient en l'état antérieur du terrain ; le montant demandé apparaît exorbitant ;
- aucune aggravation ne saurait être retenue dès lors qu'elle a entretenu normalement le chemin en cause et aucun désordre n'est apparu sur le terrain depuis les épisodes pluvieux de l'été 2008 ; le certificat d'urbanisme démontre que le terrain était fréquemment inondé lors d'épisodes pluvieux ; il n'y a eu aucune réclamation indemnitaire auprès de la commune ou de déclaration à la compagnie d'assurance de la société compte tenu des travaux réalisés ;
- la demande d'indemnisation pour troubles dans les conditions d'existence apparaît exorbitante dès lors que le terrain est non bâti et inondé de manière temporaire et partielle ; aucun équipement de loisirs n'est présent sur le terrain à l'exception d'un terrain de boule ; la société ne démontre pas que de tels troubles ont des répercussions sur son activité ni sur le taux de remplissage des gîtes ;
- aucune résistance constitutive d'un abus ne peut être retenue à son encontre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me Nicolas (Selarl Cabinet Champauzac), avocat de la commune de Villeneuve-de-Berg.
1. Considérant que la SCI AURI, qui a pour objet l'acquisition et la gestion de biens immobiliers et notamment d'immeubles situés sur le territoire de la commune de Villeneuve-de-Berg (département de l'Ardèche), a acquis, en 2002, des terrains cadastrés AE 198 et 199 d'une superficie de 2 985 m2 situés dans cette commune au lieudit Quartier Gascon et sur lesquels a été construit un village de gîtes ; que, par acte notarié du 24 janvier 2004, la SCI a également acquis la parcelle cadastrée AE 299 d'une superficie de 9 376 m2 qui jouxte les terrains AE 198 et 199 et est située en limite de la voie communale n° 9 de Chantuzas ; que, par courrier du 31 juillet 2008, la SCI a fait savoir au maire de la commune qu'elle subissait une aggravation du ruissellement des eaux pluviales en raison de travaux réalisés par les services communaux sur la parcelle AE 299, sans son autorisation, et des travaux de comblement d'un fossé appartenant au propriétaire du fonds supérieur ; que, par délibération du 17 décembre 2008, la commune a confié la réalisation d'une étude pluviale à la société Poyry SA qui l'a remise en mars 2009 ; que, le 25 janvier 2012, la SCI a formé une réclamation préalable auprès de la commune tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime subir du fait de l'aggravation du ruissellement des eaux pluviales, réclamation qui a été rejetée le 6 avril 2012 ; que la SCI a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Villeneuve-de-Berg à l'indemniser desdits préjudices et a également présenté des conclusions à fin d'injonction tendant à la réalisation de certains travaux par la commune pour mettre fin aux désordres ; que, par jugement du 26 juillet 2016, le tribunal administratif de Lyon a partiellement fait droit à la demande de la SCI en condamnant la commune de Villeneuve-de-Berg à lui verser la somme de 950 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2012 et de la capitalisation des intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'arrachage d'un peuplier ; que la SCI interjette appel de ce jugement du 26 juillet 2016 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Considérant que, sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l'Etat ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative ; que cette compétence, qui découle du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, ne vaut toutefois que sous réserve des matières dévolues à l'autorité judiciaire par des règles ou principes de valeur constitutionnelle ; que, dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision et, le cas échéant, pour adresser des injonctions à l'administration, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété ;
3. Considérant que la SCI AURI fait valoir, en s'appuyant sur des photographies de la parcelle AE 299, qu'en juillet 2008 les services de la commune de Villeneuve-de-Berg ont procédé sur sa propriété, sans son autorisation, à des travaux de creusement d'une rigole, au rehaussement du bord du terrain longeant la voie communale n°9 de Chantuzas, ainsi qu'à l'arrachage d'un peuplier ; que sa demande d'indemnisation relative à ces travaux qui n'ont pas eu pour effet de déposséder définitivement la société de son droit de propriété, n'est fondée que sur les conséquences de ces travaux sur l'aggravation du phénomène de ruissellement sur son terrain ; que, par ailleurs, l'arrachage du peuplier, qui a été exécuté sans titre, n'est pas manifestement insusceptible d'être rattaché à un pouvoir appartenant à l'administration communale ; qu'en conséquence, la juridiction administrative est compétente pour se prononcer sur l'ensemble du litige introduit par la SCI AURI ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 précité du code de justice administrative ; que la circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la société ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement ; que le moyen tiré de l'absence de signature du jugement attaqué soulevé par la société manque ainsi en fait et doit, par suite, être écarté ;
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la mise en jeu de la responsabilité de la commune sur le terrain des dommages de travaux publics :
5. Considérant que la SCI AURI soutient que l'aggravation du ruissellement des eaux pluviales sur sa propriété résulte de l'absence de tout dispositif d'évacuation de ces eaux sur le chemin communal n° 9 ainsi que des travaux entrepris ou autorisés par la commune ;
6. Considérant, d'une part, que si la société requérante soutient que le creusement d'un fossé par les services municipaux et le comblement d'un autre fossé par le propriétaire du fonds supérieur ont aggravé les dégradations causées à son terrain par l'écoulement des eaux de pluie, elle n'établit pas que ces travaux présenteraient la nature de travaux publics en ce qu'ils auraient été réalisés par une personne publique ou pour son compte et dans un but d'intérêt général ; qu'en tout état de cause, il n'est pas démontré que ces travaux auraient aggravé les conséquences du phénomène de ruissellement des eaux pluviales sur son terrain ;
7. Considérant, d'autre part, que la responsabilité du maître de l'ouvrage public est susceptible d'être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage ; qu'il appartient toutefois à l'appelant d'apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'il allègue avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et les travaux publics et les préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère grave et spécial ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude pluviale de mars 2009, que la parcelle AE 299 comporte une pente de 5 à 10 % ; que les eaux du bassin versant s'écoulent en suivant une direction sud-nord vers la parcelle litigieuse et que l'exutoire du pré est le ruisseau de Gascon situé en bout de parcelle ; que le certificat d'urbanisme, demandé par la société requérante le 16 janvier 2004, soit quelques jours seulement avant l'achat de ce terrain, précise que " la parcelle, située en partie basse du quartier et en contre bas de la VC n°9 Chantuzas, reçoit naturellement les eaux pluviales " et qu'" en cas de fortes pluies, celle-ci est traversée en son milieu et sur toute sa longueur " ; qu'il apparaît ainsi que la parcelle AE 299 est située dans un couloir de ruissellement des eaux en provenance des fonds supérieurs ; que l'étude pluviale indique également que les débits d'eaux pluviales ont augmenté compte tenu de l'imperméabilisation du bassin versant du site à la suite de l'urbanisation de la zone ; qu'en admettant même qu'en l'absence de dispositif approprié à leur évacuation jusqu'en 2011, date à laquelle la commune a procédé à l'installation de caniveaux et grilles de récupération des eaux pluviales, les eaux ruisselant du chemin aient augmenté les infiltrations des eaux pluviales dans la propriété de la requérante, il ne résulte pas de l'instruction que ce volume d'eau supplémentaire ait été d'une importance telle qu'il aurait aggravé sensiblement les servitudes naturelles d'écoulement des eaux de pluie et leurs conséquences découlant tant de la topographie des lieux que des épisodes " cévenols " caractérisés par des précipitations exceptionnelles sur des terrains ne permettant l'infiltration dans le sol que dans des proportions modérées ; que, dès lors, ni l'absence de système d'évacuation des eaux pluviales provenant de la voie communale ni non plus la mise en place de dispositifs de récupération de ces eaux sur le chemin rural des Moines n'apparaissent susceptibles, eu égard à la configuration des lieux, d'avoir en l'espèce entraîné pour la société requérante des conséquences dommageables constitutives d'un préjudice grave et anormal ;
En ce qui concerne la mise en jeu de la responsabilité pour faute :
9. Considérant qu'en se bornant à produire des photographies qui ne permettent pas de déterminer la présence antérieure d'un fossé au bord de la route, la société requérante n'établit pas que le propriétaire du fonds supérieur aurait procédé au comblement de ce fossé et que ces travaux auraient aggravé le phénomène de ruissellement des eaux pluviales en direction de la parcelle AE 299 ; qu'elle n' établit pas davantage que ce fossé aurait été une dépendance accessoire de la voie ; qu'à supposer que ce fossé soit situé sur la propriété du riverain, elle n'indique pas quelles dispositions permettraient au maire, en l'absence de danger grave ou imminent, d'imposer des travaux sur une propriété privée ; que, par suite et en tout état de cause, elle ne saurait soutenir que le maire de la commune aurait commis une faute, en sa qualité d'autorité de police, en n'enjoignant pas au propriétaire de remettre en état les bords de voirie ou en ne lui imposant pas la réalisation d'un busage ;
10. Considérant que la société fait valoir que le maire a commis une faute en délivrant des permis de construire sur des terrains situés en amont de sa parcelle sans imposer la réalisation d'un bac de rétention et en autorisant la réalisation de voies privées imperméables ; que, d'une part, à la date des faits litigieux, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyait que les communes aient l'obligation de recueillir l'ensemble des eaux de pluie transitant par leur territoire afin d'éviter que les eaux de ruissellement n'atteignent les parcelles édifiées dans l'axe de leur écoulement naturel ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction que le maire a prescrit aux bénéficiaires de permis de construire la mise en oeuvre de solutions d'aménagement de surfaces drainantes afin de permettre l'absorption de l'eau par le terrain naturel ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la création de nouvelles voies communales goudronnées ou l'autorisation de voies de desserte privées aurait contribué à aggraver sensiblement le phénomène d'écoulement des eaux ; que, par suite, aucune faute de la commune n'est établie à ce titre ;
11. Considérant que si la société requérante soutient que la commune a entrepris le 30 juillet 2008 des travaux sur sa propriété consistant dans le creusement d'une rigole et dans le rehaussement du bord du terrain situé le long de voie communale n° 9, sans aucune information préalable et sans autorisation, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux aient participé d'une quelconque façon à l'aggravation du phénomène de ruissellement des eaux pluviales ou soient pour elle à l'origine de troubles de jouissance ;
12. Considérant que si la société requérante soutient que la commune aurait commis un détournement de procédure en déclassant son terrain pour le rendre inconstructible en vue d'échapper à sa responsabilité, elle ne l'établit pas ; que si elle se prévaut de ce que, par jugement du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération du conseil municipal du 23 juillet 2012 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence sur la solution du présent litige ;
13. Considérant, enfin, que la commune de Villeneuve-de-Berg ne conteste pas sérieusement que ses services ont procédé à l'arrachage d'un peuplier sans autorisation ; qu'à l'appui de sa demande d'indemnisation de ce préjudice la société requérante a produit deux devis pour la fourniture et la plantation d'un peuplier d'un montant global de 950 euros ; que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Villeneuve-de-Berg à verser à la société requérante la somme de 950 euros ; que la commune qui demande la confirmation du jugement attaqué ne peut être regardée comme contestant cette condamnation ; qu'ayant obtenu entière satisfaction sur ce point, la SCI AURI qui produit à nouveau en appel ces mêmes devis ne saurait prétendre à une nouvelle indemnisation de ce dommage ;
En ce qui concerne la demande indemnitaire pour résistance abusive de la commune :
14. Considérant qu'aucune résistance abusive de la commune de Villeneuve-de-Berg n'est, en l'espèce, établie ; que, dès lors, les conclusions de la SCI AURI tendant à la condamnation de la commune au paiement d'une indemnité pour résistance abusive doivent être rejetées ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI AURI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon n'a que partiellement fait droit à sa demande de condamnation de la commune de Villeneuve-de-Berg à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Considérant que lorsque le juge administratif statue sur un recours indemnitaire tendant à la réparation d'un préjudice imputable à un comportement fautif d'une personne publique et qu'il constate que ce comportement et ce préjudice perdurent à la date à laquelle il se prononce, il peut, en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets ; que le seul préjudice dont la société requérante est en droit d'obtenir réparation, consécutif à l'arrachage du peuplier, n'implique pas qu'il soit enjoint à la commune de procéder aux travaux de déviation des eaux de ruissellement vers la route départementale n° 205 ;
Sur les frais liés au litige :
17. Considérant que les dispositions du code de justice administrative font obstacle à ce que la SCI AURI, partie perdante, bénéficie d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI AURI la somme demandée par la commune de Villeneuve-de-Berg sur le fondement des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI AURI est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Villeneuve-de-Berg présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI AURI et à la commune de Villeneuve-de-Berg.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2018.
8
N° 16LY03276