Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mars 2015, pour les épouxI..., ils demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement susmentionné du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de condamner la commune de La Côte-Saint-André à leur verser les sommes de 220 937,64 euros représentant le coût financier de l'emprunt relatif à l'achat de leur maison située dans ladite commune, de 70 000 euros au titre du préjudice commercial subi correspondant à des pertes de loyers et de 15 000 euros au titre du préjudice moral soit une indemnité totale de 305 937,64 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête et capitalisation des intérêts ;
3°) de condamner la commune de La Côte-Saint-André à leur verser une somme de 6 000 euros en règlement des frais d'expertise judicaire avec intérêt au taux légal à compter du règlement desdits frais ;
4°) de condamner la commune de La Côte-Saint-André à leur verser une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- la responsabilité de la commune de La Côte-Saint-André est engagée sur le fondement des dommages de travaux publics causés à des tiers et du caractère anormal et spécial des préjudices subis dès lors qu'il y a eu insuffisance des préconisations techniques visant à conforter la démolition du bâtiment communal qui constitue un ouvrage public contigu à leur maison ; la démolition de ce bâtiment communal qui a laissé place à la création d'un parking n'a pas été techniquement réfléchie et a permis l'accumulation d'eaux pluviales vers leur maison provoquant une remontée d'humidité importante sur le pignon nord de leur maison ;
- l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et les dommages est identifié par deux experts M. H...et M. C...;
- étant tiers par rapport à cet ouvrage public, il ne peut pas leur être reproché un fait fautif exonérant de sa responsabilité ladite commune ;
- la commune n'a pas soutenu ne pas être le maître d'ouvrage des travaux de démolition de l'immeuble et de la mise à nu sans confortement correct du mur pignon ;
- leur maison s'est effondrée, la commune de La Côte-Saint-André a procédé à l'évacuation des gravats, évacuation dont les frais doivent rester à la charge de la commune ;
- ils ont réalisé des travaux pour 25 000 euros en pure perte, supportent le coût financier d'un emprunt de 220 937,64 euros, ont subi un préjudice commercial lié à la perte de loyers estimé à 70 000 euros, ils ont subi un préjudice moral évalué à 15 000 euros ;
- ils ont dû prendre en charge des frais d'expertise pour un montant global de 6 000 euros ;
- ils ont droit aux intérêts au taux légal et à la capitalisation des intérêts ;
Par ordonnance du 7 septembre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 octobre 2015.
Par mémoire enregistré le 30 octobre 2015 pour la commune de La Côte-Saint-André, elle conclut, au rejet de la requête et à la condamnation des requérants à lui verser 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les époux I...ont sollicité plusieurs expertises auprès du juge des référés du tribunal de grande instance de Vienne, qu'insatisfaits des éléments figurant dans lesdites expertises judiciaires, ils ont recouru à d'autres experts privés afin de conforter leur argumentation ;
- l'immeuble mitoyen qui a été démoli en 1988 ne l'a pas été par ou pour le compte de la commune mais dans le cadre d'une action de la société viennoise de crédit immobilier auquel a succédé l'OPAC 38 ;
- aucun dommage de travaux public n'est imputable à la commune, l'expert mandaté par le TGI M. B...ayant indiqué que l'état de ruine de la maison I...est uniquement imputable au défaut d'entretien par ses propriétaires successifs et par des travaux " hasardeux " réalisés sans précaution et en dehors des règles de l'art par M.I... ;
- les requérants se prévalent désormais du rapport du premier expert mandaté par le TGI M. G...dont ils ont souligné les carences auprès du TGI et ont obtenu la désignation d'un nouvel expert M. B...dont ils n'acceptent pas les conclusions ;
- le TGI de Vienne a déjà reconnu la responsabilité des requérants dans la survenance des désordres affectant leur maison dans le cadre d'une instance les opposant à des voisins ;
- en l'absence de responsabilité de la commune, elle ne peut pas être condamnée à indemniser les requérants ;
- leur maison n'était pas inhabitable suite aux différents arrêtés de péril mais du fait de l'état de ruine causé par les travaux de M. I...sur cette maison, ce qui a amené la commune à prendre des arrêtés de péril pour la sécurité des occupants et des personnes intervenant sur l'immeuble et pour les constructions voisines ;
- les demandes financières ne sont étayées par aucun élément, ils évoquent la réalisation de travaux réalisés en pure perte pour 25 000 euros mais n'en demandent pas l'indemnisation dans le dispositif, c'est la commune, qui du fait de l'absence d'action des requérants pour pallier les désordres affectant cette maison, a dû faire réaliser des travaux et à en payer les frais ;
- ils restent les propriétaires de leur bien mais demandent le remboursement du prix de vente ainsi que des frais d'emprunt ;
- le préjudice commercial allégué sur la perte des loyers est virtuel, les désordres étant imputables aux travaux de M.I..., la volonté de location n'est pas établie, la date où aurait pu débuter cette location n'est pas établie alors que depuis 2006, ils n'ont pas effectué de travaux de confortement et de réhabilitation de cette maison ;
- ils ne versent aucun élément justifiant le montant des sommes demandées ;
- le terme immobilisation du capital n'est pas expliqué ;
- ils n'expliquent pas comment a été calculé le montant de 35 000 euros demandé en première instance et celui de 70 000 euros demandé en appel dans le cadre d'une location ;
- le préjudice moral indiqué relève de leurs propres actions, le risque d'effondrement leur étant imputable ;
- la lourdeur des procédures trouve son origine dans les différentes démarches de contestations des requérants des expertises judiciaires et des arrêtés de péril ;
- aucune capitalisation des intérêts ne peut être accordée.
Par ordonnance du 4 novembre 2015, la clôture de l'instruction a été reportée au 15 décembre 2015 ;
Une note en délibéré a été enregistrée le 7 juillet 2016 pour la commune de La Côte-Saint-André ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
- et les observations de Me K...substituant Me D...représentant M. et Mme I...et de Me E...substituant Me J...représentant la commune de La Côte-Saint-André.
1. Considérant que par une convention datée du 12 avril 1985, la commune de La Côte-Saint-André a cédé à la société anonyme viennoise de crédit immobilier des parcelles de terrains comprenant des bâtiments insalubres, dont notamment celui contigu à l'immeuble du 21 place de la Halle ; que ce bâtiment contigu a été démoli en 1988 pour le compte de ladite société ; que, le projet de construction sur cet emplacement ainsi libéré n'ayant pas abouti, la commune a envisagé, courant 1988, d'y aménager un espace de stationnement ; que, le 29 juin 1994, elle a fait procéder à un constat d'huissier sur les constructions environnantes avant d'étudier la faisabilité d'un tel projet ; que, redevenue propriétaire de la parcelle au second semestre 1994, la commune de La Côte-Saint-André a fait réaliser des travaux d'agencement du parking, lequel bordait ainsi l'immeuble du 21 place de la Halle ; qu'en 2004 un trottoir a été réalisé entre les places de stationnement de ce parking et le mur pignon nord de l'immeuble du 21 place de la Halle ; que cet immeuble qui avait successivement appartenu à M. F...en 2001, puis à la SCI SENA en 2004, a été vendu le 28 janvier 2005 à M. et MmeI... ; que ceux-ci ont entrepris des travaux de rénovation, au printemps 2005 ; que par un arrêté de péril du 27 juillet 2006, le maire de La Côte-Saint-André a mis M. I...en demeure de cesser les travaux qui visaient à modifier, et fragiliser selon lui, les structures des planchers, et a interdit le stationnement le long de la façade nord de cet immeuble ; que par ordonnance du 31 octobre 2006, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, à la demande de la commune, a désigné M. G...en qualité d'expert aux fins d'examiner l'immeuble et proposer des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril ; qu'à la suite de cette expertise, le maire a, le 13 novembre 2006, mis M. I...en demeure de faire réaliser les travaux préconisés par l'expert ; que suite à des demandes des époux I...dans le cadre d'instances les opposant à leurs voisins, le juge des référés du tribunal de grande instance de Vienne a désigné par ordonnance du 18 janvier 2007 M. G...en qualité d'expert, ultérieurement substitué par M. B..., pour déterminer les causes des désordres affectant l'immeuble et les bâtiments mitoyens ; que, le 20 décembre 2011, M. et Mme I...ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant, sur le fondement de la responsabilité des dommages de travaux publics causés à des tiers, à ce que la commune de La Côte-Saint-André les indemnise des préjudices liés à l'inhabitabilité de leur immeuble, circonstance qu'ils imputent à l'insuffisance de précautions prises lors de la démolition de l'immeuble mitoyen et à l'aménagement du parking à l'emplacement de l'immeuble démoli ; que par jugement du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande et les a condamnés à verser 1 200 euros à la commune de La Côte-Saint-André au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les époux I...interjettent appel de ce jugement ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant que les requérants soutiennent que la responsabilité de la commune de La Côte-Saint-André est engagée en raison de l'insuffisance de précautions prises lors de travaux publics ayant consisté en la démolition de l'immeuble mitoyen du leur, en 1988, conduisant à l'accumulation des eaux pluviales au pied de leur propre immeuble, provoquant une remontée d'humidité sur le pignon nord et entrainant la dégradation de ce mur et de la structure de leur bien ; qu'en outre l'aménagement ultérieur du parking et la création d'un remblais par la commune à l'emplacement de l'immeuble démoli a selon eux engendré un effet de poussée sur la partie enterrée de leur mur ; qu'ils indiquent qu'ils ont subi un préjudice anormal et spécial dès lors que leur immeuble est devenu inhabitable, qui s'est même écroulé depuis lors ;
3. Considérant que si les requérants font valoir que la démolition du bâtiment mitoyen du leur n'a pas été entourée des précautions techniques nécessaires et est à l'origine des désordres constatés, il résulte de l'instruction que ces travaux n'ont pas été réalisés par ou pour le compte de la commune de La Côte-Saint-André, mais pour celui de la Société anonyme viennoise de crédit immobilier, propriétaire à cette époque de la parcelle comportant le bâtiment détruit ; que par suite, la réalisation de tels travaux de démolition ne peut être regardée comme relevant d'une opération de travaux publics exécutée au bénéfice de la commune de La Côte-Saint-André ; que si les requérants indiquent également en appel que la commune qui, après avoir en 1985 cédé à la Société anonyme viennoise de crédit immobilier la parcelle jouxtant leur immeuble, pour en redevenir propriétaire ultérieurement, aurait dû veiller à ce que la remise en état de la façade Nord de leur immeuble soit réalisée conformément à ce qui avait été défini contractuellement avec la Société anonyme viennoise de crédit immobilier, il ne résulte pas de l'instruction que ladite collectivité se soit engagée à cet égard ; que par suite, la démolition du bâtiment mitoyen dont s'agit ne saurait engager la commune sur le fondement de la responsabilité de désordres causés par des travaux publics à un tiers ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.B..., expert mandaté par le tribunal de grande instance de Vienne a, dans son rapport déposé le 21 juin 2009, exclu que la présence des remblais sous le parking et leur poussée verticale soient à l'origine des désordres constatés sur l'immeuble des requérants ; que cet expert a indiqué que l'instabilité du bâtiment, à l'origine des désordres constatés, est multifactorielle et tient notamment à la vétusté de l'ouvrage et à son manque d'entretien, particulièrement en ce qui concerne la couverture et la charpente, qui ont laissé place à des infiltrations anciennes et récurrentes, à l'absence de liaison rigide entre la charpente et le mur pignon nord, à l'absence de liaisons rigides entre les murs de façade et le mur pignon nord, le sens des portées des planchers en bois étant inadéquat ; qu'il conclut que le délabrement de l'immeuble ne saurait être relié à la réalisation du parking par la commune de La Côte-Saint-André ; qu'il a exclu également un lien de causalité entre l'humidité résiduelle du rez-de-chaussée avec la réalisation du parking ; que les éléments communiqués par les époux I...dans le cadre d'une expertise réalisée par M. C...à leur seule initiative et de façon non contradictoire, sur le rôle des solives du plancher sur sous-sol et la poussée des remblais, ne permettent de remettre en cause ni les conclusions de l'expertise de M.B..., ni le constat des lieux dressé le 29 juin 1994 avant les aménagements importants du parking, lequel constat attestait de ce que la façade du 21 place de la Halle était en très mauvais état, que l'enduit en tombait et qu'une fissure très importante courait de la porte jusqu'à la toiture ; que dès lors, la réalisation et la présence du parking dont s'agit, et qui est un ouvrage public, ne peuvent pas être regardées comme étant en lien de causalité avec les dommages subis par les requérants ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme I...ne sont pas fondés à mettre en cause la responsabilité de la commune pour des désordres causés par un ouvrage public ou des travaux publics ; qu'au demeurant, aussi bien en première instance qu'en appel, les requérants ne justifient pas de la matérialité des préjudices allégués ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de La Côte-Saint-André, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme I... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des requérants une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme I...est rejetée.
Article 2 : M. et Mme I...verseront la somme de 1 000 euros à la commune de La Côte-Saint-André au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M et Mme A...I...et à la commune de La Côte-Saint-André.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
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N° 15LY00733