Par un jugement n° 1308670 du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 18 avril 2016, présentée pour M. A...F..., domicilié..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1308670 du tribunal administratif de Lyon du 28 janvier 2016 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'autoriser son épouse à entrer sur le territoire français dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de délivrer à celle-ci un certificat de résidence de dix ans sous la même astreinte dès cette notification ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans le délai de deux mois à compter de cette notification, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement, en ne répondant que partiellement au moyen du demandeur tiré de l'absence de consultation régulière du maire et de l'OFII, alors même qu'il n'était pas établi que la procédure préalable à la décision du préfet du Rhône du 20 aout 2013 avait été régulière ;
- alors qu'il est possible de prendre en compte, pour autoriser le regroupement familial, des ressources non-stables et d'un montant inférieur à un seuil fixé par les textes, si cela permet de répondre à un autre intérêt fondamental, comme l'intérêt supérieur de l'enfant, en l'espèce il en va de l'intérêt supérieur de sa fille, dont il a la garde et qui est de nationalité française, de pouvoir vivre avec ses deux parents réunis, au demeurant mariés régulièrement ;
- le préfet du Rhône a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la situation d'espèce l'empêche de manière excessive de vivre avec la femme avec laquelle il est régulièrement marié de façon continue, et leur fille de vivre auprès de sa mère, alors même que le noyau familial réside en France de manière régulière et stable ;
- le préfet du Rhône a commis une illégalité en n'appréhendant pas l'intérêt supérieur de l'enfant dans les circonstances d'espèce, en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire, enregistré le 8 novembre 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures de première instance.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mars 2016, du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2016 le rapport de M. Seillet, président-assesseur.
1. Considérant que M. F..., né le 27 août 1977 à Aïn Oulmène, Sétif (Algérie), de nationalité algérienne, entré en France en 2007, est titulaire d'un certificat de résidence de dix ans valable jusqu'au 1er décembre 2022 ; qu'il est le père d'une enfant de nationalité française, Gloria, née en France le 31 août 2007, de sa relation avec Mme E...D..., également de nationalité française, et qu'il a reconnue le 2 octobre 2007 ; qu'il a épousé, en Algérie, le 15 juillet 2008, Mme B...C..., de nationalité algérienne ; qu'il a déposé, le 28 janvier 2013, une demande de regroupement familial en faveur de son épouse ; que par une décision du 20 août 2013, le préfet du Rhône a rejeté sa demande au motif de ressources insuffisantes ; que M. F... fait appel du jugement du 28 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
2. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié susvisé : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1 - Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance " ;
3. Considérant qu'il résulte de la combinaison des stipulations précitées de l'article 4 de l'accord franco-algérien et des dispositions des articles R. 411-4 et R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui sont compatibles, que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est au demeurant pas contesté en appel que, pour solliciter la venue de son épouse, M. F... s'est prévalu, sur la période de référence du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, de ressources nettes mensuelles moyennes d'un montant de 410 euros, inférieures au montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance sur la même période, et provenant d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel et de contrats de missions à temps partiel, mais aussi du revenu de solidarité active, qui n'étaient pas de nature à constituer des ressources suffisantes au sens des stipulations précitées de l'article 4 de l'accord franco-algérien ; que, dans ces conditions, c'est sans erreur d'appréciation et sans méconnaître les stipulations précitées de l'article 4 de l'accord franco-algérien que le préfet du Rhône a pu estimer que le requérant ne justifiait pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
6. Considérant que M. F... se prévaut de la naissance en France, le 31 août 2007, d'une fille de nationalité française, puis de son mariage avec Mme B...C..., le 15 juillet 2008, en Algérie, en affirmant que l'intérêt supérieur de sa fille, dont il a la garde et qui est de nationalité française, commande qu'elle puisse vivre avec ses deux parents ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'épouse du requérant, lequel ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit, d'une activité professionnelle et d'une situation stable en France, n'est pas la mère de l'enfant reconnu par M. F..., qui est issue de sa relation antérieure avec Mme E...D...; que, dès lors, le refus opposé par le préfet du Rhône à la demande d'autorisation de regroupement familial sollicité par M. F... au profit de son épouse n'a pas pu porter atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant dont Mme F...n'est pas la mère, ni, par suite, méconnaître les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que, dans ces circonstances, eu égard en particulier au choix de l'épouse du requérant de résider en Algérie même après le mariage célébré près de cinq ans avant la demande de regroupement familial, le préfet du Rhône n'a pas davantage porté une atteinte disproportionnée au droit de M. F... à mener une vie privée et familiale normale et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur l'amende :
8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende qui ne peut excéder 3 000 euros " ; qu'en l'espèce, la requête de M. F... présente un caractère abusif ; qu'il y a lieu de le condamner à payer une amende de 1 000 euros ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : M. F... est condamné à payer une amende de 1 000 euros (mille euros).
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
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N° 16LY01350