Par un jugement n° 1701623 et 1701625 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 août 2017, M. et MmeF..., représentés par Me A...demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 mai 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 31 octobre 2016 du préfet de l'Isère ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt et de leur délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
Sur la légalité des refus de délivrance d'un titre de séjour :
- les décisions méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que leurs deux filles sont régulièrement scolarisées en France ; les enfants ne pourraient suivre la même scolarité en Algérie ; leur filsB..., qui a été reconnu enfant handicapé, souffre de troubles sévères du développement qui se traduisent par un retard important et nécessite un accompagnement multidisciplinaire ; son état de santé nécessite donc une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; le traitement adapté à son état n'existe pas en Algérie ; leur fils ne pourrait pas non plus être scolarisé dès lors qu'en Algérie les enfants handicapés ne sont pas scolarisés ;
- les décisions méconnaissent le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'ils disposent d'attaches familiales fortes en France ; ils ont fait l'objet de menaces en Algérie ; ils vivent en France depuis près de 6 ans et sont parfaitement intégrés ; elle a travaillé et a donné entièrement satisfaction à ses employeurs ;
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation, méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant pour les motifs précédemment énoncés ;
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
- les décisions méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que leurs vies sont menacées dans leur pays d'origine ;
- les décisions méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant pour les motifs précédemment énoncés.
M. F...et Mme F...n'ont pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 3 juillet 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Caraës.
Considérant ce qui suit :
1. M.F..., né le 6 octobre 1975, et MmeF..., née le 1er juin 1976, tous deux de nationalité algérienne, sont entrés en France le 8 décembre 2011 avec leurs deux enfants. Le 7 février 2012, ils ont sollicité le bénéfice de l'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté leurs demandes par deux décisions du 26 octobre 2012, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 3 mai 2013. Le 31 mai 2013, ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 1er octobre 2013, le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Le 18 juin 2015, M. F...a sollicité à nouveau la délivrance d'un titre de séjour et, le 20 juin 2016, son épouse a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par deux arrêtés du 31 octobre 2016, le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, a assorti ces refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé l'Algérie comme pays de destination. M. et Mme F...relèvent appel du jugement du 16 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.
Sur la légalité des refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un ressortissant algérien nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et s'il peut effectivement bénéficier dans son pays d'un traitement approprié à sa pathologie.
3. Les époux F...font valoir que leur filsB..., qui a été reconnu enfant handicapé, souffre de troubles sévères du développement nécessitant un accompagnement multidisciplinaire de qualité, indisponible en Algérie. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le médecin de l'agence régionale de santé a, dans son avis du 7 juillet 2016, précisé que l'état de santé de l'enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers le pays d'origine. Les requérants n'établissent pas, par les pièces produites, que le défaut de prise en charge du retard de développement du jeune B...aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son développement psychomoteur. Ils n'établissent pas, en produisant un article de presse du 22 octobre 2009 faisant état uniquement de la rareté des orthophonistes sur la wilaya de Blida ou encore un avis d'un médecin algérien qui fait part de l'indisponibilité en Algérie d'une prise en charge chirurgicale et neurologique du jeune enfant et ce alors que les pièces du dossier ne démontrent pas que l'enfant aurait besoin d'un tel traitement, que sa prise en charge, consistant en un suivi par un orthophoniste, une psychomotricienne et un psychologue, ne serait pas disponible dans son pays d'origine. Si les requérants font encore valoir que l'enfant ne pourra pas être scolarisé en Algérie compte tenu de son handicap, ils ne l'établissent pas en se prévalant d'un extrait du rapport du comité des droits de l'enfant des Nations-Unies qui fait seulement état du défaut de politique inclusive d'éducation. Par suite, le préfet de l'Isère n'a ni méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et ni entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui.".
5. Les époux F...font également valoir qu'ils disposent d'attaches familiales fortes en France où ils vivent depuis six ans avec leurs enfants qui sont parfaitement intégrés et scolarisés et que Mme F...a travaillé. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les requérants sont entrés récemment en France et qu'ils disposent encore d'attaches familiales en Algérie où ils ont vécu jusqu'à l'âge de 35 et 36 ans. Par ailleurs, ils n'établissent pas que leurs enfants ne pourraient pas faire l'objet d'une scolarisation en Algérie. La circonstance que Mme F...a pu travailler n'est pas de nature à conférer à la famille un droit au séjour. Enfin, si les requérants soutiennent qu'ils ont subi des menaces de la part de groupes islamistes, ils ne produisent aucun élément établissant la réalité, la gravité et l'actualité des risques auxquels ils seraient exposés personnellement en cas de retour en Algérie et ce alors que leurs demandes d'asile a été rejetées par l'OFPRA et la CNDA qui relevaient que leur récit était imprécis et peu convaincant. Il s'ensuit que les décisions n'ont ni méconnu le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation des intéressés.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
6. M. et Mme F...se prévalent, au soutien des moyens tirés de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur leur situation personnelle, d'une méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, des mêmes arguments que ceux qui ont été précédemment exposés aux points précédents. Ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
7. M. et Mme F...se prévalent, au soutien du moyen tiré de ce que les décisions fixant le pays de destination méconnaitraient l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant des mêmes arguments que ceux précédemment énoncés. Ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs.
8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
9. Ainsi qu'il a été indiqué au point 5, si les requérants soutiennent qu'ils ont subi des menaces de la part d'islamistes, ils ne l'établissent pas par les pièces produites au dossier. Par suite, les décisions fixant l'Algérie comme pays de destination ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme F...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M et Mme F...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...F...et Mme C...E..., épouse F...et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 mai 2019 .
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N° 17LY03043