Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 mars 2016 et le 28 avril 2017, Mme F... A...E..., représentée par la SCP Deygas Perrachon et Associés, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1303725 du 28 décembre 2015 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros par mois à compter du 1er janvier 2003 jusqu'à l'intervention de l'arrêt à intervenir au titre des troubles de jouissance, une somme de 92 000 euros en réparation de la perte de la valeur vénale de sa propriété, une somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de 12 407,74 euros en remboursement des travaux d'insonorisation de sa propriété qu'elle a engagés, avec intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande indemnitaire liée à la présence et au fonctionnement de l'autoroute A7 ; le tribunal ne pouvait pas prendre en considération la transaction conclue par ses parents en 1961 et qui ne visait qu'à réparer l'expropriation dont ils avaient fait l'objet et en aucune manière l'indemnisation des dommages permanents de l'ouvrage public ; la transaction ne précise d'ailleurs nullement qu'elle vise à indemniser les dommages de travaux publics liés au fonctionnement de l'autoroute A7 ;
- depuis la transaction, il y a une aggravation du préjudice liée à l'augmentation du trafic à la mise en deux fois trois voies de l'autoroute ;
- le préjudice lié notamment au bruit présente un caractère anormal et spécial.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juillet 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Drouet, président assesseur,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me Deygas, avocat (SCP Deygas Perrachon et Associés), pour Mme A...E....
1. Considérant que les 95 ares dont les ascendants de Mme A... E...étaient propriétaires sur la commune de Ternay ont été inclus dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique du 3 juin 1957 des travaux de construction de l'autoroute A7 ; que, par acte notarié du 8 décembre 1961, la mère et l'oncle de la requérante ont cédé à l'Etat cinq parcelles d'une surface totale de 49 ares et 82 centiares et ont conservé le reliquat de terrains, sur lesquels est notamment implantée la maison à usage d'habitation que Mme A... E...a reçue par voie successorale au cours des années 2000 ; qu'à la suite de la mise en service de l'autoroute A7 dans le milieu des années 1960, cette maison s'est trouvée située à quelques mètres de l'emprise des voies de l'autoroute A7 ; qu'en 1985, l'autoroute A7, initialement construite à deux fois deux voies, a été transformée en deux fois trois voies sans modification de son emprise initiale ; que, par jugement du 28 décembre 2015 dont Mme A... E...relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la réparation des dommages permanents qu'elle estime subir en lien avec le fonctionnement cette autoroute ;
2. Considérant qu'en vertu de l'article 2052 du code civil, le contrat de transaction, par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître, a entre ces parties l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ; qu'il est exécutoire de plein droit, sans qu'y fassent obstacle, notamment, les règles de la comptabilité publique ;
3. Considérant que, par l'acte notarié du 8 décembre 1961, Mme C... A...et M. B... D..., mère et oncle de la requérante, ont accepté, dans le cadre du projet de construction de l'autoroute A7, de vendre à l'Etat les cinq parcelles susmentionnées pour la somme de 36 699 nouveaux francs ; qu'aux termes de cet acte notarié, la mère et l'oncle de Mme A... E...notamment " déclarent eu égard à la fixation du prix ci-dessus, renoncer à réclamer toute autre indemnité pour toute cause de dépréciation ou tout dommage résultant du fait de l'occupation de l'immeuble par l'Etat " ;
4. Considérant qu'il est constant que la transaction du 8 décembre 1961 a été conclue dans le cadre du projet de construction de l'autoroute A7 ; qu'il résulte de cette transaction, eu égard à ses termes, qu'elle tendait non seulement à indemniser la mère et l'oncle de Mme A... E...du fait de l'expropriation d'une partie de leurs terrains mais visait également à mettre fin à toute demande de réparation de dommages présents ou futurs en lien avec la construction et le fonctionnement de l'autoroute A7 située à proximité du bien immobilier dont ils demeuraient encore propriétaires ; que cette transaction est opposable à Mme A...E..., ayant-droit de Mme C... A...et de M. B... D... ; que si la requérante se prévaut de l'aggravation du préjudice depuis la signature de la transaction, ladite transaction présente, eu égard à ses termes, un caractère forfaitaire et définitif pour l'ensemble des préjudices présents et futurs, alors que l'augmentation du trafic routier et la mise en deux fois trois voies de l'autoroute, laquelle ne s'est d'ailleurs accompagnée d'aucune modification de l'emprise initiale de l'ouvrage public, ne présentaient pas de caractère imprévisible à la date de signature de la transaction ; que, dans ces conditions et eu égard à l'autorité de la chose jugée par cette transaction, les conclusions de la demande de Mme A... E...tendant à l'indemnisation des dommages en lien avec le fonctionnement de l'autoroute A7 sont irrecevables, ainsi que le faisait valoir le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie dans ses écritures de première instance ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... E...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions de sa requête tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A...E...et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 27 septembre 2018.
2
N° 16LY00863