Par une requête enregistrée le 25 octobre 2019, le préfet de l'Isère, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 septembre 2019 ;
2°) de rejeter la requête de M. E... B....
Il soutient que :
- la situation de M. B... ne justifiait pas l'annulation de son arrêté dès lors qu'à la date du dépôt de sa demande et à la date de la décision attaquée, l'intéressé ne justifiait pas suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ;
- M. B... n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où résident sa mère et ses deux soeurs et il ne justifie pas d'une intégration particulière en France.
Par mémoire enregistré le 3 février 2020, M. E... B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il n'y a plus lieu de statuer sur la requête du préfet de l'Isère dès lors que ce dernier lui a délivré une autorisation provisoire de séjour valable du 1er octobre 2019 au 28 février 2020 ;
- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller, au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement lu le 27 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a d'une part, annulé l'arrêté du 30 novembre 2018 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B..., l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai de deux mois.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. La mesure positive que l'autorité administrative est amenée à prendre en exécution d'un jugement d'annulation faisant droit à la demande d'un administré a un caractère provisoire lorsque ce jugement est frappé d'appel. Alors même qu'elle présente toutes les apparences d'une mesure définitive, l'intervention d'une telle mesure ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre le jugement d'annulation de la décision initiale de refus de l'administration. Il en va toutefois différemment lorsque l'autorité administrative a excédé ce qui était nécessaire à l'exécution du jugement attaqué.
3. Il ressort des pièces produites en appel qu'en application du jugement précité du 27 septembre 2019, le préfet de l'Isère a délivré à M. B..., un titre de séjour valable du 24 octobre 2019 au 23 octobre 2020 portant la mention " travailleur temporaire ". Compte tenu de ce qui a été dit précédemment et dès lors que le préfet s'est borné à délivrer un titre de séjour en exécution du jugement précité, l'exception de non-lieu à statuer opposée par M. B... à la requête présentée par le préfet de l'Isère doit être écartée.
Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " À titre exceptionnel (...), la carte de séjour temporaire (...) portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".
5. L'exigence que le ressortissant étranger justifie suivre une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle depuis au moins six mois constitue une des trois conditions énoncées par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont l'absence suffisait à fonder un refus de délivrance de titre de séjour. Par suite, les circonstances alléguées par l'intéressé et tenant à sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, le suivi de cours d'apprentissage ou encore le stage de dix semaines réalisé au sein d'une société sont sans incidence sur le bien-fondé du refus de séjour en litige reposant sur l'absence de formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle sur au moins six mois. Ainsi, le préfet de l'Isère en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté du 30 novembre 2018. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... tant devant le tribunal administratif qu'en appel.
Sur le refus de séjour :
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier produites par le préfet de l'Isère devant les premiers juges que, par arrêté du 1er septembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs le même jour, Mme A... C..., sous-préfète chargée de mission auprès du préfet de l'Isère, secrétaire générale adjointe de la préfecture, disposait d'une délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions documents et correspondances administratives diverses relevant des attributions de l'État dans le département. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté ne peut qu'être écarté.
8. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué énonce clairement les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est, dès lors, régulièrement motivé au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par ailleurs, le refus de séjour en litige n'ayant pas pour objet de statuer sur la demande d'autorisation de travail qui aurait été présentée par l'intéressé pour le compte de son employeur, il n'avait pas à comporter les motifs du refus qui lui aurait été opposé.
9. En troisième lieu, M. B... fait valoir que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa demande de titre de séjour dès lors qu'il n'aurait pas examiné sa demande présentée également au titre des dispositions de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si l'arrêté attaqué n'examine en effet pas la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, le même arrêté examine la situation de M. B... et notamment son absence de droit au séjour au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont les critères d'appréciation sont identiques aux conditions énoncées par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen doit être écarté comme non fondé.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger (...) qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré sur le territoire français deux ans et cinq mois avant l'intervention de la décision litigieuse n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où résident encore sa mère, ses deux soeurs et son oncle maternel. Si l'intéressé fait valoir ses efforts d'intégration depuis son arrivée sur le territoire français, cette seule circonstance compte tenu du caractère récent de son entrée en France et de ses liens familiaux dans son pays d'origine ne suffit pas à démontrer que le refus de séjour en litige porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.
12. En dernier lieu, il résulte des circonstances de fait énoncées au point précédent, qu'en refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, le refus de titre de séjour n'étant pas entaché d'illégalité, l'obligation de quitter le territoire français ne saurait être illégale.
14. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, la décision n'est pas entachée d'incompétence.
15. En troisième lieu, l'obligation de quitter le territoire en litige fait suite au refus de séjour opposé par le préfet de l'Isère en vertu des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne méconnaît dès lors pas les dispositions de l'article L. 511-1 du code précité.
16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 9 et 11, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'un défaut d'examen et méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés comme non fondés.
Sur la fixation du pays de destination :
17. L'obligation de quitter le territoire français n'ayant pas été déclarée illégale, la fixation du pays de renvoi ne saurait faire l'objet d'une annulation par voie de conséquence. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement de la décision de refus de délivrance de titre de séjour, M. B... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
18. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 9 et 11, les moyens tirés de ce que la fixation du pays de destination serait entachée d'un défaut d'examen et méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés comme non fondés.
19. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé et la demande d'annulation présentée par M. B... contre l'arrêté du 30 novembre 2018 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sous trente jours et désignation du pays de destination doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande d'injonction et d'astreinte.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1904159 du tribunal administratif de Grenoble du 27 septembre 2019 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. B... devant le tribunal sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... B....
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Burnichon, premier conseiller ;
Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.
N° 19LY03992 2