Par jugement n° 2001064 lu le 30 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 27 juillet 2020, M. D..., représenté par Me Gay, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal ainsi que les décisions susmentionnées ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'État d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à charge pour Me Gay de renoncer à percevoir la part contributive de l'État au financement de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le refus de renouvellement de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il lui est impossible de bénéficier d'un traitement approprié en Turquie ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
- dès lors que la décision de refus de titre de séjour est illégale, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont privées de base légales.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
M. C... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant turc né le 15 janvier 1968, déclare être entré en France le 23 juin 2004. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 16 novembre 2004, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 24 mai 2005. Le réexamen de sa demande d'asile a également été rejeté par l'OFPRA, le 28 novembre 2006. Suite à une demande présentée, le 19 novembre 2014, M. D... s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire eu égard à son état de santé, qui a été renouvelée jusqu'au 8 octobre 2018. Le 9 octobre 2018, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Le 9 janvier 2020, le préfet de la Drôme a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. "
3. Ainsi qu'il a été dit au point 1, M. D..., a obtenu une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade le 19 novembre 2014 qui lui a été régulièrement renouvelée jusqu'au 8 octobre 2018. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour sollicité, le préfet de la Drôme s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 juin 2019 selon lequel, si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier d'un traitement approprié, et son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour remettre en cause cet avis, que s'est approprié le préfet, M. D... qui présente, d'une part, une atteinte cardiologique et, d'autre part, des troubles psychiatriques en lien, selon lui, avec des persécutions subies dans le pays dont il possède la nationalité, en raison de son appartenance à la communauté kurde, produit notamment un certificat médical établi le 21 janvier 2020 par le médecin psychiatre qui le suit depuis 2014, lequel indique en particulier que " son état de souffrance morale est en rapport direct et certain avec la persécution subie en Turquie " et que " même si les traitements anxiolytiques et calmants existent en Turquie, il ne peut nullement être traité de l'état dépressif en Turquie, ni en dehors de France ", et un nouveau certificat médical en date du 10 juillet 2020 qui précise que, si l'intéressé s'est rendu à plusieurs reprises dans son pays d'origine, les séjours de M. D... en Turquie étaient nécessaires une fois par an pour seconder ses soeurs auprès de sa mère malade. Toutefois ni les certificats médicaux communiqués par le requérant, qui reprennent les dires de l'intéressé sur l'origine de ses troubles psychiatriques, ni aucune autre pièce des dossiers, ne permettent d'établir que des soins adaptés à son état de santé ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine ni que les affections dont il est atteint résulteraient d'événements traumatiques vécus en Turquie et que ce pays serait par lui-même un facteur d'aggravation des troubles dont il souffre, alors que par ailleurs sa demande d'asile a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile et qu'ainsi qu'il l'indique lui-même, M. D... s'est rendu à plusieurs reprises dans ce pays. Ainsi, le préfet de la Drôme a pu, sans méconnaître les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, estimer qu'un traitement médical approprié à l'état de santé de M. D... existait en Turquie et lui refuser, pour ce motif, le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.
4. Au soutien du moyen tiré de l'atteinte disproportionnée portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par le refus de délivrance de titre de séjour contesté, M. D... fait valoir sa présence en France depuis seize ans, la présence de sa soeur titulaire d'une carte de résident de dix ans, et son activité professionnelle régulière à compter de sa régularisation. Toutefois, M. D..., célibataire et sans charge de famille, n'a séjourné que quatre ans de manière régulière, il s'est irrégulièrement maintenu sur le territoire national en dépit d'une précédente décision de refus de séjour assortie d'une mesure d'éloignement prise le 20 septembre 2010 et, s'il soutient entretenir une relation amoureuse avec une ressortissante française, avec laquelle il précise lui-même ne pas résider, les éléments qu'il produit ne sont pas de nature à établir l'intensité et l'ancienneté des liens créés avec cette personne alors que, par ailleurs, il n'établit pas être dépourvu de tout lien en Turquie où séjournent ses soeurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans. Par suite, et alors que rien ne fait obstacle à ce qu'il reparte en Turquie, en refusant le renouvellement d'un titre de séjour à M. D... le 30 juin 2020, le préfet de la Drôme n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. M. D... n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour, n'est pas fondé à s'en prévaloir au soutien de ses conclusions dirigées contre les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.
6. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président ;
Mme Djebiri, premier conseiller ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.
N° 20LY02028 2