Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2020, et des mémoires enregistrés les 22 janvier 2021 et 29 janvier 2021 (non communiqué), présentés pour M. D..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2005240 du 10 août 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile dans un délai de quarante-huit heures à compter de l'arrêt à intervenir, de lui remettre le dossier de demande d'asile à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de l'admettre au séjour en sa qualité de demandeur d'asile, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que la décision de transfert aux autorités autrichiennes a été prise en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 1, 4 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; elle méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ce qui révèle un défaut d'examen particulier de sa situation.
Par des mémoires, enregistrés les 20 octobre 2020 et 28 janvier 2021, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 octobre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).
Vu l'ordonnance n° 20LY02934 du 20 novembre 2020 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président ;
- et les observations de Me C..., substituant Me A..., pour M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1992 à Maza-E-Charif (Afghanistan), après avoir déposé, le 31 octobre 2015, en Autriche, une demande d'asile, est entré sur le territoire français, courant mars 2020, selon ses déclarations, afin de solliciter l'asile. La consultation du fichier européen " Eurodac " a fait alors apparaître que M. D... avait été identifié en Autriche. Les autorités autrichiennes, saisies le 2 juillet 2020, sur le fondement de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, d'une demande de reprise en charge, ont donné leur accord explicite par une décision du même jour. Par des arrêtés du 28 juillet 2020 le préfet du Rhône a ordonné la remise de M. D... aux autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. M. D... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
3. La faculté laissée à chaque État membre, par le 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
4. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 1er de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée ". Aux termes de l'article 4 de cette charte : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " Aux termes de l'article 19 de la même charte : " (...) 2. Nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
5. M. D... fait valoir que les autorités autrichiennes ont rejeté sa demande d'asile et émis à son encontre une décision d'obligation de quitter le territoire et qu'en cas de transfert vers l'Autriche, il sera reconduit en Afghanistan où il encourt des risques pour sa vie, notamment eu égard à la violence extrême qui sévit dans ce pays. Il produit des documents relatifs à l'organisation de son éloignement du territoire autrichien à destination de l'Afghanistan durant une période de rétention du 20 janvier 2020 au 20 février 2020, portant mention d'un certificat de retour délivré par l'ambassade de ce pays et de la réservation d'un vol à destination de son pays d'origine. Toutefois, à supposer même que la demande d'asile de M. D... aurait été définitivement rejetée par les autorités autrichiennes, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il ne serait pas en mesure de faire valoir, le cas échéant, devant ces mêmes autorités, responsables de l'examen de sa demande d'asile et qui ont accepté sa reprise en charge, tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation de conflit qui prévaut en Afghanistan ni que ces mêmes autorités, en conséquence de leur acceptation de la reprise en charge de M. D..., n'évalueront pas de nouveau, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé vers son pays d'origine, les risques auxquels il y serait exposé en cas de retour. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue au 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté. Pour les mêmes motifs, doivent également être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 1, 4 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le requérant ne pouvant, en outre, utilement se prévaloir des dispositions de l'article 34 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, qui ne concernent que les modalités de coopération administrative entre États membres.
6. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. D....
7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de la requête aux fins d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président ;
Mme Djebiri, premier conseiller ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.
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N° 20LY02671