Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2018, les Hospices civils de Lyon (HCL), représentés par Me F..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 juillet 2018 ;
2°) de rejeter la demande de M. D... ;
3°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le principe de sécurité juridique s'oppose à la recevabilité de la demande de M. D... en première instance, enregistrée le 18 novembre 2015 et dirigée contre une décision du 7 mai 2008 qui lui a été notifiée au cours de l'année 2008 ;
- M. D... ne conteste pas avoir eu notification de la décision en litige qu'il a produite à l'appui de son recours ; il ne fait état d'aucune circonstance particulière ;
- la charge de la preuve de la date de notification ne saurait être supportée par les HCL sauf à méconnaître l'article 2224 du code civil ;
- l'exercice de cette preuve est rendu impossible par la procédure postale ;
- la charge de la preuve excède, en l'espèce, un délai raisonnable.
Par un mémoire, enregistré le 20 novembre 2018, M. D..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des HCL une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il revient aux HCL d'établir la notification de la décision en litige ;
- les HCL n'apportent aucun élément venant établir l'existence de la notification par lettre recommandée en accusé de réception qu'ils allèguent ;
- en l'absence de toute certitude sur la date de notification, le délai de saisine du juge ne peut être apprécié ;
- l'article 2224 du code civil est inapplicable au litige ;
- les HCL ne peuvent reporter sur les services postaux la charge de la preuve de la conservation des justificatifs de notification.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique ;
- le décret n° 91-868 du 5 septembre 1991 ;
- le décret n° 91-869 du 5 septembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- les observations de Me E..., pour les HCL, ainsi que celles de Me C..., pour M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Après un recrutement en qualité de contractuel, M. B... D... a été titularisé le 17 décembre 1992 au grade d'analyste programmeur dans un emploi créé par délibération du conseil d'administration du 24 juin 1988 sur le fondement de l'article 8 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 par les Hospices civils de Lyon (HCL) en vertu d'une décision du 3 novembre 1993. A la suite de la constitution de cet emploi en cadre d'extinction en application de l'article 49-1 de la loi n° 2007-148 du 2 février 2007, M. D... a demandé le 17 mars 2008, sur le fondement de l'article 51 de la loi du 9 janvier 1986, à être détaché dans le corps des techniciens supérieurs hospitaliers. Par une décision du 7 mai 2008, le directeur général des HCL a rejeté cette demande. Par une requête enregistrée le 18 novembre 2015, M. D... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de cette décision. Les HCL demandent l'annulation du jugement du 11 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif a fait droit à la demande de M. D....
2. Aux termes d'une part de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " Il résulte de ces dispositions que cette notification doit, s'agissant des voies de recours, mentionner, le cas échéant, l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire ainsi que l'autorité devant laquelle il doit être porté ou, dans l'hypothèse d'un recours contentieux direct, indiquer si celui-ci doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée et, dans ce dernier cas, préciser laquelle.
3. Aux termes d'autre part du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ".
4. En premier lieu, ces dispositions règlent entièrement le régime de la recevabilité des recours en excès de pouvoir devant la juridiction administrative au regard des délais. Par suite, les HCL ne peuvent utilement invoquer, à l'appui de leurs conclusions, la prescription posée par l'article 2224 du code civil.
5. Il résulte en deuxième lieu des dispositions citées ci-dessus que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
6. En l'absence d'élément au dossier établissant une date de notification de la décision en litige, pour apprécier le caractère raisonnable du délai dans lequel il est saisi, le juge, qui ne saurait, n'appliquant pas une prescription, se borner au constat du temps écoulé, doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis afin de déterminer le moment où l'intéressé a acquis une connaissance du contenu de la décision suffisante pour lui permettre de contester celui-ci et qui constitue alors le point de départ dudit délai.
7. Il ressort des pièces du dossier en premier lieu que, si la décision en litige, datée du 7 mai 2008, comporte une mention " Recommandé A.R. ", et a été produite par M. D... à l'appui de sa demande de première instance enregistrée le 18 novembre 2015, elle a été envoyée à l'intéressé, qui ne fait pas état des circonstances dans lesquelles il se l'est procurée, à une adresse différente de celle qu'il a déclarée sur sa requête. Dans ces conditions, aucune date de notification ne peut être regardée comme établie. En second lieu, les HCL, qui ne peuvent utilement faire valoir, par la voie d'une présomption, que cette décision, au motif qu'elle est intervenue le 7 mai 2008, serait nécessairement parvenue à M. D... au cours de l'année 2008, ne produisent à l'instance aucun élément, notamment tiré de décisions ultérieures prises pour la gestion de la carrière de l'intéressé ou d'échanges qui auraient suivi, susceptible d'établir le moment où M. D... en a eu pour la première fois connaissance. Dans ces conditions particulières à l'espèce, et alors même que plus de sept années se sont écoulées entre l'édiction de la décision en litige et sa production par le requérant en première instance à l'appui de sa demande, le point de départ du délai dont il appartient au juge de l'excès de pouvoir saisi d'apprécier le caractère raisonnable au regard de sa durée et des circonstances propres à l'affaire ne peut être déterminé par les pièces du dossier.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les HCL ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a écarté leur fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de M. D... dirigée contre la décision en litige du 7 mai 2008 et annulé celle-ci. Leur requête doit par suite être rejetée et, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de M. D... les frais exposés à l'instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête des Hospices civils de Lyon est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. D... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au directeur général des Hospices civils de Lyon et à M. B... D....
Copie en sera adressée à Me A... et à Me F....
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
N° 18LY03495 2