Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2018, les Hospices civils de Lyon (HCL), représentés par Me F..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 juillet 2018 ;
2°) de mettre à la charge de M. E... les sommes correspondant aux frais de sa formation d'infirmier ;
3°) de mettre à la charge de M. E... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- il est justifié, à tout le moins en appel, du respect des dispositions de l'article L. 1617-5 4° du code général des collectivités territoriales ;
- M. E... a été informé des bases de liquidation de la créance dont il est redevable et des éléments explicatifs du calcul de son montant ;
- l'obligation de payer n'est pas prescrite ;
- constatant de fait la rupture du lien de M. E... avec l'administration, l'obligation de payer est fondée.
Par un mémoire, enregistré le 10 décembre 2018, M. E..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête, à l'annulation du titre exécutoire en litige et à la décharge de l'obligation de payer, et à ce que soit mise à la charge des HCL une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le bordereau n'étant pas signé du même émetteur que le titre, l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales a été méconnu ;
- les bases de la liquidation de la créance sont insuffisamment indiquées, rendant le titre en litige insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- les HCL n'établissent pas que des courriers antérieurs l'informant des bases de la liquidation lui auraient été notifiés ; les informations qui lui ont été communiquées ne faisaient état que d'une éventualité et non d'une obligation ferme ;
- il peut se prévaloir de la prescription quinquennale ;
- il n'a pas quitté la fonction publique mais en a été évincé pour raisons médicales, de sorte que les conditions de l'obligation ne sont pas remplies à son encontre.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le décret n° 2008-824 du 21 août 2008 ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le décret n° 90-319 du 5 avril 1990 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me D..., pour les HCL, ainsi que celles de Me A..., pour M. E... ;
Considérant ce qui suit :
1. Recruté en 1997 en qualité d'agent de service aux Hospices civils de Lyon (HCL), M. C... E... a entrepris une formation d'infirmier de septembre 2001 à novembre 2004, prise en charge par son employeur qui continuait à le rémunérer, et à ce titre a signé en contrepartie le 3 juin 2002 un engagement de servir pendant une durée de cinq ans à compter de l'obtention du diplôme. Diplômé en novembre 2004, il a été, sur sa demande, placé en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 14 décembre 2004, pour une durée de cinq ans renouvelée jusqu'au 13 décembre 2014. A la suite de son refus des trois postes qui lui ont été proposés à l'issue sur sa demande de réintégration, M. E... a été rayé des contrôles des HCL par une décision du 9 juin 2015, après une procédure de licenciement. Un titre de recettes d'un montant de 41 635,72 euros a été émis à son encontre le 20 septembre 2015, qui a été annulé par un jugement du 20 juillet 2018 du tribunal administratif de Lyon, lequel a déchargé M. E... de l'obligation de payer. Les HCL font appel de ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable sous pli simple (...). / En application de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis (...) /. Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures d'où les deux derniers alinéas sont issus, d'une part, que le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif doivent mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur de cette décision, au sens des dispositions citées au point 2, de même, par voie de conséquence, que l'ampliation adressée au redevable, et d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de cet auteur. Lorsque le bordereau est signé non par l'ordonnateur lui-même mais par une personne ayant reçu de lui une délégation de compétence ou de signature, ce sont, dès lors, les noms, prénoms et qualité de cette personne qui doivent être mentionnés sur le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif, de même que sur l'ampliation adressée au redevable.
4. Les HCL, qui avaient fait valoir devant les premiers juges que le document était lors de l'instance retenu par la chambre régionale des comptes dans le cadre de son contrôle, produisent pour la première fois en appel le bordereau journal des titres de recettes du 20 septembre 2015, sur lequel figure le titre de recettes n° 2112245 en litige pour un montant de 41 635,72 euros. Ce bordereau n° 2100370, qui vise le décret n° 66-624 du 19 août 1966 modifié, sous le timbre de la direction générale des HCL, est signé avec la mention " pour l'ordonnateur général et par délégation, le directeur des affaires financières ". Il est constant que l'ampliation du titre de recettes en litige notifiée à M. E... par le receveur des finances porte la mention " Dominique Deroubaix, directeur général, ordonnateur ". Ce titre ne mentionne pas les nom, prénom et qualité du signataire, par délégation de l'ordonnateur, du bordereau dont il est extrait. Par suite, le titre en litige, qui méconnaît les dispositions du code général des collectivités territoriales précitées au point 2, est entaché d'irrégularité.
5. Il suit de là que les HCL ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon, par le jugement attaqué, a annulé ce titre de recettes au motif de son irrégularité.
6. En second lieu, l'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre.
7. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Il résulte de ces dispositions que tout état exécutoire doit indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis, ainsi que les éléments de calcul sur lesquels il se fonde.
8. Pour décharger M. E... de l'obligation de payer la somme de 41 635,72 euros, le tribunal administratif a jugé que le titre exécutoire en litige ne mentionnait pas les bases de liquidation sans faire référence précise à un document précédemment adressé à son destinataire autre qu'une fiche de 2015 mentionnant une somme divergeant, sans explication, de celle portée sur le titre mettant la créance en recouvrement.
9. Il résulte cependant de l'instruction que, par l'article 2 de l'engagement qu'il a signé le 9 juin 2002, M. E... était informé qu'il percevrait pendant sa formation, de septembre 2001 au 30 novembre 2014, l'intégralité de son traitement de base, de l'indemnité de sujétion spéciale et de ses indemnités à caractère familial, par l'article 6, notamment par la mention corrigée manuscrite, combiné à l'article 3, mais qu'il serait astreint à rembourser aux HCL les sommes payées par ce dernier pendant la formation en cas de rupture, en quittant la fonction publique hospitalière, de l'engagement dont le contenu est défini à l'article 4. M. E... ne conteste pas avoir eu notification, par un courrier explicatif du 22 février 2005, d'une fiche établie en vue de l'informer des conséquences financières de la disponibilité qu'il avait obtenue, sur sa demande, à compter du 14 décembre 2004, laquelle indiquait le détail du calcul des sommes dues par lui notamment en cas de démission à l'issue de la disponibilité, qui précisait un montant de 52 081,68 euros. Il ressort du courrier de M. E... qui faisait part de son intention de ne pas réintégrer les HCL à l'expiration de sa dernière période de disponibilité en décembre 2014, auquel la direction du personnel et des affaires sociales des HCL a répondu par un courrier du 24 septembre 2014 en précisant que serait mise en recouvrement après radiation des cadres la somme de 52 081,68 euros, que M. E... avait connaissance exacte de la portée, à cette date, de son engagement et des conséquences financières de sa rupture. Le titre de recettes en litige mentionne, quant à lui, " remboursement frais d'études E... Gilles " et " frais d'études suite rupture de contrat ". Il résulte enfin de l'instruction que le montant de 41 635,72 euros mis à la charge de l'intéressé par le titre de recettes, lequel devait nécessairement appliquer les textes en vigueur à la date de son édiction, en l'espèce l'article 9 du décret n° 2002-824 du 21 août 2008, s'il est inférieur au montant annoncé par l'information donnée à M. E... par la fiche notifiée avec le courrier du 22 février 2005 et rappelé ultérieurement dans ses échanges avec l'administration, est celui porté dans le bordereau journal et représente le montant des sommes perçues durant la formation, explicitement mentionné dans l'article 6 de son engagement, calculé en application dudit article 9 au demeurant plus favorable pour le débiteur. Dans ces conditions, la circonstance que ce montant soit minoré par rapport à celui annoncé dans les documents antérieurs communiqués à M. E... est sans incidence sur la plénitude et la précision de l'information antérieure dispensée à M. E... sur la portée des conséquences de la rupture de son engagement.
10. Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article 7 du décret n° 90-319 du 5 avril 1990, en vigueur à la date de la signature de l'engagement de servir le 9 juin 2002, que la créance de l'établissement ayant financé la formation de l'intéressé naît du fait de la rupture de son engagement par ce dernier et, par suite, à la date d'effectivité de cette rupture. Dès lors, le fait générateur de la créance des HCL à l'encontre de M. E... est constitué à la date de la décision prononçant son licenciement, le 9 juin 2015. M. E... n'est ainsi pas fondé à se prévaloir, sans d'ailleurs assortir son moyen en défense des précisions utiles à en examiner la portée, d'une prescription de la dette mise à sa charge.
11. Enfin, aux termes de l'article 7 du décret du 5 avril 1990 mentionné au point 10 : " Lorsque, à l'issue d'une formation prévue au b de l'article 2, l'agent qui a été rémunéré pendant sa formation obtient l'un des certificats ou diplômes lui donnant accès aux corps, grades ou emplois mentionnés dans le décret du 30 novembre 1988 susvisé, dans les décrets n° 89-609, n° 89-611, n° 89-613 du 1er septembre 1989 susvisés et dans le décret n° 93-652 du 26 mars 1993, il est tenu de servir dans un des établissements énumérés à l'article2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée pendant une durée égale au triple de celle de la formation, dans la limite de cinq ans maximum à compter de l'obtention de ce certificat ou diplôme. Dans le cas où l'agent quitte la fonction publique hospitalière avant la fin de cette période, il doit rembourser à l'établissement qui a assuré sa formation les sommes perçues pendant cette formation proportionnellement au temps de service qui lui restait à accomplir. " Aux termes de l'article 1er du décret du 21 août 2008 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la fonction publique hospitalière, rendu applicable aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière par les dispositions de l'article 9 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " La formation professionnelle tout au long de la vie comprend principalement les actions ayant pour objet : (...) 4° De permettre aux agents de suivre des études favorisant la promotion professionnelle, débouchant sur les diplômes ou certificats du secteur sanitaire et social dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article 9 du même décret, dont l'article 39 a abrogé, à compter du 4 août 2008 les dispositions précitées de l'article 7 du décret du 5 avril 1990 : " Lorsque, à l'issue d'une formation prévue au 4° de l'article 1er, l'agent qui a été rémunéré pendant sa formation obtient l'un des certificats ou diplômes lui donnant accès aux corps, grades ou emplois mentionnés par arrêté du ministre chargé de la santé, il est tenu de servir dans un des établissements énumérés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 modifiée susvisée pendant une durée égale au triple de celle de la formation, dans la limite de cinq ans maximum à compter de l'obtention de ce certificat ou diplôme. / Dans le cas où l'agent quitte la fonction publique hospitalière avant la fin de cette période, il doit rembourser à l'établissement auquel incombe la charge financière de sa formation les sommes perçues pendant cette formation, proportionnellement au temps de service qui lui restait à accomplir ".
12. Il résulte de ces dispositions, qui sont applicables de plein droit et auxquelles il n'est en tout état de cause pas permis de déroger par contrat, que l'agent qui a bénéficié d'une formation rémunérée par l'établissement public qui l'emploie, est tenu de servir dans l'un des établissements énumérés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 précitée, pendant une durée égale au triple de celle de sa formation et, au cas où il cesserait de servir dans la fonction publique hospitalière avant ce terme, ne peut être tenu de rembourser que les seules rémunérations qu'il a perçues durant cette formation, à l'exclusion des frais et charges de toute nature supportées par son employeur. En outre ni ces dispositions, ni aucun principe du droit de la fonction publique, n'impose à un agent public ayant bénéficié de la prise en charge financière de sa formation par un centre hospitalier d'assurer la totalité de son engagement de servir au sein du même centre.
13. Il ressort de son courrier en date du 20 novembre 2014 que, revenant sur son intention exprimée par un courrier précédent non daté mais auquel les HCL avaient répondu le 24 septembre 2014 par l'information mentionnée au point 9, M. E... a sollicité sa réintégration à l'issue de sa disponibilité sur des postes à mi-temps à l'hôpital de la Croix-Rousse. Par un courrier du 20 novembre 2014 et des courriels en date des 16 décembre 2014 et 11 janvier 2015, il a refusé son affectation sur les trois postes qui lui ont été proposés par les HCL, pour des raisons familiales ou personnelles. La décision du 9 juin 2015, prise sur avis favorable de la commission administrative paritaire, tirant les conséquences de ces refus en application de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 pour prononcer le licenciement de M. E..., qui n'a pas été contestée par l'intéressé, sans que celui-ci puisse pour la première fois en appel et à l'appui de ses conclusions en défense dans le litige ayant pour objet l'obligation de payer née du titre de recettes du 20 septembre 2015 utilement faire valoir des motifs de santé à ses refus, a eu pour effet de rompre tout lien entre la fonction publique hospitalière et M. E.... Celui-ci, qui avait ainsi quitté la fonction publique hospitalière au sens des dispositions précitées au point 11, ne pouvait dès lors qu'être regardé comme ayant, à cette date, rompu son engagement de servir, fait générateur de la créance des HCL et de son obligation de payer.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les HCL sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a déchargé M. E... de son obligation de payer. Le surplus de leur requête doit par suite être rejeté.
15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés à l'instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 juillet 2018 est annulé en tant qu'il a déchargé M. E... de l'obligation de payer la somme de 41 635,72 euros.
Article 2 : Le surplus de la requête des Hospices Civils de Lyon est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de M. E... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au directeur général des Hospices Civils de Lyon et à M. C... E....
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
N° 18LY03527 7