Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 17 janvier 2020, M. B... représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, ainsi que l'arrêté du 23 juillet 2019 pris par le préfet de l'Isère ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ne reposent pas sur un examen de sa situation personnelle ; le refus de séjour est insuffisamment motivé ; il méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de délai de départ volontaire est illégal dès lors qu'il ne présente aucun risque de fuite et n'est pas une menace pour l'ordre public alors qu'il justifie d'un hébergement stable ; cette absence de délai est insuffisamment motivée et ne prend pas en compte sa situation personnelle ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français d'un an n'est pas justifiée compte tenu de l'ancienneté de son séjour, de ses attaches stables sur le territoire et des perspectives d'intégration ; elle porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale et est disproportionnée.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité congolaise né en 1967, déclare être entré sur le territoire français en décembre 2009. Suite au rejet de sa demande d'asile et après plusieurs refus de titre de séjour assortis de mesures d'éloignement en 2014 et 2016, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé et au regard de sa vie privée. Par un arrêté du 23 juillet 2019, le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'une année. M. B... relève appel du jugement lu le 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
S'agissant du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, le refus de séjour en litige, après avoir rappelé les différentes demandes de titre de séjour présentées par M. B... depuis son entrée sur le territoire français, ainsi que les refus de titre et mesures d'éloignement qui lui ont été opposés et sa dernière demande de titre de séjour, précise le sens de l'avis du collège de médecins rendu sur sa demande et l'examen de sa situation médicale, privée et familiale. Il est dès lors suffisamment motivé et repose sur un examen de sa situation personnelle.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre de troubles psychiatriques liés à un grave état post-traumatique pris en charge depuis 2011 par un médecin psychiatre à Grenoble. Dans le cadre de l'instruction de sa demande, le collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans un avis du 31 juillet 2018, s'il a précisé que l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, a estimé qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Par ailleurs, les informations données par le médecin-référent de l'ambassade de France à Kinshasa le 5 septembre 2013 précisent que la pathologie psychiatrique est prise en charge dans les grandes villes de la République Démocratique du Congo (RDC) et qu'" en matière de médicaments, toutes les spécialités usuelles sont disponibles à Kinshasa " alors que le certificat du psychiatre suivant M. B... se borne à indiquer que ce dernier est suivi régulièrement depuis novembre 2011 pour des troubles anxiodépressifs sans préciser que le traitement médicamenteux qu'il suit est indisponible dans le pays d'origine de l'intéressé. Par suite, compte tenu de ces éléments et alors que M. B... n'apporte aucun élément quant au lien allégué entre sa pathologie et son pays d'origine, le moyen tiré de ce que le refus de séjour en litige méconnaîtrait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. En l'absence d'autre élément et pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code présenté à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français doit également être écarté.
5. En dernier lieu, les moyens tirés de ce que le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et seraient entachés d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les même motifs que ceux retenus par le tribunal et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
S'agissant de l'absence de délai de départ volontaire :
6. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours (...) / (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".
7. Le refus de délai de départ volontaire est fondé sur le II 3 d) de l'article L. 511-1 du code précité et est motivé par le fait que M. B... s'est soustrait à deux reprises à l'exécution de précédentes mesures d'éloignement et qu'il ne justifie pas de circonstances particulières. Cette décision est dès lors suffisamment motivée. Par ailleurs, compte tenu des circonstances précitées de l'espèce et alors même que le comportement de M. B... ne constitue pas une menace pour l'ordre public, le préfet de l'Isère pouvait légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.
S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français d'un an :
8. Aux termes du III du même article L. 511-1 : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans (...), lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour./ (...) / (...) le prononcé et la durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Eu égard aux deux précédentes mesures d'éloignement qui lui ont été opposées et qui n'ont pas été exécutées par l'intéressé, permettant ainsi son maintien en séjour irrégulier sur le territoire français, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les dispositions précitées en prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour, dont la durée, limitée à une année, n'est pas disproportionnée.
9. Enfin, M. B..., célibataire et sans attaches familiales sur le territoire français où il serait entré à l'âge de quarante-deux ans, n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales hors de France dès lors notamment qu'il conserve trois enfants en Afrique du sud et un enfant en Angola. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 juillet 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour d'une durée d'une année. Ses conclusions d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
N° 20LY00282