Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2019 et des mémoires enregistrés les 15 novembre 2019 et 29 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 19 juillet 2018 ainsi que les décisions des 26 octobre 2017 et 19 juillet 2018 ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le délai de trois jours entre la convocation et la réunion des membres du comité d'établissement n'a pas été respecté ;
- elle n'a pas bénéficié d'un délai suffisant entre la tenue de l'entretien préalable et la réunion du comité lui permettant de préparer sa défense ;
- le contradictoire n'a pas été respecté lors de la contre-enquête ;
- les faits fautifs sont prescrits ;
- son licenciement est infondé et la décision l'autorisant est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il existe un lien entre son licenciement et son mandat syndical.
Par mémoire enregistré le 6 octobre 2019, la société Monoprix, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par mémoire enregistré le 6 mars 2020, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures présentées en première instance.
Par ordonnance du 2 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me C... pour Mme A... ainsi que celles de Me D... substituant Me E... pour la société Monoprix ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Monoprix a demandé le 30 août 2017 à l'inspection du travail, l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire Mme A..., occupant le poste de chef de rayon maison loisirs parfumerie et investie du mandat de délégué du personnel suppléante. Par décision du 26 octobre 2017, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement. Par décision du 19 juillet 2018, le ministre du travail, retirant le rejet implicite du recours hiérarchique de Mme A..., a annulé la décision du 26 octobre 2017 et autorisé la société Monoprix à licencier Mme A.... Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision ministérielle et a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande d'annulation des décisions du 26 octobre 2017 et 27 avril 2018.
2. D'une part, la décision de l'inspecteur du travail prise le 26 octobre 2017 ayant été retirée par la décision ministérielle expresse, devenu définitive sur ce point, ayant statué sur le recours hiérarchique, les conclusions de la requête tendant à son annulation, dépourvues d'objet, sont irrecevables et doivent être rejetées.
3. D'autre part, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
4. L'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable au moment des faits : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel (...) est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement (...) ". Aux termes de l'article R. 2421-8 du même code : " L'entretien préalable au licenciement a lieu avant la consultation du comité d'entreprise (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'employeur d'offrir la faculté au salarié de présenter utilement ses observations devant le comité d'entreprise et que cette obligation pèse sur lui, notamment, lors de l'organisation de l'entretien préalable dont la finalité est de communiquer à l'intéressé les griefs et le détail des éléments qui fondent le projet de licenciement. Or, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement organisé la veille de la réunion du comité d'entreprise qui s'est tenue le 29 août 2017, alors que les convocations à cet entretien et à la réunion du comité d'entreprise ne lui exposaient pas les griefs qui lui étaient imputés et que ne lui avaient pas été davantage communiqués les éléments censés établir la matérialité et la gravité de ces griefs. Dans ces conditions, le délai d'un jour dont elle a disposé n'a pu lui permettre de recueillir les éléments ou témoignages utiles à sa défense devant le comité d'entreprise. Elle est, par suite, fondée à soutenir que la décision attaquée a été prise en considération de motifs non soumis au contradictoire par l'entreprise.
6. Il résulte de ce qui précède que doivent être annulés le jugement attaqué, en ce qu'il rejette la demande d'annulation de la décision du 19 juillet 2018 par laquelle le ministre du travail a autorisé la société Monoprix à licencier Mme A..., ainsi que ladite décision en ce qu'elle autorise le licenciement de Mme A....
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme A.... En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais liés au litige exposés par la société Monoprix.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1801642 lu le 28 mai 2019 du tribunal administratif de Dijon, en ce qu'il rejette la demande d'annulation de la décision du 19 juillet 2018 par laquelle le ministre du travail a autorisé le licenciement de Mme A..., est annulé.
Article 2 : La décision du 19 juillet 2018 par laquelle le ministre du travail a autorisé la société Monoprix à licencier Mme A... est annulée.
Article 3 : L'État versera à Mme A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejetée.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la société Monoprix.
Délibéré après l'audience du 25 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.
N° 19LY02895 2
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