Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 20 octobre 2020, le préfet de l'Ain, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 septembre 2020 ;
2°) de rejeter les demandes de M. D... dirigées contre la décision du 5 février 2020 par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'arrêté en litige portaient atteinte aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'intéressé peut poursuivre sa scolarité dans son pays d'origine, qu'il ne dispose pas de projet professionnel écrit et que ses parents font également l'objet d'un refus de séjour ;
- les moyens développés en première instance n'étaient pas fondés.
Par mémoire enregistré le 30 novembre 2020, M. A... D..., représenté par Me C... conclut au rejet de la requête du préfet et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me E..., substituant Me C..., pour M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / (...). "
2. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., ressortissant du Kosovo né le 3 mai 1998 est entré irrégulièrement sur le territoire français à l'âge de quatorze ans avec ses parents et ses deux soeurs, le 13 février 2013. Après le rejet de la demande d'asile de ses parents qui se sont maintenus sur le territoire français nonobstant plusieurs refus de titre de séjour assortis de mesures d'éloignement, notamment les 6 octobre 2014, 13 mars 2015 et 9 mars 2016, qu'ils n'ont pas exécutées, M. D..., alors majeur, s'est vu opposer un premier refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement par arrêté du 21 juin 2018 qu'il n'a pas exécuté. Si l'intéressé entend se prévaloir de la durée de son séjour sur le territoire français, de sa volonté d'intégration notamment au regard de sa scolarité et du séjour régulier sur le territoire français de ses deux jeunes soeurs, désormais majeures, il ressort toutefois des pièces du dossier que la présence de M. D... sur le territoire français résulte du maintien de ses parents puis de lui-même, une fois majeur, en dépit de plusieurs mesures d'éloignement, confirmées par des décisions juridictionnelles, alors que ses parents font également l'objet de décisions de refus de séjour assorties de mesures d'éloignement et que, si ses soeurs bénéficient d'un titre de séjour compte tenu de leur entrée sur le territoire français avant l'âge de treize ans et y poursuivent des études, cette dernière circonstance ni aucune autre ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays d'origine de l'ensemble des membres de la famille. Compte tenu de ces circonstances, c'est à tort que, pour annuler le refus de séjour en litige, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande présentée par M. D... tant en première instance qu'en appel.
4. En premier lieu, le refus de séjour en litige a été signé par M. B..., directeur de la citoyenneté et de l'intégration de la préfecture de l'Ain qui disposait d'une délégation de signature à cet effet par arrêté n° 01-2019-11-05-001 du 5 novembre 2019 publié au recueil des actes administratifs spécial du 6 novembre 2019. Il n'est dès lors pas entaché d'incompétence.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de l'arrêté en litige que le préfet de l'Ain se serait abstenu d'examiner la situation personnelle de M. D....
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 2° de l'article R. 313-1:/(...);/2° L'étranger qui a suivi une scolarité en France depuis au moins l'âge de seize ans et qui y poursuit des études supérieures. A l'appui de sa demande, l'étranger doit justifier du caractère réel et sérieux des études poursuivies. "
7. Pour refuser de délivrer à M. D... un titre de séjour en qualité d'étudiant, le préfet de l'Ain a relevé que l'intéressé était dépourvu d'un visa long séjour, qu'il ne justifiait pas de moyens d'existence suffisants ni du caractère sérieux de ses études. Il ressort des pièces du dossier que, si M. D... entend se prévaloir de sa scolarité en France depuis l'âge de seize ans, il n'est pas contesté que l'intéressé, entré irrégulièrement sur le territoire français alors qu'il était mineur, n'a pas demandé, au soutien de sa demande de titre de séjour portant la mention " étudiant ", de dispense de production d'un visa de long séjour et ne fait état d'aucune nécessité liée au déroulement de ses études ni d'aucun cas particulier justifiant qu'il soit dérogé à la condition énoncée par l'article R. 313-10 précité. Par ailleurs, la seule circonstance que M. D... réside chez ses parents, également en séjour irrégulier, ne démontre pas qu'il dispose de moyens d'existence suffisants au sens des dispositions précitées. Compte tenu de ces deux éléments et sans qu'il soit besoin d'examiner si la réorientation de l'intéressé en filière juridique et son échec en première année de l'université remettent en cause le caractère sérieux de ses études, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif de l'absence de présentation d'un visa long séjour, le préfet de l'Ain aurait méconnu les dispositions précitées.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...). " Le maintien de M. D... sur le territoire français ainsi que son souhait d'y poursuivre sa scolarité, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où ses parents également en séjour irrégulier comme lui-même, ont vocation à s'établir, ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'une carte de séjour temporaire au sens des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En cinquième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 2 et en l'absence d'autre élément, M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Ain est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 5 février 2020 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. D.... Par suite, le jugement attaqué doit être annulé et la demande d'annulation présentée par M. D... doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, les demandes d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2001350 lu le 24 septembre 2020 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. D... devant le tribunal et devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... D....
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain et au procureur près le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse.
Délibéré après l'audience du 4 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président ;
Mme Djebiri, premier conseiller ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.
N° 20LY03032 2