Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 novembre 2019 et 4 décembre 2020, M. I..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon et les décisions implicites portant rejet des demandes de mutation au titre des années 2017 et 2018 et les arrêtés des 23 août 2017, 31 juillet 2018 et 7 août 2018 portant affectation de M. F..., Mme C... et M. E... ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de modifier la liste des fonctionnaires mutés et de faire droit à sa demande de mutation ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions en litige ne sont pas motivées ;
- elles ont été prises à la suite d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que la composition de la commission administrative paritaire nationale ait été régulière ;
- le ministre s'est cru lié par l'avis de la commission administrative paritaire nationale et ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation ;
- l'ancienneté dans un poste spécifique ne constitue pas un critère objectif pour rejeter la demande de mutation d'un agent dans le cadre d'un mouvement polyvalent ;
- les décisions en litige ne sont pas fondées sur des critères objectifs dès lors que des agents ayant un nombre de points inférieur ont été mutés en méconnaissance des règles que l'administration a elle-même établies ; elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- au titre du mouvement de mutation 2017, il disposait d'une plus grande ancienneté et d'un meilleur profil que l'agent F... ;
- au titre du mouvement de mutation 2018, il disposait d'une plus grande ancienneté et d'une notation équivalente à l'agent C..., il disposait de plus d'ancienneté et d'une meilleure notation que l'agent E....
Par mémoire enregistré le 4 novembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête en renvoyant à ses observations présentées en première instance.
La requête de M. I... a été communiquée à M. H... F..., Mme B... C... et M. G... E... qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;
- le décret n° 2016-1969 du 28 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. I..., gardien de la paix affecté à la compagnie républicaine de sécurité 46 à Sainte-Foy-lès-Lyon a présenté le 15 mai 2017, une demande de mutation comportant, en premier choix, le secrétariat général pour l'administration de la Police (SGAP) 974 de La Réunion, demande implicitement rejetée. Il a de nouveau demandé, le 11 mai 2018, sa mutation à ce poste. Suite à un autre rejet implicite de sa demande, il a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande d'annulation de ces deux refus de mutation et des rejets de ses recours gracieux, ainsi que des arrêtés du 23 août 2017, des 31 juillet et 7 août 2018 prononçant les mutations à ce service de La Réunion de M. F... à compter du 1er septembre 2017, de Mme C... et de M. E... à compter du 1er septembre 2018. Il relève appel du jugement lu le 25 septembre 2019 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. / Dans les administrations (...) où sont dressés des tableaux périodiques de mutations, l'avis des commissions est donné au moment de l'établissement de ces tableaux. / (...) Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles (...), aux fonctionnaires handicapés (...) et aux fonctionnaires qui exercent leurs fonctions (...) dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ainsi qu'aux fonctionnaires qui justifient du centre de leurs intérêts matériels et moraux dans une des collectivités [d'outre-mer] (...) / (...) / Dans les administrations (...) mentionnés au deuxième alinéa du présent article, l'autorité compétente peut procéder à un classement préalable des demandes de mutation à l'aide d'un barème rendu public. Le recours à un tel barème constitue une mesure préparatoire et ne se substitue pas à l'examen de la situation individuelle des agents. Ce classement est établi dans le respect des priorités figurant au quatrième alinéa du présent article. Toutefois, l'autorité compétente peut édicter des lignes directrices par lesquelles elle définit, sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, des critères supplémentaires établis à titre subsidiaire (...) ".
3. Il résulte de l'article 60 précité de la loi du 11 janvier 1984, d'une part, que toutes les demandes de mutation, qu'elles soient ou non intégrées à un tableau de mutation, doivent être classées selon les critères familiaux et sociaux énoncés par le quatrième alinéa de cet article, d'autre part, que sans renoncer à son pouvoir d'appréciation de l'intérêt du service, l'administration peut départager les candidatures à une même affectation intégrée à un tableau à l'aide de critères subsidiaires qu'elle aura préalablement publiés. En toute hypothèse, elle doit justifier de ce que son choix repose sur l'application des critères de la loi et subsidiairement, des critères préalablement définis et publiés sous forme de ligne directrice.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. I... justifiait, dans le cadre du mouvement de mutation des gardiens de la paix 2017 et 2018, d'une ancienneté et d'un nombre de points supérieur aux trois agents affectés sur les postes qu'il demandait et dont il conteste les mutations. Si le ministre de l'intérieur justifie les mutations de M. F... en 2017, de Mme C... et de M. E... en 2018 par l'adéquation entre leur expérience professionnelle et le poste à pourvoir, un tel critère, qui n'est prévu par aucune disposition législative et règlementaire ou ligne directrice, ne pouvait fonder les refus de mutation en litige, alors en outre qu'il n'est pas même allégué que les candidatures auraient fait l'objet d'un classement établi selon la méthode décrite aux points 2 et 3. Par suite, M. I... est fondé à soutenir que les actes en litige méconnaissent les dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 précité.
5. Il résulte de ce qui précède que les décisions implicites par lesquelles le ministre de l'intérieur a rejeté les demandes de mutation de M. I... au titre des années 2017 et 2018 et les arrêtés des 23 août 2017, 31 juillet 2018 et 7 août 2018 par lesquels le ministre de l'intérieur a respectivement affecté M. F..., Mme C... et M. E... aux postes auxquels il demandait lui-même à être affecté doivent être annulés, ainsi que le jugement attaqué.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Compte tenu du motif d'annulation, le présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, mais seulement, que le ministre de l'intérieur réexamine la demande de mutation présentée par M. I.... Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros à verser à M. I....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1808174 lu le 25 septembre 2019 du tribunal administratif de Lyon et les décisions implicites par lesquelles le ministre de l'intérieur a rejeté les demandes de mutation au titre des années 2017 et 2018 de M. I..., ainsi que les arrêtés des 23 août 2017, 31 juillet 2018 et 7 août 2018 par lesquels le ministre de l'intérieur a respectivement affecté M. F..., Mme C... et M. E... au SGAP de La Réunion, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de mutation présentée par M. I... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à M. I... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. I... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... I..., au ministre de l'intérieur, à M. H... F..., Mme B... C... et M. G... E....
Délibéré après l'audience du 8 avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
Mme Djebiri, premier conseiller ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.
N° 19LY04214