Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 2 mars 2020, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler ce jugement du 31 janvier 2020 et de rejeter les demandes de M. A....
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'arrêté en litige était entaché d'erreur d'appréciation dès lors que la situation de l'intéressé ne justifiait pas l'annulation de l'arrêté en litige ni a fortiori une injonction en délivrance de titre de séjour de salarié ou d'étudiant ;
- il a précédé à un examen particulier et circonstancié de sa situation et notamment à une appréciation globale ;
- l'intéressé ne démontre pas ne plus être en contact avec sa famille qui demeure dans son pays d'origine.
La requête d'appel a été communiquée à M. A..., qui n'a pas présenté d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 1er juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " À titre exceptionnel (...), la carte de séjour temporaire (...) portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".
2. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
3. Pour refuser à M. A..., ressortissant de la République de Guinée né le 27 janvier 2001 et entré irrégulièrement en France le 1er juin 2017, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Isère, après avoir relevé que l'intéressé a effectivement été confié à l'aide sociale à l'enfance entre seize et dix-huit ans, que l'avis de la structure d'accueil lui est favorable et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, a toutefois estimé que ces éléments ne sont pas à eux seuls de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour dès lors que l'intéressé ne justifie pas être orphelin de père et qu'il conserve de fortes attaches familiales en République de Guinée où réside sa mère. Il a ainsi procédé à une appréciation globale de la situation de M. A... lequel se borne à évoquer le décès de son père lors de leur traversée de la Méditerranée et la circonstance qu'il n'a que des contacts très occasionnels avec sa mère. Il suit de là que le préfet a pu légalement déduire, sans entacher son arrêté d'erreur manifeste d'appréciation, que M. A... ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté du 2 octobre 2019. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... tant devant le tribunal administratif qu'en appel.
5. En premier lieu, Mme Lombard, secrétaire générale adjointe de la préfecture de l'Isère, disposait d'une délégation de signature par arrêté du 26 septembre 2019 publié au recueil des actes administratifs spécial du 1er octobre 2019 pour signer l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision manque en fait.
6. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le refus de séjour méconnaît le principe de bonne administration, issu de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux, n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en examiner le bien-fondé.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'est présent sur le territoire français que depuis le 1er juin 2017 et n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de seize ans. Dès lors, le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire en litige n'ont pas porté au droit au respect à la vie privée et familiale de M. A..., une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Pour les mêmes motifs, ces décisions ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
8. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé et la demande d'annulation présentée par M. A... contre l'arrêté du 2 octobre 2019 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sous trente jours doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1907040 du tribunal administratif de Grenoble lu le 31 janvier 2020 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. A... devant le tribunal sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur près du tribunal judiciaire de Grenoble en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 8 avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
Mme Djebiri, premier conseiller ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.
N° 20LY00889 2