Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 17 juillet 2020, M. A... représenté par Me B... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions susmentionnées ;
2°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de l'Ardèche de lui délivrer un titre de séjour dans les quinze jours, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois après remise sous huit jours d'une autorisation provisoire de séjour et de travail, enfin et dans l'hypothèse d'une annulation de la fixation du pays de destination, de l'assigner à résidence ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de titre litigieux est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile quant à l'application et l'appréciation des critères d'admission au séjour et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la mesure d'éloignement est illégale en raison des illégalités entachant le refus de titre de séjour ;
- la décision d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11, les articles L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de séjour ;
- le refus de délai de départ volontaire supérieur à trente jours méconnaît l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Ardèche qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 10 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller ;
- et les observations de Me B..., pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête :
1. M. A..., ressortissant guinéen né en 2001, relève appel du jugement du 5 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 3 juin 2019 par lesquelles le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " A titre exceptionnel (...), la carte de séjour temporaire prévue au 1o de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) " .
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française, il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.
4. Il ressort de la lecture de la décision en litige que pour refuser d'admettre au séjour le requérant sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de l'Ardèche a relevé, d'une part, des résultats insuffisants et des difficultés de compréhension dans sa formation de CAP Boulangerie, d'autre part, une arrivée très récente en France. Toutefois, il ressort du relevé de notes produit que ses professeurs, après avoir relevé ses difficultés ont souligné son caractère appliqué et volontaire et l'ont encouragé à poursuivre ses efforts. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... se serait trouvé, à la date de la décision attaquée, d'ores et déjà dans l'incapacité d'obtenir son diplôme, la structure d'accueil ayant d'ailleurs rendu un avis favorable soulignant son investissement dans la formation, l'intéressé étant en outre parvenu à obtenir, un contrat d'apprentissage en boulangerie dont il verse au débat les bulletins de salaire ainsi qu'une attestation par laquelle son employeur souligne son implication et son sérieux. Enfin, l'avis de la structure d'accueil ne fait mention d'aucun contact entre le requérant et sa famille, depuis son arrivée en France, alors qu'il a produit un jugement supplétif du 7 mars 2018 indiquant que ses deux parents sont décédés. Par suite, il est fondé à soutenir que le préfet de l'Ardèche a entaché son refus de titre d'erreur manifeste d'appréciation des critères énoncés par l'article L. 313-15 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, par voie de conséquence, d'illégalité l'obligation de quitter le territoire et la fixation du pays de renvoi.
5. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 3 juin 2019 et le jugement n° 1905887 lu le 5 février 2020 (rectifié le 21 février 2020) doivent être annulés.
6. Eu égard au motif qui la fonde et aux circonstances de fait à la date du présent arrêt, la présente annulation implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, mais seulement que l'autorité compétente réexamine le droit au séjour de M. A.... Dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de saisir le préfet du département où séjourne actuellement M. A... aux fins que cette autorité statue de nouveau sur le droit au séjour de l'intéressé dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, après remise d'une autorisation provisoire de séjour sous quinzaine. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocat de M. A... renonce à percevoir l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à verser à Me B..., au titre des frais exposés à l'occasion du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1905887 lu le 5 février 2020 et l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 3 juin 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de saisir le préfet du département où séjourne actuellement M. A... aux fins que cette autorité statue de nouveau sur le droit au séjour de l'intéressé dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, après remise d'une autorisation provisoire de séjour sous quinzaine.
Article 3 : L'État versera une somme de 1 000 euros à Me B... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 8 avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
Mme Djebiri, premier conseiller ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.
N° 20LY01896 2
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