Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 mai et le 9 août 2019, la Mutualité française bourguignonne, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée au tribunal par M. D... ;
2°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, car entaché d'une contradiction dans sa motivation ;
- il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est montré violent envers les jeunes, ces faits sont d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement.
Par mémoire enregistré le 7 juin 2019, le ministre du travail s'associe au conclusions de la requête de la Mutualité française bourguignonne.
Par mémoires enregistrés les 12 juillet et 6 septembre 2019 (non communiqué), M. D... représenté par Me C... conclut au rejet de la requête de la Mutualité française bourguignonne et des conclusions du ministre du travail, et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la Mutualité française bourguignonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a pas d'antécédents et que les faits du 4 juillet 2017 ne sont pas établis ;
- il existe un lien entre son mandat et la demande d'autorisation de licenciement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., pour la Mutualité française bourguignonne ;
Considérant ce qui suit :
1. La Mutualité française bourguignonne a demandé le 29 septembre 2017, l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire M. D..., investi des mandats de délégué syndical et de secrétaire de la section syndicale de la Mutualité Française. Éducateur technique affecté à l'institut médico-éducatif " L'Éventail " de Semur-en-Auxois, il a fait l'objet d'un signalement pour des faits de violence à l'égard de l'un des jeunes dont il assurait l'encadrement, suite à un incident survenu en juillet 2017. Par décision du 29 novembre 2017, l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire. Le ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique dont l'avait saisi M. D..., par décision du 14 juin 2018. La Mutualité française bourguignonne relève appel du jugement lu le 13 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 14 juin 2018 l'ayant autorisé à licencier M. D....
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. En outre, aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié ".
3. Pour autoriser la Mutualité française bourguignonne à licencier M. D..., le ministre a retenu que celui-ci a crié après deux jeunes et a frappé l'un d'entre eux. Les pièces du dossier ne permettent pas de regarder comme établi que M. D... aurait commis un acte de violence physique à l'encontre du jeune E... dès lors qu'il y a discordance dans les témoignages et que l'intéressé ne reconnaît pas les faits qui lui sont imputés. Si M. D... a reconnu s'être emporté verbalement, cet incident isolé n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement. Eu égard à ces circonstances, un doute subsiste sur l'exactitude matérielle des faits reprochés à M. D.... Il résulte des dispositions citées au point 2 que le doute sur la matérialité des faits les plus graves doit profiter au salarié. Par suite, en retenant les faits de violences physiques comme fautifs, le ministre du travail a entaché sa décision d'illégalité.
4. Il résulte de ce qui précède que Mutualité française bourguignonne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du ministre du travail portant rejet du recours hiérarchique de M. D..., sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de recevoir opposée en défense aux conclusions du ministre du travail.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Mutualité française bourguignonne une somme de 1 500 euros à verser à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Mutualité française bourguignonne est rejetée.
Article 2 : La Mutualité française bourguignonne versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Mutualité française bourguignonne, au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à M. B... D....
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
N° 19LY01837 2
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