Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 3 mars 2020, M. C..., représenté par Me A... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté susmentionné ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal a méconnu les dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les dispositions du 6° de l'article L 511-1, I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui communiquer le dossier ayant servi de base à l'adoption de la mesure contestée, le jugement attaqué méconnaît les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute de notification de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sur la base de laquelle elle a été prise ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de perspective raisonnable en vue de son éloignement ;
- l'article L. 742-4 et l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui confèrent le droit de demander la communication du dossier sur le fondement duquel cette assignation a été prise.
Par mémoire enregistré le 10 avril 2020, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant albanais né en 1992, est entré irrégulièrement sur le territoire français, en mars 2018, pour y demander l'asile. Sa demande a été rejetée, en dernier lieu, par la cour nationale du droit d'asile, le 1er juillet 2019. Il relève appel du jugement du 14 février 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le préfet de la Savoie l'a assigné à résidence afin d'exécuter l'obligation de quitter le territoire français prononcée le 24 décembre 2019 et dont il soutient n'avoir pas reçu notification.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ". Aux termes du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise ". M. C... soutient que les dispositions précitées ont été méconnues par le juge de première instance qui a cru pouvoir statuer sur sa demande, alors que le préfet n'avait pas communiqué à l'instance les pièces qui lui ont permis de prendre la décision contestée, ce qui l'aurait privé du droit à un procès équitable au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le requérant n'apporte aucune précision sur les pièces détenues par l'administration et que le tribunal se serait abstenu de faire verser au débat, en méconnaissance des dispositions précitées.
Sur le fond du litige :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux assignations à résidence prises, comme en l'espèce, sur le fondement de l'article L. 561-2 du même code : " La décision d'assignation à résidence est motivée ", tandis qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'assignation à résidence constitue une mesure de police qui doit être motivée selon les dispositions précitées. L'arrêté attaqué vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles il se fonde. Il mentionne que M. C... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qu'il est nécessaire d'en assurer l'exécution. Ces éléments répondent aux exigences de l'obligation de motivation. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque, dès lors, en fait.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les articles L. 551-1 et L. 561-2 sont applicables à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai de départ volontaire qui lui a été accordé (...) L'étranger en est informé par la notification écrite de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ".
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier de première instance que le pli recommandé contenant l'arrêté d'éloignement du territoire a été présenté, le 30 décembre 2019, à l'adresse que l'intéressé avait communiquée à l'administration avant d'être retourné à l'expéditeur à l'expiration du délai de mise en instance revêtu de la mention " pli avisé non réclamé ". Dans ces conditions, la notification de cet arrêté est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date de sa présentation par les services postaux, soit le 30 décembre 2019, ce qui a fait courir le délai de départ volontaire de trente jours qui était expiré, le 10 février 2020, à la date à laquelle a été pris l'assignation à résidence litigieuse. Il suit de la que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 512-3 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. D'autre part, M. C... ne se prévaut d'aucun élément nouveau et sérieux susceptible de faire regarder sa nouvelle demande d'asile comme susceptible de faire obstacle à son éloignement. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité doit donc être écarté.
7. Enfin, aucune disposition n'oblige le juge administratif à communiquer à l'étranger faisant l'objet d'un arrêté d'une assignation à résidence son entier dossier en dehors de la procédure de première instance et des pièces utiles aux conclusions dirigées contre cette décision. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal a rejeté sa demande. Les conclusions de sa requête d'appel tendant aux mêmes fins doivent être rejetées, ainsi que par voie de conséquence ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
N° 20LY00924 2
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